Soucieuses des risques de noyade et des lacunes héritées de la pandémie, des administrations municipales et d’autres organisations proposent des cours de natation gratuits aux jeunes de leur secteur. Visite à Montréal-Nord, qui mène un projet pilote dans trois de ses piscines extérieures.

« Sur le dos ! Faire bouger les pieds ! 1, 2, 3, 4, 5 ! Oui, bravo ! »

En ce beau jeudi matin, une vingtaine d’enfants participent aux cours de natation gratuits donnés à la piscine du parc Ottawa. Ceux qui peuvent traverser les 25 mètres du bassin sans toucher le fond suivent le cours de longueurs, à 10 h ; les autres, celui de 11 h, réservé aux débutants.

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La monitrice Élizabeth aiguille un jeune participant aux cours de natation gratuits.

Bayily, 8 ans, a pratiqué la nage sur le dos. « Des fois, quand je nage avec les bras, l’eau me revient comme ça dans le visage », dit-elle en mimant le mouvement.

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Amevi Ihou et sa fille Bayily, 8 ans, qui a suivi le cours de longueurs à la piscine Ottawa

La fillette avait commencé des cours avant la pandémie, « mais depuis, les places sont limitées, on est sur une liste d’attente jusqu’à la fin du semestre », déplore sa mère, Amevi Ihou. Son aînée, âgée de 12 ans, était plus avancée lorsque la COVID-19 a fermé les piscines. « Je les amène depuis qu’elles ont 9 mois. Je veux vraiment qu’elles sachent nager », dit Mme Ihou, qui n’a pas eu l’occasion d’apprendre elle-même. « Je suis née au Togo, où la natation n’est pas un exercice popularisé. Je suis comme un caillou dans l’eau ! », blague-t-elle.

« Une très bonne initiative »

Nicodemo Capogreco a appris à nager à l’école, mais ne raffole pas de la piscine, contrairement à son fils Christophe, 8 ans, qui est resté bien après son cours de 10 h. « Mon épouse me dit toujours qu’il faut qu’il apprenne à nager. C’est le fun parce que c’est gratuit et près de chez nous. »

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Corinne Sabetti, monitrice-chef à Montréal-Nord et responsable du projet pilote, donne des conseils à un jeune nageur.

Souad Hajjaoui et Malika Haidouchi ont chacune trois enfants répartis dans les deux groupes.

« Les cours, c’est très important pour avoir les bonnes pratiques, les bonnes manières de faire les choses. C’est une très bonne initiative », se réjouit Mme Hajjaoui.

La raison pour laquelle on a amené nos enfants, c’est que nous, on n’a pas eu la chance quand on était petites. Quand ils apprennent à nager en très bas âge, ils éliminent la phobie, ils apprennent au moins les techniques.

Malika Haidouchi

Mme Hajjaoui a déjà accompagné ses enfants dans la pataugeoire, mais évite la piscine où « ça dépasse [s]a hauteur ». Mme Haidouchi essaie parfois d’apprendre par elle-même « avec l’aide de [s]es enfants ». Mais quand ils lui disent : « Maman, fais des bulles avec ton nez », pour qu’elle mette son visage dans l’eau, ça ne passe pas. « Je ne veux rien savoir, c’est une phobie ! »

Moins populaires chez les adultes

Les cours ouverts aux adultes (une période d’aquaforme et deux périodes de longueurs) sont beaucoup moins populaires que le niveau débutant pour enfants, constate Corinne Sabetti, monitrice-chef à Montréal-Nord et responsable du projet pilote.

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En cette première année du projet pilote de cours de natation gratuits à Montréal-Nord, ce sont les moniteurs qui ont fabriqué les affiches pour les annoncer – dont ici, au parc Ottawa.

Elle le voit lors des visites des camps de jour : les jeunes qui avaient 5 ou 6 ans durant la pandémie n’ont pas appris à nager.

On se retrouve avec des groupes de 10 à 15 enfants de 7 à 8 ans dont aucun ne sait nager. Je dois les envoyer à la pataugeoire parce qu’il n’y a pas assez d’adultes pour les encadrer !

Corinne Sabetti, monitrice-chef à Montréal-Nord et responsable du projet pilote

La piscine intérieure Calixa-Lavallée, où l’arrondissement donne habituellement ses cours de natation, est fermée cet été. Mme Sabetti a donc proposé un projet pilote dans trois piscines extérieures pour « donner des bases » aux enfants qui n’en ont pas et « continuer à faire nager » ceux qui risquent d’oublier les acquis d’avant la pandémie.

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L’arrondissement de Montréal-Nord offre des cours de natation gratuits dans trois de ses piscines extérieures, dont ici, au parc Ottawa.

Au premier cours à la piscine Ottawa, en juillet, « ils ont ouvert les portes à 9 h 45 et ça a inondé : il y avait environ 60 personnes ! » La piscine Saint-Laurent a attiré une trentaine de jeunes et la piscine Charleroi, une quinzaine.

« Pour une première année, c’est quand même un succès et, surtout, on voit que la demande est là. C’est ça, le plus encourageant. »

Si l’arrondissement redonne des cours gratuits l’an prochain, la formule « sans inscription » pourrait toutefois changer. « Au lieu de donner une heure de cours à 40 enfants, je pourrais donner quatre heures à 10 enfants. Ce serait plus efficace, ça nous permettrait de les faire progresser. »

D’autres initiatives ailleurs au Québec

La municipalité de Victoriaville, dans le Centre-du-Québec, a fait figure de pionnière, l’an dernier, en rendant son cours de base (nageur 1) gratuit pour les enfants de 5 ans ou plus dans ses piscines extérieures. L’offre est encore plus large cette année (nageur 1 à 6). Près de 80 enfants ont suivi des cours gratuitement en 2022 et 160 cette année.

Mirabel, dans les Laurentides, donnera aussi accès à des cours gratuits dans son nouveau centre aquatique intérieur à compter de l’automne. Le premier cours de natation des enfants de 6 à 12 ans (nageur 1 ou 2) sera remboursé, ainsi que le module préscolaire (1 à 5) pour les enfants de 3 à 5 ans (deux sessions par an).

À Québec, c’est le YMCA Saint-Roch qui offre des cours gratuits aux enfants de ce quartier de la Basse-Ville. Un don de 50 000 $ de la femme d’affaires Geneviève Marcon, qui s’était dite « profondément touchée » par la noyade d’une enfant de 10 ans à la Base de plein air de Sainte-Foy, finance ces formations pour les 3 à 12 ans. Plus de 800 jeunes en ont déjà bénéficié depuis 2021, et 175 inscriptions devraient s’ajouter cet automne. « On est à la recherche d’autres partenaires pour faire grossir ce fonds, pour pouvoir continuer notre offre à tous ces jeunes qui en ont besoin », mentionne la coordonnatrice administrative, Alexe Lafaille.