Après la fin de la voie réservée sur le pont Samuel-De Champlain, les villes situées hors du Grand Montréal pourraient perdre leur arrêt d’autobus au centre-ville. L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) envisage de mettre fin à la location des quais de son terminus situé près de la gare Centrale dès septembre 2024.

« On n’a pas encore déterminé ce qui va advenir du terminus Centre-ville. Ce n’est pas dit qu’en septembre 2024, il ne servira plus. Cela dit, on ne peut pas s’y engager à long terme. Il faut évaluer à quoi ça va servir, dans quelles conditions, et comment. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne pourra pas non plus le maintenir à pleine efficacité. C’est une question de bonne gestion », a expliqué à La Presse le directeur des affaires publiques de l’ARTM, Simon Charbonneau.

Plus tôt cette semaine, La Presse avait révélé que la voie réservée sur le pont Samuel-De Champlain serait retirée à partir du 25 août, quatre semaines après la mise en service du REM. Les autobus empruntant toujours l’infrastructure devront désormais circuler dans les mêmes voies que les automobilistes. Des villes comme Saint-Jean-sur-Richelieu ont alors dénoncé avoir été prises « au dépourvu ».

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Or, d’autres obstacles pourraient maintenant s’ajouter. La Presse a appris que l’entente actuelle pour utiliser un quai au terminus du centre-ville viendra à échéance en septembre 2024.

Cela signifie que si cette entente n’est pas renouvelée, les villes comme Saint-Jean-sur-Richelieu, Bromont ou Sherbrooke, qui ne font pas partie de l’ARTM, mais qui utilisent les infrastructures de transport montréalaises, devront faire un choix.

Soit elles se connecteront alors au REM et cesseront à leur tour d’offrir un trajet jusqu’au centre-ville en autobus, soit elles trouveront une voie de passage avec l’ARTM ou la Ville de Montréal, pour faire descendre leurs usagers ailleurs ou dans la rue.

Il y a toujours la possibilité de voir si on peut utiliser d’autres équipements, comme la gare d’autocars […], mais la balle est dans le camp de ces villes.

Simon Charbonneau, directeur des affaires publiques de l’ARTM

Sans le dire clairement, l’ARTM semble espérer connecter ces municipalités au REM, tôt ou tard. « On peut le voir comme une rivière ou le tronc d’un arbre avec ses branches. Plus les branches sont étendues, plus la couverture ombragée est intéressante. C’est la même chose avec un service de transport. Plus on maximise les effets de ça au niveau local, plus on augmente son potentiel », illustre en ce sens le directeur.

Financement et équité

À ceux et celles qui accusent l’ARTM de vouloir rentabiliser le REM à tout prix, Simon Charbonneau réplique qu’il n’en est rien. « Ce n’est pas ça du tout. Au contraire, on paie pour ce système au passager-kilomètre, donc plus les gens l’utilisent, plus la facture augmente pour nous. »

Dans le dossier de la voie réservée du pont Samuel-De Champlain, il soutient qu’il était prévu que celle-ci prendrait fin « peu après » l’entrée en service du REM, notamment pour des raisons financières – maintenir cette voie avait un coût –, mais surtout pour « une question d’équité ».

« Les municipalités en face de nous, il reste que contrairement à l’ensemble des municipalités sur le territoire, elles ne contribuent pas au financement du transport collectif, bien que leurs usagers l’utilisent. Autrement dit, ils utilisent le métro, le train, le bus, mais ne contribuent pas à son financement par les taxes municipales », explique le porte-parole de l’organisme.

En règle générale, les revenus de l’ARTM se divisent en trois : le tiers provient des revenus tarifaires, un autre tiers du gouvernement et un dernier tiers des municipalités, qui est prélevé à même les taxes municipales. Plus une ville utilise un moyen de transport, plus sa facture est élevée.

« C’est la logique même du REM »

Selon Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, il est normal que l’ARTM veuille procéder ainsi. « Dès le départ, le REM a exigé des caractéristiques monopolistiques sur son trajet », soutient-il.

S’assurer qu’on ne rentre pas des véhicules dans Montréal qu’on pourrait s’épargner en les rabattant à l’extérieur, au fond, c’est la logique même du REM.

Jean-Philippe Meloche, professeur à l’Université de Montréal

« C’est loin d’être avantageux pour tout le monde et on le comprend, mais en même temps, il faut comprendre qu’il n’y a pas réellement d’avantages pour Montréal à faire entrer des véhicules supplémentaires si on peut les rabattre d’abord à l’extérieur », poursuit M. Meloche.

Ultimement, le spécialiste des questions de mobilité s’attend donc à ce que plusieurs municipalités situées à l’extérieur du Grand Montréal se connectent au REM « si un jour leurs autobus n’ont plus vraiment de place ». « Sinon, il faudra tenir des négociations à la pièce et essayer de voir comment on peut leur en faire, de la place », conclut l’expert.