Les administratrices de la liste « Dis son nom », qui recense en ligne depuis juillet 2020 l’identité de présumés agresseurs, ne pourront conserver l’anonymat, a tranché la Cour supérieure du Québec.

Jean-François Marquis poursuit au civil les deux créatrices de la page « Dis son nom ». Son nom se trouve sur cette liste, qui compte environ 1500 présumés agresseurs.

Il leur reproche notamment qu’aucune démarche n’ait été effectuée pour obtenir sa version des faits. Il réclame aux créatrices de la page 50 000 $ en dommages et exige que leur identité soit dévoilée dans le cadre du procès.

L’ancienne illustratrice judiciaire Delphine Bergeron est l’une des deux femmes derrière la liste. Elle a volontairement dévoilé son identité en septembre 2020 dans le cadre d’une entrevue au journal Le Devoir.

La seconde administratrice ne veut toutefois pas être connue. Elle avait jusqu’à maintenant obtenu le droit de conserver son anonymat, et les documents de cour la présentaient sous les initiales AA.

Les deux femmes ont été victimes d’agression sexuelle, a indiqué la défense. La liste « Dis son nom » était une façon pour AA d’aider d’autres victimes à dénoncer leurs agressions et à entamer un processus de guérison. M. Marquis ne conteste pas qu’AA ait été victime d’agression sexuelle.

AA affirme qu’elle connaît les stigmates liés au statut de victime d’agression sexuelle, qu’elle entame son processus de guérison et qu’elle ne se sent pas assez forte en ce moment pour agir de manière publique.

Le fait que AA soit elle-même victime d’agression sexuelle lui donne-t-il un droit automatique à l’anonymat ? Non, a statué la Cour supérieure. « Les défenderesses n’ont pas démontré que leurs communications avec les victimes, de même que l’identité de ces dernières, sont protégées par un privilège quelconque », a indiqué la juge Katheryne Desfossés.

Remise des dénonciations

Les créatrices de la page devront aussi remettre à M. Marquis le contenu de toutes les dénonciations reçues par « Dis son nom ». Elles devront également lui communiquer l’identité et les échanges avec la ou les personnes qui se disent victimes de M. Marquis.

« Considérant que les défenderesses entendent spécifiquement démontrer la véracité des reproches formulés par la ou les victimes alléguées de monsieur Marquis, il est évident que ce dernier doit savoir qui lui reproche quel geste. Lui refuser cette information équivaudrait à le priver de son droit de répondre à la défense », a soutenu la juge.

Avec Gabriel Béland, La Presse