Il y a 20 ans, la police québécoise portait un dur coup aux Hells Angels, impliqués dans une guerre sanglante contre des concurrents récalcitrants. Aujourd’hui, quel est l’héritage de l’opération Printemps 2001 ? Les Hells Angels sont désormais rois et maîtres au Québec. Peut-on parler d’un coup d’épée dans l’eau ?
Un dossier de Daniel Renaud

« Je ne sais pas si on pourrait refaire ça aujourd’hui »

« Je ne sais pas si on pourrait refaire ça aujourd’hui, si la société aurait le même courage, la même étoffe qu’à l’époque », dit Robert Pigeon, directeur du Service de police de la Ville de Québec.

En 1995, M. Pigeon était sergent détective à l’escouade du banditisme de la Sûreté du Québec. En août de cette même année, la mort d’un garçon de 11 ans, Daniel Desrochers, tué par un éclat de bombe rue Adam, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, a mené à la création de l’escouade Carcajou, dont le mandat était de mettre un terme à la guerre des motards.

Celle-ci, qui en était à ses balbutiements, allait se terminer sept ans plus tard par un terrible bilan de 160 morts et 160 blessés, dont une vingtaine de victimes innocentes.

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le 13 août 1995, une bombe a déchiqueté cette Jeep et tué Daniel Desrochers, 11 ans.

Des gens étaient assassinés dans des endroits publics. Des bombes explosaient de jour comme de nuit.

Il y avait urgence d’agir.

C’était l’époque de l’adoption de la Loi sur le gangstérisme. Les motards, menés par les Nomads de Maurice Boucher et les membres de leur club-école le plus actif, les Rockers, tuaient également des gardiens de prison, attentaient à la vie du journaliste Michel Auger et auraient même projeté de s’attaquer à des procureurs, des juges et des policiers.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Michel Tremblay, ex-enquêteur du SPVM et membre de l’escouade Carcajou

Ils commençaient un peu à déstabiliser le système judiciaire. Si on ne voulait pas se retrouver dans un état comme la Colombie, où les trafiquants de drogue font la loi, il fallait agir et le système s’est mis en marche.

Michel Tremblay, ex-enquêteur du SPVM, membre de l’escouade Carcajou

« Sortez de votre bureau »

Cette escouade, fameuse dans l’histoire criminelle du Québec, était composée d’enquêteurs chevronnés de la SQ, du SPVM, de la GRC et de corps de police municipaux, et a été formée dans l’urgence, après le meurtre de Daniel Desrochers.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Le meurtre de Daniel Desrochers a indigné la population 
et accéléré la création de l’escouade Carcajou en 1995.

Robert Pigeon se souvient comme si c’était hier du premier jour d’opération, alors que les patrons des trois principaux corps de police ont tour à tour prononcé un discours solennel devant les drapeaux de leur organisation, invitant les enquêteurs à sortir dans la rue, avec leur mallette, pour recruter des délateurs.

Ceux-ci ont rapidement rempli le bloc cellulaire de la SQ, rue Parthenais, alors en pleine rénovation. Parmi ces délateurs, Stéphane Gagné, meurtrier de la gardienne de prison Diane Lavigne, qui deviendra le tombeur de Mom Boucher.

Puis ce fut le temps de recruter des taupes actives au sein des motards : Dany Kane, qui a permis aux enquêteurs de poser des micros et des caméras dans les locaux où les Hells Angels tenaient leurs réunions, Stéphane Sirois et Claude Deserres, ce dernier ayant été tué par les motards en pleine opération d’infiltration, alors qu’il portait un appareil d’enregistrement portatif.

Avec le meurtre de Deserres et le suicide de Kane, les enquêteurs ont commencé à lutter contre des vents contraires.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Photo de Dany Kane, une taupe
 du SPVM qui a mis fin à ses jours

Mais il était trop tard pour les motards. Les limiers avaient déjà amassé une preuve accablante.

