Montréal lancera ce lundi un appel d’offres pour l’aménagement d’un septième axe du Réseau express vélo (REV), rues Jean-Talon et Bélanger, a appris La Presse. Un premier tronçon d’environ 1,8 kilomètre sera prêt d’ici à l’automne, mais n’ira que vers l’est pendant au moins un an, ce qui inquiète le milieu cycliste.

« Avec ce projet-là, on va venir apaiser deux artères dans un quartier qui en a bien besoin », résume en entrevue la responsable de la mobilité au comité exécutif, Sophie Mauzerolle.

La Ville accordera d’ici au printemps un contrat pour les travaux d’aménagement du premier tronçon du REV Jean-Talon. Ce dernier n’ira dans un premier temps que vers l’est, entre la rue Boyer et la 1re Avenue, et l’aménagement de la piste cyclable entraînera le retrait d’une voie de circulation automobile. Cette première partie du tronçon devrait être livrée « cet été ou cet automne », affirme Mme Mauzerolle.

Pour rouler à vélo vers l’ouest, toutefois, il faudra attendre à l’an prochain. Dans l’autre direction, les cyclistes circuleront en effet rue Bélanger, à environ 500 mètres au sud de la rue Jean-Talon. Or, les travaux sur l’axe Bélanger ne seront lancés qu’à compter de l’été suivant, en 2025.

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La responsable de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal, Sophie Mauzerolle

On pense que c’est une approche équilibrée, dans la mesure où on parle d’une artère très occupée, avec du camionnage, plusieurs lignes d’autobus. On veut s’assurer de la sécurité de tout le monde.

Sophie Mauzerolle, responsable de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal

Avec une seule voie pour les cyclistes rue Jean-Talon, Montréal veut surtout éviter d’avoir à faire des compromis sur d’autres aménagements urbains, comme des débarcadères pour personnes à mobilité réduite.

IMAGE FOURNIE PAR LA VILLE DE MONTRÉAL

Concept du Réseau express vélo (REV) projeté dans la rue Jean-Talon

Pas un bon projet, selon Vélo Québec

Chez Vélo Québec, toutefois, le président-directeur général Jean-François Rheault « ne croi[t] pas que ce soit un bon projet ». Il appréhende notamment le fait que ce premier tronçon du REV soit développé en deux temps, d’abord vers l’est puis vers l’ouest.

Selon lui, cela fera en sorte qu’on « demandera aux cyclistes circulant vers l’ouest de faire un trajet 33 % plus long », avec un détour de 600 mètres sur une piste de 1,8 kilomètre.

« Les données montrent qu’à peine 10 % des cyclistes effectueront le détour. Cela veut dire que les autres circuleront dans le trafic, sur les trottoirs ou à contresens sur la piste vers l’est. C’est un projet qui, au lieu de sécuriser les cyclistes, risque de les mettre en danger », affirme M. Rheault.

Montréal crée ainsi « un dangereux précédent où l’on perd de l’objectif de permettre des trajets sécuritaires et efficaces en priorisant tout dans l’axe sauf le vélo », estime le gestionnaire. « Le projet ne remplit aucun des objectifs du REV, en particulier les objectifs de sécurité et d’efficacité », dit-il.

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Le président-directeur général de Vélo Québec, Jean-François Rheault

« On ne reconnaît pas la vision et l’ambition qui ont fait le succès du REV Saint-Denis. S’il n’est pas trop tard, l’administration aurait intérêt à revoir le projet », ajoute le PDG de Vélo Québec.

Un tracé long de 15 km à terme

Mme Mauzerolle rétorque que la circulation cycliste sera tout de même déjà « plus sécuritaire que sans projet ». « On a d’autres exemples de REV en binôme, comme sur la rue Saint-Denis avec le bout sur Lajeunesse, ou encore Viger/Saint-Antoine/Saint-Jacques. Ce n’est pas nouveau. On veut simplement s’assurer d’y aller de façon cohérente. Et sur Bélanger, on va prolonger les bandes cyclables », dit-elle.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Carte du tracé du REV planifié pour la rue Jean-Talon

« J’entends la préoccupation, mais on travaille dans un espace restreint et la réalité, c’est qu’il faut concilier les besoins de tout le monde », ajoute l’élue.

D’après elle, sécuriser plus de grandes artères sera « crucial » dans les prochaines années. La Santé publique avait d’ailleurs prévenu début février que plus de 51 % des collisions étaient survenues à proximité d’un grand axe chez les 5-12 ans. De 20 à 30 % des écoles sont situées à moins de 100 mètres d’une artère.

Les données de la Ville font état de 37 collisions rue Jean-Talon depuis 2014, dont quatre mortelles et 33 avec blessés graves, le plus souvent à des intersections toutes différentes. Huit collisions avec blessés graves sont d’ailleurs survenues sur le premier tronçon, entre la rue Boyer et la 1re Avenue. Rue Bélanger, on a recensé 12 collisions durant la même période, dont trois mortelles et neuf avec blessés graves.

À terme, la Ville compte aménager le REV Jean-Talon sur une distance totale de 15 kilomètres, entre les axes Lacordaire et Décarie, ce qui serait plus long que toutes les pistes cyclables actuelles de la métropole. On ignore encore quand seront livrées les autres phases du réseau.