Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) tend la main aux victimes de crimes sexuels pour qu’elles n’hésitent pas à porter plainte à la police.

Me Audrey Roy-Cloutier, procureure de la Couronne en Beauce, souhaite que les victimes soient au courant de tout ce qui est déployé pour elles. Le DPCP a dit saisir l’occasion apportée par la plus récente vague de dénonciations de harcèlement et d’agressions sexuelles « pour participer à la conversation ».

Les victimes d’agressions sexuelles qui portent plainte auront plusieurs épaules sur lesquelles elles pourront se poser, assure-t-elle, ainsi que des services d’aide et d’accompagnement.

Me Roy-Cloutier a expliqué en entrevue téléphonique que dès qu’un dossier arrive sur son bureau — comme chez les autres procureurs de la Couronne — une rencontre préliminaire a lieu rapidement avec la victime, avant même le dépôt des accusations.

Lors de cette rencontre, l’enquêteur est aussi présent, tout comme un représentant d’un CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels) ou d’un CALAC (Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et la violence faite aux femmes).

Cette rencontre est faite pour plusieurs raisons, a expliqué l’avocate qui accompagne des victimes de crimes sexuels depuis plus de 13 ans : pour établir le lien de confiance, pour montrer que le dossier est pris au sérieux dès le début et pour offrir tout l’accompagnement nécessaire.

Le processus judiciaire sera alors expliqué à la victime, indique-t-elle, pour l’aider à prendre les meilleures décisions pour elle.

« On reconnaît leur immense courage, dit-elle. Mais on sait que l’inconnu du processus peut faire peur et on veut leur montrer que ce sont des humains qui sont là, avec un numéro de téléphone, et qui peuvent être rejoints en tout temps si elles ont des questions. »

Les plus récentes dénonciations, dont beaucoup dans le milieu artistique québécois, ont mis en lumière une réalité : des victimes disent dénoncer sur les réseaux sociaux plutôt qu’à la police pour plusieurs raisons, dont celles-ci : elles ne font pas confiance au système judiciaire, craignent de ne pas être crues ou n’ont pas envie de revivre leur agression en devant la relater en détail pendant un procès criminel.

Pourquoi ce manque de confiance si les ressources sont réellement en place pour les victimes ?

Me Roy-Cloutier croit que les victimes sont mieux placées pour répondre à cette question, mais elle émet cette hypothèse : peut-être qu’il n’y a pas assez d’information sur la façon dont se déroule le processus.

Et si elle comprend leurs réticences, elle veut leur dire ce qu’elle voit au quotidien, sur le terrain : des procureurs dévoués, tout comme les enquêteurs de police et les travailleurs des organismes d’aide et de soutien.

Des policiers attitrés aux enquêtes sont désormais spécialisés en crimes sexuels et des procureurs de la Couronne aussi. Ils connaissent mieux les aléas de ces dossiers et leurs difficultés.

Elle rappelle aussi que certains changements ont été apportés pour enlever de la pression : des ordonnances de non-publication empêchent que le nom du plaignant ou de la plaignante ne soit dévoilé, et ils peuvent parfois témoigner par visioconférence pour ne pas être dans la même salle que leur agresseur.

Dans la plupart des cas, les plaignants ne peuvent désormais plus être contre-interrogés sur leur passé sexuel.

« On sait pertinemment que ce n’est pas facile, mais on fait ce qu’on peut pour que cela soit moins pénible. »

Et aussi, elle veut qu’elles sachent que des condamnations pour agressions sexuelles, ça existe.

« Bon an mal an, les statistiques auxquelles j’ai eu accès dernièrement, on parle en moyenne d’un taux de condamnation de plus de 50 % — environ 50-55 % — des dossiers judiciarisés. »

Mais les autres cas ne sont pas forcément des acquittements. Il y en a, certes, mais dans le 45 % restant, il y a aussi des situations pour lesquelles la Couronne retire des accusations ou la victime ne veut plus aller de l’avant.

Et des verdicts de culpabilité sont prononcés dans des causes même quand il n’y a pas de témoins de l’agression et qu’il n’y a que la version de la victime contre celle de son agresseur, ajoute-t-elle.

Toutefois, il faut se rappeler que de nombreuses agressions sexuelles ne sont jamais rapportées à la police : selon une estimation de Statistique Canada, seulement 5 % des victimes portent plainte.

Me Roy-Cloutier rappelle aussi qu’une ligne téléphonique confidentielle a été créée par le DPCP pour les victimes qui hésitent ou qui ne savent pas quoi faire.

Avant de parler aux policiers, elles pourront recevoir toute sorte d’informations, et le processus judiciaire leur sera expliqué. Et puis, elles seront dirigées au besoin vers des services d’aide.

La ligne téléphonique 1877 547-DPCP (3727) est en activité du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 12 h et de 13 h à 16 h 30.