Ils ont découvert une cache d’argent rue Beaubien, où se rendaient tour à tour motards et membres de la mafia. C’est lors de l’enquête Printemps 2001 que les policiers ont réalisé qu’il y avait un partenariat important entre motards et mafieux. Robert Pigeon croit même que le parrain de la mafia, Vito Rizzuto, avait alors conclu qu’avec la montée en puissance des Hells Angels, il ne pouvait faire autrement que de travailler avec eux.

Ce partenariat motards-mafia a aussi été constaté dans les importations de cocaïne, alors que tout devait passer par la Table des importateurs des Nomads, affirme M. Pigeon.

Les balbutiements de SharQc

C’est en suivant la route de l’argent qu’a germé pour la première fois, dans la tête de policiers, l’idée d’arrêter et d’accuser tous les Hells Angels du Québec, huit ans avant SharQc.

Est-ce que cela aurait été possible si Kane et Deserres étaient demeurés vivants ? a demandé La Presse.

PHOTO ARCHIVES LE SOLEIL

Robert Pigeon

Théoriquement, on aurait pu accuser tous les Hells Angels du Québec et on aurait pu continuer avec le filon de l’argent. Mais, en pratique, je pense que ç’aurait été difficile. Il y avait des possibilités d’en faire un projet provincial, mais on a décidé de se concentrer sur la guerre.

Robert Pigeon, directeur du Service de police de la Ville de Québec et ex-sergent détective de la SQ lors de l’opération Printemps 2001

« Il fallait mettre un terme à une première partie pour repartir avec une deuxième », ajoute-t-il.

Alors que l’enquête était bien avancée, une rencontre secrète a eu lieu entre des responsables de l’enquête, des représentants du gouvernement du Québec et le patron des enquêtes à la SQ, Louis Dionne, celui-là même qui, devenu juge, enquête actuellement sur les ratés de l’affaire Camara. Il est alors convenu de construire un palais de justice hautement sécuritaire sur le boulevard Gouin, en vue de mégaprocès à venir.

Le 28 mars 2001, près de 2000 policiers ont appréhendé plus de 100 motards et leurs associés. Les Nomads et les Rockers ont été décimés. La plupart ont été accusés, reconnus coupables de gangstérisme, meurtre, complot pour meurtre et trafic de stupéfiants, et condamnés à de longues peines.

  • Des motards ont tiré au travers du pare-brise de ce fourgon cellulaire 
et tué l’agent correctionnel Pierre Rondeau en 1997.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

    Des motards ont tiré au travers du pare-brise de ce fourgon cellulaire 
et tué l’agent correctionnel Pierre Rondeau en 1997.

  • Photo présentée en cour montrant Maurice Mom Boucher (à droite), chez des Nomads (Hells Angels), en compagnie de Dany Saint-Pierre, membre des Rockers. À l’arrière-plan, Jean-Richard Larivière, des Nomads.

    PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

    Photo présentée en cour montrant Maurice Mom Boucher (à droite), chez des Nomads (Hells Angels), en compagnie de Dany Saint-Pierre, membre des Rockers. À l’arrière-plan, Jean-Richard Larivière, des Nomads.

  • Le 24 août 1999, six individus sont devenus officiellement membres des Rockers, le club-école le plus actifs des Hells Angels durant la guerre des motards.

    PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

    Le 24 août 1999, six individus sont devenus officiellement membres des Rockers, le club-école le plus actifs des Hells Angels durant la guerre des motards.

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Les temps ont changé

« Je pense que c’est le plus gros procès de gangstérisme qui s’est fait dans l’histoire du Canada. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, mais à ce moment-là, le système a été capable de gérer ces procès-là », affirme René Beauchemin, ancien policier du Service de police de l’agglomération de Longueuil qui a également joué un rôle majeur dans l’escouade Carcajou, devenue ensuite l’Escouade régionale mixte de Montréal.

Le policier, qui est toujours actif au sein de la police de Saint-Jean-sur-Richelieu, retient principalement de Printemps 2001 l’ampleur de l’organisation des Hells Angels, les milliers d’heures de travail effectuées au détriment de la vie familiale et conjugale, les sacrifices, mais surtout un esprit de confrérie inégalé et un but commun, pas seulement entre enquêteurs.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

René Beauchemin, ancien policier du Service de police de l’agglomération de Longueuil

René Beauchemin, Robert Pigeon et Michel Tremblay ne croient pas qu’une opération comme Printemps 2001 serait encore possible 20 ans plus tard.

