Les municipalités ont bel et bien le droit d’utiliser le zonage pour lutter contre la malbouffe, vient de trancher la Cour d’appel en rejetant l’appel d’un regroupement de restaurateurs rapides.

« On est tous très contents, affirme au téléphone Marvin Rotrand, l’élu montréalais derrière le règlement de zonage. Est-ce que c’est la fin de l’histoire ? Est-ce qu’ils vont essayer d’aller chercher un appel à la Cour suprême ? J’espère que non. L’industrie de la restauration doit comprendre que les habitudes des citoyens ont changé et qu’ils veulent une nouvelle offre de nourriture. »

L’histoire a commencé en 2016 quand l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG) a adopté un règlement municipal limitant les zones où peuvent être implantés de nouveaux établissements de restauration rapide.

Le règlement voulait non seulement limiter la progression des fast foods près des écoles et dans les artères commerciales au cœur des quartiers, mais s’articulait aussi autour d’un plan plus large de promotion de saines habitudes de vie, qui favorisait l’activité physique, le vélo et l’accès à des aliments frais.

Après avoir perdu sa cause en 2019 contre la ville de Montréal devant la Cour supérieure, le regroupement de restaurants est allé en appel et a perdu. Il s’agit notamment de Restaurants Canada, Les Rôtisseries St-Hubert, Les restaurants McDonald du Canada, Les services alimentaires A & W du Canada, Restaurant McGeorge inc et Groupe TDL Corporation (Tim Hortons).

Droit de zonage et définition clairs

Dans sa décision, le juge Frédéric Bachand a notamment répondu à deux questions. D’abord que l’arrondissement n’a pas outrepassé son pouvoir de zoner, puis qu’il n’est pas impossible de déterminer ce qui est ou non un restaurant à restauration rapide.

« Les appelants ont tort de prétendre qu’il n’existe aucune différence significative entre un établissement de restauration rapide et les autres types de restaurants », écrit-il.

Le juge Frédéric Bachand explique qu’on y pratique des activités commerciales variées qui peuvent être « rationnellement distinguées les unes des autres » comme on distingue que « les bars offrant des spectacles de danse pratiquent une activité commerciale différente de celle des bars offrant des spectacles érotiques ».

« Il est permis de concevoir la restauration rapide comme une activité commerciale présentant des caractéristiques qui lui sont propres. »

Selon le règlement de zonage, la définition d’un restaurant rapide va comme suit : « établissement de restauration dont les aliments sont servis majoritairement dans des contenants, emballages ou assiettes jetables, lorsqu’ils sont consommés sur place, et où il n’y a aucun service aux tables.

Joint au téléphone, le vice-président fédéral et Québec de Restaurants Canada, Olivier Bourdeau, n’a pas été en mesure de commenter la décision. « Nous devons tout d’abord prendre connaissance au complet du jugement », a-t-il affirmé.

Nettoyer l’environnement alimentaire autour des écoles

« Cette décision vient démontrer que les municipalités ont un grand pouvoir et des outils pour construire des milieux de vie sains, se réjouit au téléphone Corine Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids. C’est un beau gain socialement surtout avec une nouvelle génération d’élus qui vont bientôt entrer en fonction. »

« Ce n’est pas parce que c’est maintenant possible de zoner sur le territoire qu’il n’y aura plus de fast foods à côté des écoles, car il y a des droits acquis, poursuit-elle. Mais quand il y a un restaurant qui part, c’est une possibilité pour les municipalités de nettoyer l’environnement alimentaire autour des écoles. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le conseiller municipal du district de Snowdon dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges — Notre-Dame-de-Grace, Marvin Rotrand, se dit satisfait de la décision de la Cour d'appel. « L’industrie de la restauration doit comprendre que les habitudes des citoyens ont changé et qu’ils veulent une nouvelle offre de nourriture. »

De son côté, le conseiller Marvin Rotrand explique qu’il y a eu une évolution des actions et des mentalités avant d’en arriver à ce type de zonage. Le doyen à l’hôtel de ville qui quitte la politique après 39 ans et 10 mandats consécutifs rappelle qu’il a milité contre le tabac dans les places publiques à la fin des années 80, le bannissement des boissons sucrées dans les arénas et celui des gras trans.

« Avec la restauration rapide, c’était une question non seulement de malbouffe, mais aussi une question de look de nos artères commerciales, de la malpropreté et de l’augmentation de la circulation engendrée par ce type de restaurants. Nous avons décidé de gagner tous nos objectifs avec un règlement de zonage, qui reconnaît les droits acquis », conclut-il avec la fierté de laisser un héritage durable aux citoyens.

Avec la participation de Louis-Samuel Perron, La Presse