Près d'une personne sur trois ayant vécu la fusillade du Collège Dawson, le 13 septembre 2006, à Montréal, a subi un trouble psychologique dans les 18 mois suivants, notamment un trouble de stress post-traumatique, une dépression majeure, une dépendance à l'alcool ou une phobie sociale.

C'est là une des conclusions d'une étude d'une ampleur jusqu'ici inédite, menée auprès de 950 étudiants et employés du Collège sur une période de trois ans, rendue publique jeudi à Montréal.

«Si on se demande: est-ce qu'un événement comme celui-là a un impact psychologique? La réponse est oui», a lancé le chef de l'équipe de chercheurs, le docteur Alain Lesage, du Centre de recherche Fernard-Seguin de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine.

La proportion de personnes affectées par un trouble psychologique atteint en fait 30,9%. «C'est deux fois plus que dans la population québécoise», a souligné le docteur Lesage.

Celui-ci a toutefois noté que ces résultats mettent aussi en évidence la résilience de l'être humain.

«La majorité des gens n'ont pas présenté de trouble mental. Ça donne raison à l'approche initiale dans le plan d'intervention à Dawson et qui se retrouve dans nos recommandations, à savoir que vous intervenez en pensant que les gens vont pouvoir s'en tirer et qu'ils n'auront pas de séquelles, et c'est effectivement le cas pour la majorité», a-t-il dit.

Sans surprise, l'enquête démontre que plus les répondants étaient près des évènements, plus ils ont été affectés par ceux-ci. Et, tout comme dans la population en général, la recherche indique que la majorité des personnes qui ont souffert de troubles psychologiques n'ont pas consulté un professionnel en santé mentale.

L'élément inattendu se trouvait en fait dans la palette des troubles rapportés, a précisé le docteur Lesage.

«Nous avons été surpris de voir les types de désordres qui étaient présents. Spontanément, vous auriez dit un trauma, donc vous vous attendez au stress traumatique, mais il y a aussi la dépression majeure, des problèmes d'abus de substance, d'autres troubles d'anxiété», a-t-il précisé.

Les chercheurs ont produit, en tout, quatre rapports qui font également l'analyse détaillée des événements, de la réponse des services d'urgence et qui proposent un plan d'intervention visant à se préparer à de tels événements, à les prévenir lorsque c'est possible et à réagir efficacement lorsqu'ils surviennent. Ce programme porte le nom de Sécure (Soutien, évaluation et coordination unifiés pour le rétablissement et l'éducation).

Rappelant qu'il y a eu plus de 60 fusillades dans des établissements scolaires depuis la tragédie de l'école Columbine en 1999 et que le Québec a connu d'autres événements semblables (École polytechnique en 1989, Valery Fabrikant à l'université Concordia en 1992), les chercheurs recommandent à Québec d'inculquer une culture de la réaction aux événements du genre à l'échelle locale et régionale.

«Nous suggérons d'instaurer dans les milieux scolaires un comité d'évaluation et de promotion de la santé qui aurait comme mandat d'évaluer les facteurs de risque et qui fera la promotion de la santé mentale, notamment en tentant de rendre plus acceptable le fait de recourir à des services en cas de besoin», a indiqué le docteur Stéphane Guay, directeur du Centre d'études sur le trauma à l'Hôpital Louis-H. Lafontaine.

«Nous suggérons que chacune des régions administratives prévoie une équipe de gestion de crise qui pourrait intervenir dans les milieux scolaires de sa région», a-t-il ajouté.

Les chercheurs ont remis le rapport au ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, qui était présent au dévoilement et qui a promis de ne pas l'envoyer dormir sur les tablettes.

«Nous prenons acte des recommandations et je me ferai fort de faire cheminer ces recommandations et de voir comment on peut donner suite à cette importante étude», a dit le ministre.

La fusillade avait fait deux morts, Anastasia De Sousa, étudiante de première année, et le tireur qui s'est enlevé la vie, Kimveer Gill, 25 ans, de Laval, en plus de 16 blessés.