(Joliette) L’adolescente, qui avait développé un lien étroit avec Benoit Cardinal, n’a pas caché qu’elle vivait des moments troubles lorsque Jaël Cantin a été assassinée. En plus de s’être enfuie à répétition de son centre jeunesse, elle a affirmé avoir été manipulée et contrôlée par des proxénètes. Toutefois, c’est avec force et conviction qu’elle a allégué n’avoir « aucun rapport » avec le crime commis le 16 janvier 2020.

Au troisième jour de son témoignage au palais de justice de Joliette, la jeune femme de 18 ans était beaucoup moins fragile que la veille, répondant avec aplomb aux questions de l’avocat de Benoit Cardinal, MLouis-Alexandre Martin. Avec conviction, elle a affirmé que la nuit où Jaël Cantin a été tuée, elle n’était pas sur les lieux du crime.

La veille, MMartin avait insisté sur les contradictions entre ces différents témoignages et sur les mensonges qu’elle avait proférés à des adultes dans la foulée de ces évènements. La jeune femme avait paru désemparée à plusieurs reprises, et bien des larmes avaient coulé sur ses joues. Mercredi, elle a semblé beaucoup plus en contrôle de ses moyens.

Les membres du jury ont appris des détails sur la vie de cette adolescente. Dans les mois qui ont précédé le meurtre, elle a affirmé qu’elle fuguait régulièrement du centre jeunesse de Laval où Benoit Cardinal était éducateur. En fuite, sans argent ni logement, elle se serait retrouvée sous l’emprise de proxénètes qui l’« obligeaient à avoir des relations sexuelles avec eux », en échange notamment de nourriture. À plusieurs reprises, ils l’auraient agressée « physiquement et mentalement ». « J’ai dû me battre beaucoup pour me sortir de là », a-t-elle fait savoir.

Problèmes de mémoire

Durant cette période trouble, elle ne prenait pas sa médication pour traiter son trouble de l’anxiété, son trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et son stress post-traumatique. « Ça affectait ma mémoire si je ne prenais pas mes médicaments », a soutenu notamment la jeune adulte. Ses contradictions entre ses témoignages faits aux autorités seraient notamment dues à ces problèmes de mémoire.

Comme exemple de contradictions soulevées par la défense, la jeune n’aurait jamais parlé aux autorités, lors de ses premiers témoignages, du fait que Cardinal lui aurait dit qu’elle serait une « bonne mère » pour ses six enfants ou qu’il rêvait d’un bel avenir avec elle. Possible, a répondu du tac au tac l’adolescente de 18 ans. Reste qu’il s’agit de la vérité, a-t-elle ajouté.

Outre les trous de mémoire, elle a indiqué que la peur, les remords et les regrets l’avaient aussi incitée à ne pas tout dévoiler aux autorités durant les premières rencontres. Elle aurait dû alerter les autorités policières lorsque Benoit lui a fait part de ses plans de tuer sa conjointe, a-t-elle témoigné. « J’avais peur de me faire attraper, parce que j’étais en fugue. Mais après, je me suis senti mal et coupable. Je regrettais de ne pas l’avoir fait. »

Elle avait aussi la frousse d’être associée au meurtre de la femme de 33 ans, d’une manière ou d’une autre, parce qu’elle avait passé du temps avec Cardinal dans les jours qui avaient précédé le meurtre et qu’elle avait même passé du temps dans leur résidence. « J’ai eu peur que le monde m’associe à cette histoire-là », a-t-elle confié en pleurant. « Alors que je n’ai absolument aucun rapport là-dedans. »