La divulgation totale de la preuve, les nombreuses requêtes de la défense, l’arrêt Jordan, le rapport Bouchard sur la gestion des mégaprocès ; tant d’éléments qui ont changé les façons de faire de la police et de la poursuite.

Dans le temps, les procureurs et la police, on se faisait confiance, on travaillait en équipe, on ne passait pas notre temps à se surveiller, on était vraiment tous unis dans une même mission.

Robert Pigeon, directeur du SPVQ et ex-sergent détective de la SQ lors de l’opération Printemps 2001

« Avec Printemps 2001, on a prouvé, je pense, que les Hells Angels sont une organisation criminelle. Mais ce avec quoi j’ai le plus de misère aujourd’hui, c’est qu’il faut toujours recommencer à zéro pour prouver l’affiliation de chacun des membres devant les tribunaux. Je considère qu’à partir du moment où tu t’affiches comme membre des Hells Angels n’importe où au Canada, tu devrais être identifié comme un criminel et ça devrait être illégal, point à la ligne », dit René Beauchemin.

« Aux États-Unis, ils ont le RICO [Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act]. En Italie, ils sont en train de faire un procès à 400 bandits mafieux, et ça marche, eux autres ! », conclut Michel Tremblay, qui croit que les lois canadiennes contre le crime organisé devraient encore être renforcées.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Ménard en 2002

On a eu plus de 100 arrestations et autant de condamnations. Ça a cassé le mouvement [de violence] à ce moment-là. Mais comme disait un ancien procureur, le crime organisé, c’est comme le ménage, c’est toujours à recommencer.

Serge Ménard, ministre de la Sécurité publique du Québec durant l’enquête Printemps 2001

Des Hells Angels plus forts

Vingt ans plus tard, quel est l’héritage de Printemps 2001 et de SharQc ?

Aujourd’hui, les Hells Angels du Québec comptent 83 membres tandis qu’ils étaient 120 avant SharQc, en avril 2009. Les cinq sections, dont quatre avaient été réduites à l’inactivité après SharQc, sont toutes de nouveau actives.

Alors que les clubs-écoles ont disparu au début des années 2000, jamais les Hells Angels n’ont eu autant de clubs subalternes ou sympathisants en 2021 : entre 40 et 50, selon la police.

  • Aujourd’hui, les Hells Angels comptent sur une cinquantaine de clubs subalternes, selon la Sûreté du Québec.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

    Aujourd’hui, les Hells Angels comptent sur une cinquantaine de clubs subalternes, selon la Sûreté du Québec.

  • Aujourd’hui, les Hells Angels comptent sur une cinquantaine de clubs subalternes, selon la Sûreté du Québec.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

    Aujourd’hui, les Hells Angels comptent sur une cinquantaine de clubs subalternes, selon la Sûreté du Québec.

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En comptant les membres de ces clubs subalternes et les individus qui, par exemple, vendent des vêtements ou des objets aux couleurs des Hells Angels, ces derniers peuvent compter sur l’appui de plus de 500 individus, évalue la police.

Ils n’ont plus d’ennemis chez les motards au Québec et contrôleraient 90 % du territoire québécois en matière de trafic de stupéfiants, d’après la SQ.

Les Hells Angels d’aujourd’hui sont plus raffinés ; ils ont appris de leurs erreurs.

Ils ne sont plus directement impliqués dans le trafic de stupéfiants et confient cette tâche aux membres de leurs clubs-écoles ou à des locataires de leurs territoires, qui leur versent une taxe.

Des Hells Angels parrainent les clubs subalternes. Ils se sont bâti un mur.

L’inspecteur-chef Benoit Dubé, grand patron des enquêtes contre le crime organisé à la SQ

La divulgation de la preuve devant les tribunaux fait en sorte qu’ils sont rompus aux techniques de la police et que celle-ci doit toujours rivaliser d’imagination et de moyens pour les coincer.

