La division entre travailleurs de la FTQ-Construction a éclaté au grand jour mercredi matin. Quelque 300 membres mécontents ont littéralement pourchassé leurs nouveaux dirigeants syndicaux, du centre de Montréal à Anjou, pour forcer une rencontre qui ne leur a jamais été accordée.

«On n'a pas d'oreille pour nous écouter: ça fait des mois et des mois qu'on est repoussés, qu'on nous refuse des rencontres, a dénoncé le porte-parole des contestataires, Bernard Girard. Il n'y a pas que des opérateurs ici, il y a des peintres, des vitriers, des briqueteurs. Ce qu'on veut, c'est des réponses. On voit qu'ils ne veulent pas rendre de comptes.»

Les travailleurs, venus de partout au Québec dans des autocars nolisés, affirment représenter la moitié des 70 000 membres de la FTQ-Construction. Les leaders se présentent comme «l'autre équipe», celle qui a été battue de justesse par seulement deux voix lors du congrès en novembre 2008. Ils exigent deux sièges sur le nouveau bureau et l'embauche de Bernard Girard comme directeur général adjoint.

Du côté du bureau syndical, le nouveau directeur général Richard Goyette assure qu'il ne s'agit que de «200 personnes qui viennent faire du tourisme à Montréal», menées par des leaders mécontents d'avoir perdu leurs élections lors du congrès. «Et 200 personnes sur 70 000, ça ne ressemble pas trop à une majorité. Ce n'est pas fort. Ils ne représentent même pas leurs membres.» Il a répété qu'il n'était pas question de céder aux exigences des manifestants. «Je ne me laisserai pas menacer. Bernard Girard a perdu ses élections, il y a eu un processus démocratique et il y aura un autre congrès dans deux ans et demi.»

Les contestataires ont d'abord occupé le rez-de-chaussée de la tour de la FTQ, boulevard Crémazie à Montréal, à partir de 10h mercredi matin. Ils souhaitaient coincer leurs dirigeants à l'occasion d'une réunion prévue à cet endroit, mais qui a été annulée pour éviter l'affrontement.

Après une heure d'occupation pacifique, les manifestants ont grimpé à bord des autocars et ont effectué une descente-surprise aux bureaux de la section locale 2366, dans l'arrondissement d'Anjou, où ils ont coincé le nouveau président de la FTQ-Construction, Yves Mercure. Terrés à l'intérieur de l'édifice dont ils avaient barré les portes en catastrophe, des responsables syndicaux ont regardé pendant une heure les travailleurs déambuler dans le stationnement. Ils ont campé pendant une autre heure, dînant de sandwiches, de boissons gazeuses et de petits gâteaux apportés par les organisateurs, avant de quitter les lieux vers 12h30.

Surveillées par une dizaine de policiers, les deux manifestations se sont déroulées dans le calme le plus complet.

Controverse

Cette poursuite insolite est le dernier épisode de la controverse qui éclabousse la FTQ-Construction depuis cinq semaines. On avait alors appris que l'ex-directeur général de ce syndicat, Jocelyn Dupuis, s'était fait rembourser 125 000 $ de dépenses en six mois, en plus de faire l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec dans une affaire de blanchiment d'argent. Mis au fait de ces allégations, le président de la FTQ, Michel Arsenault, avait demandé à M. Dupuis et au président de l'époque, Jean Lavallée, de quitter leur poste. Les deux hommes ont été remplacés en novembre 2008 lors d'un congrès devancé - il devait initialement avoir lieu en février 2009. L'équipe menée par Richard Goyette et Yves Mercure l'a emporté 62 voix contre 60 sur celle de Bernard Girard.

De nombreuses voix parmi les manifestants ont dénoncé cette élection, la qualifiant de «frauduleuse» et d'«antidémocratique». «Ils ont changé d'exécutif, mais ils ont gardé la même gang, dénonce Steve Rivest, peintre et vice-président du local 99. Quand t'as une pomme pourrie dans l'arbre, tu te débarrasses de toutes les pommes. On ne fait pas le ménage en balayant la poussière sous le tapis.»

Le directeur général Richard Goyette assure, quant à lui, que «le ménage est en train de se faire». Son refus de rencontrer les contestataires et leur leader Bernard Girard, il l'a expliqué ainsi: «Ça ne donnerait rien. Je connais ses demandes et je connais mes réponses.»