« L’argent facile » que des proxénètes font miroiter à de jeunes femmes pour les inciter à se prostituer n’est qu’un « piège », mettent en garde deux victimes du proxénète Luis Fernando Camacho Vera, qui purge une peine quasi record de 15 ans de pénitencier.

« L’argent dit “facile” m’a coûté trois hospitalisations, un manque de confiance en moi, un trouble affectif et anxieux et une dépression », déplore Océane*.

Bianca* avait 20 ans. Son amie Océane était adolescente. Toutes les deux voulaient gagner de l’argent rapidement. Toutes les deux ont succombé aux promesses et aux tromperies de Luis Fernando Camacho Vera, proxénète et violeur en série. « Je regrette d’avoir croisé [l’accusé]. Il ne m’a pas aidée à vivre mes rêves », affirme Bianca.

Mais les deux femmes ne sont pas les seules qui sont tombées dans les griffes de Luis Fernando Camacho Vera. Entre 2014 et 2017, le Montréalais de 38 ans a fait pas moins de 11 victimes, dont 8 filles de 15 à 17 ans.

Les répercussions subies par ces jeunes femmes sont nombreuses, lourdes et dramatiques.

Mylène Grégoire, juge dans cette affaire

Dans le dossier de Bianca et Océane, Luis Fernando Camacho Vera a été condamné à cinq ans de détention en novembre dernier après avoir plaidé coupable à quatre chefs d’accusation de proxénétisme. Mais cette peine n’a en pratique aucun effet, puisque Luis Fernando Camacho Vera va la purger en même temps que sa peine quasi record de 15 ans de pénitencier imposée en novembre 2019 pour neuf autres victimes.

Il roulait sur l’or

Son modus operandi était bien rodé. Sous le surnom de « Carlos », il attirait ses victimes grâce à des annonces fictives pour des emplois de réceptionniste ou de masseuse. Il profitait d’une « entrevue » d’embauche pour les agresser sexuellement – dans la plupart des cas – et les incitait ensuite à se prostituer. Le criminel roulait sur l’or grâce à son entreprise d’escortes.

C’est ce qui est arrivé à Bianca. La jeune femme récemment débarquée à Montréal espérait amasser 10 000 $ pour s’inscrire à l’école de ses rêves. Elle a alors postulé à un poste de réceptionniste. Mais au salon, Luis Fernando Camacho Vera lui a dit que le poste n’existait pas et lui a demandé de se déshabiller. « Il m’a agressée », a confié Bianca dans un courageux récit.

Pendant quelques mois, Bianca s’est ainsi prostituée au profit de Luis Fernando Camacho Vera et de sa complice Claire Nicolle (qui doit recevoir sa peine à l’hiver). Bianca pouvait conserver 60 $ et garder les pourboires.

Aujourd’hui, Bianca souffre encore des conséquences de ces mois d’enfer. « L’angoisse fait désormais partie de mon quotidien », dit-elle. Elle affirme éviter le métro, les bars et les hôtels qui lui rappellent les clients qui lui ont « passé dessus comme si [elle] était une poupée de chiffon ».

« La pire conséquence est la culpabilité et la honte. J’ai essayé de cacher ce traumatisme », a raconté la jeune femme, qui affirme avoir mis cinq ans à rebâtir sa confiance.

C’est Bianca qui a présenté son amie Océane au proxénète. Dès la première rencontre, Luis Fernando Camacho Vera a une relation sexuelle avec l’adolescente. Une « condition d’embauche », selon Océane. Pendant l’été, celle-ci a travaillé comme escorte et dans un salon de massage de la rue Jean-Talon pour le proxénète. Océane disait aux clients avoir 19 ans.

« À l’âge de 16 ans, l’accusé m’a appris que l’argent peut être facilement gagné. Il suffit d’avoir du sexe et c’est tout. C’est simple de même, comme s’il s’agissait d’un acte banal comme tout autre sujet », regrette Océane, qui souffre toujours de graves séquelles cinq ans plus tard.

« Les horreurs vécues dans ce monde affectent la possibilité de développer une relation intime. Je n’ai plus confiance. J’ai l’impression de mentir aux gens pour cacher mon passé douloureux. J’ai honte. Honte d’être tombée dans ce piège, dans cette roue tournante. Je suis méfiante, anxieuse et blessée », a-t-elle confié dans une lettre lue à la cour.

Le proxénète s’est confondu en excuses en s’adressant aux victimes dans la salle. « Je suis extrêmement désolé de vous avoir amenées dans ce milieu. Je m’en veux vraiment, vraiment. Je suis conscient des répercussions et je dois vivre tout le mal que j’ai fait à vous et aux autres victimes », a insisté Luis Fernando Camacho Vera.

* Prénoms fictifs

30 mois

Peine réclamée par la Couronne contre Claire Nicolle, coaccusée de Luis Fernando Camacho Vera dans cette affaire.

24

Nombre de chefs d’accusation dont Luis Fernando Camacho Vera a reconnu la culpabilité.