Les Hells Angels savent que leur talon d’Achille, ce sont les délateurs ou les taupes au sein de leurs rangs et ils continuent de verser de l’argent à des membres qu’ils ont expulsés, pour s’assurer de leur loyauté.

Ils n’ont plus de chef, comme Maurice Boucher à l’époque, mais des membres influents. Fini la Table des Nomads ; les Hells Angels auraient maintenant de petites tables ou « compagnies » dans lesquelles siégeraient quelques membres qui pourraient cependant parfois se concurrencer.

Sur les traces de la mafia

À côtoyer la mafia montréalaise depuis plus de 20 ans, ils se sont inspirés de ses façons de faire : ils investissent dans l’immobilier et infiltrent l’économie légale.

Selon des rapports de renseignement canadiens, 64 % des bandes de motards hors-la-loi au Canada sont impliqués dans au moins une société et posséderaient 120 entreprises, surtout dans les secteurs de l’hébergement, de la restauration et du commerce de détail, telles la vente et la location de véhicules.

Ils font aussi dans le blanchiment d’argent et sont maintenant impliqués dans des activités dont on disait autrefois qu’elles étaient « traditionnelles » à la mafia, tels les paris sportifs et le jeu, et maintenant les casinos virtuels.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Arrivée du Hells Angels Salvatore Cazzetta (au centre avec barbe et lunettes de soleil) au salon funéraire Loreto, en décembre 2013, où était exposée la dépouille du chef de la mafia montréalaise Vito Rizzuto.

Alors qu’à une certaine époque, les motards dépendaient de la mafia et du crime organisé traditionnel irlandais pour les importations de cocaïne et d’autres drogues, « ils sont maintenant autosuffisants », dit Benoit Dubé, ayant des clubs affiliés et des contacts dans les pays fournisseurs ou de transit.

Comme dans la mafia, on commence peut-être à parler de tradition familiale chez les Hells Angels, alors qu’actuellement 30 enfants de membres seraient « d’intérêt » pour la police.

Depuis que les Hells Angels arrêtés et accusés dans la foulée de l’opération SharQc ont commencé à être libérés, à la fin de 2015, on voit poindre la relève : les jeunes motards de 2001 sont devenus les acteurs influents en 2021.

L’opération SharQc

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

L’ancien Rock Machine devenu Hells Angels Salvatore Cazzetta a été arrêté le jour de l’opération SharQc, le 15 avril 2009.

Le 15 avril 2009, 156 mandats d’arrêt sont lancés contre les Hells Angels du Québec et leurs associés pour gangstérisme, trafic de stupéfiants, complot pour meurtre et meurtre. Le but est d’éradiquer ce club de motards dans la province. La théorie de l’enquête est que tous les Hells Angels du Québec ont pris part à la guerre des motards en versant 10 % de leurs revenus illicites pour financer les opérations contre les ennemis. Entre 2013 et 2015, plusieurs Hells Angels plaident coupables à un chef réduit de complot pour meurtre et sont condamnés à des peines diverses. À l’automne 2015, quelques semaines après le début du procès des Hells Angels de la section de Sherbrooke, le juge Brunton met fin au processus judiciaire pour « un grave abus de procédures » après que la Couronne eut annoncé qu’elle avait trouvé des éléments de preuve que la défense réclamait depuis longtemps.

« Les joueurs influents les plus violents ne sont plus là »

Malgré son grand succès, est-ce que l’opération Printemps 2001 a été un coup d’épée dans l’eau ?

Non, répondent unanimement Michel Tremblay, René Beauchemin, Robert Pigeon et Benoit Dubé. Les quatre croient que la plus grande victoire de Printemps 2001 est d’avoir mis les Nomads et Maurice Boucher hors d’état de nuire (même si certains ex-Nomads sont toujours actifs) et le fait qu’aujourd’hui, les meurtres reliés aux Hells Angels ont sensiblement diminué.

