Chaque année, des centaines d’enfants sont happés par des automobilistes dans la métropole, en grande partie dans des zones scolaires. Dans un nouveau rapport, la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP) estime qu’il est plus que jamais nécessaire de « réduire la place de l’automobile », notamment autour des établissements d’enseignement.

Ce qu’il faut savoir

Plus de 430 enfants ont été blessés en 2022 sur les routes de Montréal, une hausse par rapport à 2021 et 2020.

La Direction régionale de santé publique appelle Montréal à réduire la place de l’automobile, surtout autour des zones scolaires.

Ce sont les artères qui doivent être sécurisées en priorité, selon l’organisme.

« On prône vraiment d’éloigner le plus possible la voiture des zones scolaires. Il faut sécuriser l’ensemble de la route vers l’école, en voyant l’école comme un cœur de quartier qu’on sécurise en fonction d’où les jeunes habitent », explique la cheffe de service, santé environnementale et parcours de vie en milieux urbains de la DRSP, Anne Pelletier, en entrevue.

Dans un rapport présenté devant la Commission des transports de la Ville de Montréal, que La Presse a obtenu, la DRSP révèle que 420 enfants ont été blessés légèrement en 2022. À ce bilan s’ajoutent 12 jeunes de 0 à 17 ans blessés gravement, et 2 qui sont morts.

Il s’agit d’une hausse marquée par rapport à 2021, année où on avait plutôt recensé 380 enfants blessés légèrement, 8 blessés gravement et 2 décès. En 2020, au plus fort de la crise sanitaire, on avait recensé à peine 200 blessés.

Bref, après une baisse des collisions pendant la pandémie, tout indique que la tendance repart à la hausse, surtout que le nombre de décès est en augmentation par rapport à la dernière décennie. À la fin de 2022, la mort de la petite Mariia Legenkovska, happée par un conducteur alors qu’elle se rendait à pied à son école du quartier Centre-Sud, avait notamment marqué les esprits.

Des artères particulièrement risquées

Un constat semble clair : ce sont les artères de Montréal qui posent le plus problème. Chez les 5 à 12 ans, plus de 51 % des collisions sont survenues à proximité d’un de ces grands axes. « C’est préoccupant, surtout quand on sait que ce sont seulement entre 20 et 30 % des écoles qui sont situées à moins de 100 mètres d’une artère », note Mme Pelletier.

Il s’agit de routes où il y a quand même beaucoup de voitures et une vitesse généralement plus élevée. Pourtant, c’est là où la Ville semble avoir le plus de difficulté à mettre des aménagements. C’est dommage, parce que ça serait le plus payant.

Anne Pelletier, de la DRSP

Par ailleurs, parmi tous les jeunes blessés depuis 2013, « entre 43 % et 52 % se déplaçaient à pied ou à vélo au moment de l’impact », une proportion qui augmente à environ 78 % quand on parle de blessés graves seulement.

Qui plus est, le tiers des jeunes impliqués dans une collision « l’ont été pendant la période scolaire, c’est-à-dire entre 7 h et 17 h du lundi au vendredi, du mois de septembre à juin », écrit la DRSP. Et 23 % d’entre eux se trouvaient aussi dans le périmètre de la zone scolaire au moment des faits.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« Il y a un phénomène particulier en zone scolaire : dès que le parent ne se sent pas en sécurité de laisser son enfant aller à l’école tout seul, il va souvent l’emmener en voiture. Mais en le faisant, il intensifie par lui-même le risque », rappelle Mme Pelletier.

Trop de place à l’auto

Pendant ce temps, les inégalités demeurent quant à elles très « importantes » dans l’espace qui est accordé aux automobilistes, ajoute l’experte.

À Montréal, l’espace destiné aux véhicules motorisés – autrement dit, les voies de circulation et le stationnement sur rue – représente encore aujourd’hui « près de 74 % de l’espace total du réseau routier », note la DRSP. L’espace réservé aux piétons, lui, est d’environ 19 %, pendant que le vélo et le transport collectif occupent chacun environ 1 %.

Tant et aussi longtemps que le nombre de voitures sur les routes va continuer d’augmenter, on va continuer à générer du risque en même temps qu’on applique des solutions.

Anne Pelletier, de la DRSP

Mme Pelletier voit dans cette réalité l’un des plus grands défis des villes à l’heure actuelle. Ultimement, il est donc « nécessaire de réduire la place de l’automobile au profit des modes de transport actif et collectif », surtout en zone scolaire, recommande la DRSP. Celle-ci appelle au passage à créer « des milieux de vie complets et de courtes distances qui disposent d’aménagements pour les piétons et les cyclistes assurant un meilleur partage de la rue ».

« C’est comme si on était allés trop loin dans le tout-à-l’auto. Aujourd’hui, il faut réfléchir et se poser la question : c’est quoi, la juste part de l’ensemble des modes de transport ? Et prendre des actions conséquentes », conclut la chercheuse.