Une ex-agente des services frontaliers alertée par le « racisme » de ses collègues a bénéficié de la clémence du Tribunal vendredi en recevant une absolution pour avoir transmis de l’information confidentielle à un proxénète. Manuelle Duranceau-Lapointe a déjà « payé chèrement son erreur de jugement », selon la juge.

La femme de 31 ans travaillait aux douanes de l’aéroport Montréal-Trudeau, le 15 mai 2018, lorsqu’elle a appris que son ami d’enfance Verdieu Registre Jr allait subir une fouille secondaire. « Curieuse », elle a découvert que son ami faisait l’objet d’un avis de guet pour contrebande. Elle a alors pris l’initiative de lui envoyer une photo du courriel protégé.

Son geste commis par « naïveté » a déclenché une enquête d’envergure de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) visant à découvrir l’origine de cette fuite. Manuelle Duranceau-Lapointe ignorait en effet que Verdieu Registre Jr était alors visé par une enquête majeure de proxénétisme. C’est un agent d’infiltration de la police qui a découvert que le courriel protégé circulait parmi les criminels.

Manuelle Duranceau-Lapointe croyait que son ami était visé par des « motifs racistes », relève la juge Suzanne Costom. En effet, la douanière « remettait souvent en question » le travail de ses collègues. Elle croyait que certains d’entre eux avaient des « attitudes racistes et méprisantes envers les minorités ethniques » et jugeait « abusive » certaines de leurs interventions. L’accusée était proche de la communauté haïtienne, s’étant rendue à trois reprises en Haïti en mission humanitaire.

« C’est dans ce contexte qu’elle a communiqué les informations confidentielles à son ami d’enfance, sans réfléchir aux conséquences », indique la juge. Selon un rapport, l’accusée a d’ailleurs « tendance à être manipulée ». Elle a plaidé coupable la semaine dernière à une accusation d’abus de confiance par un fonctionnaire public, alors que son procès devait s’amorcer. Précisons que l’accusée ignorait tout des activités criminelles de son ami.

Depuis son arrestation, Manuelle Duranceau-Lapointe a perdu son emploi à l’Agence des services frontaliers du Canada, puis à la Direction de la protection de la jeunesse. La jeune femme a depuis terminé ses études collégiales et a fondé une famille. Un casier judiciaire pourrait ainsi l’empêcher d’œuvrer en travail social, a relevé la juge. « Elle a beaucoup cheminé », a-t-elle ajouté.

Le procureur de la Couronne MDenis Trottier ne demandait aucune période de détention, mais seulement l’imposition d’un sursis de peine (sentence suspendue). L’avocate de la défense MMarie-Hélène Giroux réclamait une absolution inconditionnelle.

La juge Costom a tranché en imposant une absolution conditionnelle, assortie d’une probation de 18 mois et 75 heures de travaux communautaires. Manuelle Duranceau-Lapointe pourra ainsi demander le retrait de son casier judiciaire. Aux yeux de la juge, une absolution conditionnelle ne nuit pas à la confiance du public, l’un des critères de cette peine.

« Bonne chance. Je suis convaincue qu’on ne vous reverra pas », a conclu la juge.