« Vingt ans plus tard, les joueurs influents les plus violents ne sont plus là. Les Hells Angels ont évolué. Ils n’utilisent plus seulement la violence pour régler leurs différends. Ils ont appris que la violence attire la police et la colère de la population », affirme l’inspecteur-chef Benoit Dubé, de la Sûreté du Québec.

On n’a plus eu d’attaques contre l’État après Printemps 2001. Les Hells Angels ont été hypothéqués durant des années et ont été obligés de se reconstruire. Ils ont mis du temps à s’en remettre. Ils ont changé leur modèle d’affaires, mais c’est ça, le crime organisé.

Robert Pigeon, directeur du SPVQ et ex-sergent détective de la SQ

« Avoir attaqué la justice a été la plus grande erreur des Hells Angels. Cela entache encore leurs couleurs [patches] aujourd’hui. Ils sont incapables de s’en détacher et ils en payent encore le prix. C’est le legs pour lequel la police s’intéresse toujours à eux. Les Hells Angels savent que la police est capable de leur faire mal », analyse un ex-enquêteur de la lutte contre le crime organisé.

Leur faire mal, oui, mais les éradiquer, non, « pas avec notre système judiciaire. Ça va prendre un méchant contrat », dit l’ancien enquêteur Michel Tremblay.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

L’enquêteur Robert Pigeon escortant Maurice Mom Boucher, chef des Nomads, après son arrestation.

Éternel recommencement

« Il n’y aura plus de Printemps 2001. Ce n’est plus notre vision. Aujourd’hui, on travaille en fonction de l’arrêt Jordan et du rapport Bouchard. On ne peut plus attendre cinq ans pour juger un Hells Angels pour trafic de drogue. La police s’est adaptée, et on a autant d’impact. »

« Les Hells Angels ont pris la province avec 160 morts. On a voulu les anéantir de la mauvaise façon. On a pensé qu’on pouvait les éradiquer localement, mais il faut les combattre mondialement », affirme Benoit Dubé.

« Théoriquement, c’est possible d’empêcher que les Hells Angels dominent au Québec, mais est-ce possible d’empêcher que quelqu’un d’autre prenne la place ? Le crime organisé a horreur du vide. Peu importe si ça s’appelle Printemps 2001 ou SharQc, on va toujours devoir lutter contre le crime organisé à cause de l’argent qui est disponible. La police contre le crime organisé, c’est comme une course l’un contre l’autre. Ç’a toujours existé et ça existera toujours », conclut Robert Pigeon.

Qu’est-ce que l’arrêt Jordan ?

L’arrêt Jordan est une décision rendue en 2016 en vertu de laquelle la Cour suprême du Canada limite les délais judiciaires. Ainsi, elle fixe à 18 mois la durée maximale d’un procès tenu devant une cour provinciale et à 30 mois celle d’un procès qui se déroule devant une cour supérieure. Cette décision oblige la Couronne à être prête à divulguer la grande majorité de la preuve dès qu’un individu est accusé et a contraint la police à adapter ses stratégies d’enquête, notamment en menant plusieurs perquisitions, pour recueillir sa preuve, avant d’effectuer des arrestations.

Des Hells Angels plus combatifs

On n’aurait jamais – ou rarement – vu cela dans le passé, mais plusieurs Hells Angels poursuivent l’État depuis la fin abrupte des superprocès SharQc pour abus de procédures. Ils ont déposé des poursuites – toujours en cours – totalisant plus de 85 millions de dollars contre le gouvernement, car ils considèrent avoir été détenus illégalement durant au moins six ans. Par ailleurs, dans toutes les procédures entamées contre des motards, les avocats de ceux-ci multiplient maintenant les requêtes dans le but de trouver les failles des enquêtes policières, ce qui complique passablement le travail des autorités. Enfin, même si ce n’est pas monnaie courante, des membres des Hells Angels n’hésitent pas aujourd’hui à accorder des entrevues aux médias pour exprimer leur point de vue. Nous avons laissé un message à l’un d’eux pour qu’il commente les 20 ans de Printemps 2001, mais nous n’avions pas eu de réponse au moment d’écrire ces lignes.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.