Au terme d'une longue enquête préliminaire, SNC-Lavalin a été citée à procès pour corruption d'agent étranger et fraude, hier matin.

Le juge Claude Leblond, après des semaines à analyser une preuve volumineuse, a déterminé que les éléments amassés par la GRC justifient la tenue d'un procès criminel, qui pourrait vraisemblablement avoir lieu en 2020.

L'enquête préliminaire vise à éviter la tenue d'un procès lorsque la poursuite n'a pas d'éléments valables en main contre un accusé.

La thèse de la poursuite dans cette affaire est que la firme de génie-conseil a versé plusieurs dizaines de millions de dollars à Saadi Kadhafi, le fils de l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, afin d'obtenir des avantages d'affaires dans son pays. L’État et la population de la Libye auraient été floués pour enivrons 130 millions.

Les avocats de SNC-Lavalin prétendaient que la preuve ne justifiait pas la tenue d'un procès.

Avant même le début de l'enquête préliminaire, SNC-Lavalin avait tenté obtenir un accord hors-cour avec la couronne pour éviter un procès, mais les procureurs fédéraux ont refusé un tel accord, ce qui a provoqué une crise au sein du gouvernement Trudeau. SNC-Lavalin conteste toujours devant la Cour d'appel fédérale le refus de la couronne de négocier un accord hors-cour.

Un ancien vice-président de l’entreprise, Sami Bebawi, subira quant à lui son procès pour les mêmes accusations de façon séparée, cet automne.

Défense vigoureuse à venir

« Compte tenu du seuil que devait atteindre la partie poursuivante au stade de l'enquête préliminaire, ce résultat était attendu, a déclaré Neil Bruce, président et chef de la direction chez SNC-Lavalin.

« Nous déciderons de la meilleure façon de faire valoir notre cause et des arguments juridiques sérieux que nous allons présenter pour continuer de nous défendre vigoureusement afin d'obtenir le jugement souhaité et un acquittement », a-t-il ajouté.

Prudence à Ottawa

Les ministres du gouvernement libéral ont été plus que prudents dans leurs réactions hier à Ottawa. La loi permettrait techniquement toujours de conclure un accord de réparation hors-cour avec la firme québécoise, mais le ministre de la Justice David Lametti n’a même pas voulu aborder la question.

« Je ne peux rien dire parce que je suis le procureur général du Canada. Ce que je vais dire sera interprété d’un côté et de l’autre et je ne veux pas le faire. Je ne veux avoir aucun impact [sur les procédures judiciaires en cours] », a expliqué M. Lametti.

Le ministre québécois, François-Philippe Champagne, a été plus loquace. « Ceux qui ont commis des actes criminels […] doivent payer pour le crime », a-t-il nuancé. « Ce qu’il faut essayer d’éviter, c’est que ceux qui n’ont rien avoir avec ça en subissent les conséquences », a-t-il ajouté, rappelant que son ministère avait pour 187 milliards de projets sur la planche à dessin.

« Il y a seulement quelques compagnies qui peuvent réaliser de projets de plusieurs milliards […] SNC-Lavalin, c’est la plus grande compagnie d’ingénierie au Canada », a-t-il soulevé.

Le ministère des Services publics évalue d’ailleurs – et ce, bien avant l’éclatement de l’affaire SNC-Lavalin – la possibilité de réviser la période d’inadmissibilité à l’attribution de contrats publics, fixée pour l’heure à 10 ans, pour une entreprise reconnue coupable de corruption.