C’est un Andrew Scoppa en colère contre son frère, sur ses gardes et à l’apparence désabusée qu’a rencontré à l’automne 2019 Dominico Scarfo, dont le procès devant jury pour les meurtres de deux lieutenants de la mafia montréalaise commis en 2016 se déroule depuis trois semaines.

Selon la théorie de la poursuite, les meurtres de Lorenzo Giordano et de Rocco Sollecito auraient été commis à la demande de Salvatore Scoppa, chef d’un clan calabrais en rupture avec le clan des Siciliens.

Un ancien tueur à gages du crime organisé – dont on ne peut dévoiler l’identité – a participé au meurtre de Rocco Sollecito en mai 2016 à Laval et est devenu agent civil d’infiltration (ACI) pour la Sûreté du Québec trois ans plus tard.

Prétextant que son frère Salvatore n’avait pas versé toutes les sommes promises pour ces meurtres, la taupe a organisé une rencontre avec Andrew Scoppa le 10 septembre 2019, à laquelle était également présent Dominico Scarfo.

L’ACI portait un dispositif portatif d’enregistrement et a enregistré Scoppa et Scarfo, à leur insu. Les jurés écoutent ces conversations depuis trois jours.

Un gâchis complet

« Mon frère voulait tuer tout le monde. Il avait une mentalité différente, il n’était pas stable et n’avait pas les pieds sur terre. Il avait perdu la tête et s’il m’avait écouté, ça aurait été différent (an other ball game) », a dit Andrew Scoppa à ses deux visiteurs, ajoutant qu’il n’avait rien à voir avec tout ça.

« Je lui ai dit que sa voiture blindée ne valait rien », a poursuivi l’ancien tueur à gages à la solde de la police.

« Où était sa voiture blindée le 4 mai ? » a ironiquement demandé Andrew Scoppa, disant souhaiter que son frère soit maintenant en paix.

Scarfo et l’ACI se sont présentés à la résidence de Scoppa et ce dernier semble sur ses gardes. Il demande aux deux hommes comment ils ont eu son adresse. Il se questionne sur le fait qu’aucun policier ne les observe, alors que les enquêteurs le talonnent pourtant « depuis trois mois ».

L’ACI s’est vêtu de façon à ce qu’Andrew Scoppa ne croit pas qu’il est « habillé » (dressed), ce qui veut dire porter une arme dans le jargon criminel. « Je sais comment les gens agissent quand il y a un hit », dit Scoppa.

Celui-ci affirme qu’il ne sait rien de ce qu’il se passe, ne parle à personne, ne voit personne et ne va nulle part, y compris au gym, car « il y a un paquet de problèmes ». Il se dit incapable de « visualiser l’échiquier ». Il annonce aux deux hommes que sa maison est à vendre et qu’il s’en va.

« Il y a trop d’histoires et de mensonges (bullshit). Trop de poignards dans le dos. Bro, la ville est un gâchis complet. Steve Sauce, tout le monde dit qu’il est en train de mourir et il ne l’est pas, ce sont des conneries. Des anciens me l’ont dit : Andrew, oublie ça. Avec cette nouvelle génération, il y a trop de trahisons », décrit Scoppa, en parlant de la mafia.

Andrew Scoppa parle également d’un certain Victor qui, selon lui, n’est pas impliqué dans les évènements de 2016.

« Vic, le seul truc, c’est qu’il ne veut pas se mêler des conneries de qui que ce soit. Vous savez qu’il a de l’argent, il ne veut pas être impliqué. Je ne blâme pas le gars. Mais il ne va pas se mêler à cette merde. Il voulait juste qu’on le laisse seul. Il voulait faire la paix avec tout le monde et c’est tout », dit Scoppa.

La rencontre se termine lorsque Scoppa dit aux deux hommes de ne pas revenir chez lui et qu’il va leur envoyer un message dans une semaine ou deux.

Les jurés ne savent pas qui sont Andrew et Salvatore Scoppa pour le moment.

Le procès se poursuit vendredi avec la suite de l’écoute des enregistrements réalisés par la taupe.

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