Dépassée par l’augmentation du sentiment d’insécurité dans le métro, la Société de transport de Montréal (STM) veut « revoir le modèle » d’intervention auprès des personnes vulnérables en impliquant plus de ressources. En attendant, plusieurs solutions existent pour redonner confiance aux usagers, plaident des spécialistes.

Un modèle à revoir

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le président de la STM, Éric Alan Caldwell

« On est là pour intervenir, mais là où on a besoin d’aide, c’est avec la prise en charge de cas de problèmes de santé mentale, de toxicomanie. On a plusieurs usagers vulnérables qui ont de graves problèmes de santé et c’est l’une des causes de la dégradation de la perception de la sécurité dans notre réseau », affirme le président de la STM, Éric Alan Caldwell, en entrevue avec La Presse. S’il salue leur travail du quotidien, il affirme que le réseau de la santé et le tissu communautaire montréalais devraient avoir « plus de ressources » consacrées au métro dans le contexte. « C’est tout un modèle d’intervention à revoir, avec un plus grand volume d’interventions, estime M. Caldwell. Ultimement, s’il n’y a pas de prise en charge derrière nos interventions, ce sont juste des portes tournantes. Et on ne règle pas de façon structurelle les enjeux. »

L’exemple de Philadelphie

Pour le directeur de la sûreté du transporteur, Jocelyn Latulippe, la Santé publique « doit être davantage autour de la table ». « On est rendus depuis la pandémie avec des personnes qui vivent dans le réseau littéralement. Ces gens-là, on n’est pas équipés pour les faire vivre, les soutenir », dit-il. Selon lui, l’exemple de Philadelphie, où le nombre d’incidents a diminué du tiers après l’embauche ciblée de travailleurs sociaux, « c’est vers là qu’on veut aller ». À ce jour, la STM dispose de huit travailleurs sociaux, mais aimerait doubler leur nombre l’an prochain. La société compte aussi déjà sur trois unités de l’Équipe métro d’intervention et de concertation (EMIC), composées d’un travailleur social, un policier et un constable spécial. « On pourrait avoir six équipes EMIC tellement la charge est trop lourde. On a un peu atteint notre limite », note M. Latulippe, qui espère aussi qu’on rebatte les cartes.

Le logement, encore et toujours

« Cette sortie de crise ne peut pas venir de la seule STM. Il faut prendre le problème à la source », juge quant à elle la professeure en études urbaines et spécialiste des questions de transport collectif de l’UQAM Florence Junca-Adenot. À ses yeux, la vraie solution n’est pas simple et implique plusieurs ordres de gouvernement, mais elle est pourtant la plus forte : « il faut accélérer le développement de logements sociaux et abordables, point à la ligne. » « En attendant, dans le métro, ça prend plus d’agents en soutien social pour trouver un accommodement raisonnable aux personnes vulnérables. Ça peut être l’accès à des refuges, mais aussi un accompagnement de cheminement et de réinsertion sociale, voire, dans certains cas, des hospitalisations. Mais il faut agir plus promptement », tonne la professeure.

Le métro souvent devenu un « refuge »

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« Si le réseau du métro devient souvent un refuge [pour les personnes en situation d’itinérance], c’est parce que dans plusieurs secteurs, ces gens-là n’ont pas d’autre endroit où aller », souligne la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon.

Selon la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, il serait intéressant d’augmenter le nombre de sites d’injection supervisée (SIS) autour des stations où la consommation est devenue un enjeu, « pour éviter que les ascenseurs, comme on le voit souvent, deviennent des sites d’injection de fortune ». « C’est la même chose pour l’itinérance de façon générale : si le réseau du métro devient souvent un refuge, c’est parce que dans plusieurs secteurs, ces gens-là n’ont pas d’autre endroit où aller. Si on offrait plus de services, on n’en serait pas là », dit Mme Doyon. Pour le reste, ajoute-t-elle, « il faut que le personnel de la STM soit plus visible ». « On ne voit pas encore nécessairement les effets de l’augmentation récente des constables, mais il va certainement venir. Et il faudra le sentir. »

Qui dit sécurité dit propreté

À l’Université de Montréal, l’expert en planification des transports Pierre Barrieau estime de son côté que plusieurs petits gestes peuvent ultimement changer la perception de sécurité chez les usagers, même si la problématique reste « excessivement large ». « Avoir des stations bien éclairées, sans recoins, c’est un aspect. La propreté aussi, malgré tout, donne un sentiment de sécurité. Et pour moi, avoir un préposé à l’entrée de toutes les stations, ce qu’on voit moins le soir, c’est essentiel », poursuit-il. « Soit on décide d’améliorer nos services sociaux pour mieux aider ces gens-là, soit on finance adéquatement la STM pour qu’elle s’occupe mieux des usagers vulnérables dans son réseau. Sinon, ça ne se réglera jamais », conclut M. Barrieau, en disant espérer une mobilisation de tous les acteurs dans ce dossier.

Lisez la chronique de Maxime Bergeron « Une journée dans le métro »
En savoir plus
  • 38 %
    Le mois dernier, un sondage réalisé par la STM avait montré que le sentiment d’insécurité touchait 38 % des usagers. Autrement dit, à peine les deux tiers (62 %) des usagers se sentiraient actuellement en sécurité dans le métro et les autobus.
    Source : STM
    160
    C’est le nombre de constables spéciaux qui sont actuellement employés de la STM, qui veut en avoir 200 à partir de l’hiver prochain. Ils reçoivent une formation en assistance de première ligne aux personnes vulnérables.
    Source : STM