Les règles qui protègent les locataires ne sont « plus suffisantes » face à la crise du logement, selon Valérie Plante, qui veut voir tripler la proportion de logements non privés dans la métropole. Une réponse, entre autres, à la crise de l’itinérance.

« Je ne dirais pas que le modèle est brisé, mais j’ai la conviction qu’on ne peut plus se permettre, comme grande ville, de s’en remettre au marché », a-t-elle affirmé en entrevue avec La Presse vendredi.

Pour loger le monde, pour soutenir les personnes les plus vulnérables, pour sortir de la crise de vulnérabilité, il n’y a pas 56 000 solutions. La plus importante, c’est un toit au-dessus de sa tête.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Depuis deux semaines, Mme Plante sillonne les quartiers pour annoncer des pans de son offensive en matière de logement. Plus d’inspections, un délai cible pour la délivrance de certains permis de construction, 21 millions pour le logement étudiant.

Mais le changement de vision le plus fondamental proposé par la mairesse est passé un peu inaperçu, fin mai. En déposant un rapport d’un comité de travail allant dans le même sens, la mairesse a annoncé sa volonté de miser massivement sur le logement public, communautaire ou coopératif.

Il y a quelque 67 000 logements de ce type à Montréal en 2024, représentant 7 % du parc immobilier locatif. Mme Plante voudrait voir cette proportion doubler d’ici 10 ans et tripler d’ici 2050. Des objectifs qui nécessiteraient une accélération très importante du rythme de développement des projets. Et la pleine adhésion de Québec et d’Ottawa.

« C’est quelque chose qu’on aurait dû faire bien avant, bien honnêtement », a fait valoir la mairesse, convenant que son plan était extrêmement ambitieux. « La première raison pour laquelle les gens se retrouvent dans la rue, c’est parce qu’ils n’ont pas un toit au-dessus de leur tête. » Face aux doutes, Mme Plante met de l’avant le développement projeté des terrains de l’ancien hippodrome avec 10 000 logements hors marché. « Le fédéral l’a dit, le provincial l’a dit », a-t-elle assuré.

Le privé peut s’impliquer dans cet objectif, a dit Valérie Plante, en soulignant à gros traits que l’industrie immobilière était représentée au comité qui a recommandé cette avenue.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La salle de bain d’un logement social des Habitations Marie-Victorin

Ce n’est toutefois pas parce qu’on habite un logement hors marché que l’on est bien logé : La Presse a rapporté vendredi dernier la situation des Habitations Marie-Victorin, dans l’est de Montréal, où se trouvent des logements sociaux en très mauvais état. « C’est hors de question que des personnes soient dans un logement aussi insalubre », a-t-elle tranché, alors que son responsable de l’habitation exigeait que l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) leur trouve un nouveau toit.

Mais le logement hors marché ne se résume pas aux HLM, a fait valoir la mairesse. « Dans notre vision, a-t-elle dit, le logement hors marché, ça va être du logement de qualité. »

L’enjeu des permis de construction

L’idée de loger un locataire montréalais sur cinq dans un appartement non privé a été éclipsée, dans l’espace public, par les délais croissants de délivrance des permis de construction pour de nouveaux bâtiments par la Ville. La Presse a révélé que ces délais avaient doublé dans plusieurs secteurs de Montréal depuis 2019, dont au centre-ville. Une dégradation particulièrement problématique en pleine pénurie de logements.

La mairesse a annoncé un nouveau délai cible de 120 jours pour les demandes les plus simples, qui ne dérogent pas à la réglementation municipale. Cette mesure ne touchera toutefois pas ou peu les grands projets d’habitation, dont les dossiers sont plus complexes.

Cet objectif servira de balise et pourrait mener à des mesures plus musclées lorsque les délais s’éternisent, a-t-elle suggéré en entrevue. « Ce n’est jamais ce qu’on veut, parce que moi, je respecte beaucoup les arrondissements, mais il y a moyen de ramener certaines compétences à la ville-centre s’il le faut, là », a-t-elle lancé. « Mais je ne suis pas là », a-t-elle aussitôt ajouté, disant préférer commencer par des mesures de transparence qui permettraient à tous d’identifier « les mauvais élèves ».

Pas de grande simplification réglementaire en vue, toutefois.

« J’aime ça rappeler qu’on ne construit pas dans un champ de patates, a-t-elle dit. On est dans un cadre bâti, avec beaucoup de densité, avec du patrimoine. Il y a des choses auxquelles les gens sont attachés. Je pense qu’il y a des gens qui vont dire qu’il faut que ça aille plus vite, mais en même temps, il ne faudrait pas non plus qu’on néglige la protection du patrimoine » ou la prévention des inondations.