Après quatre mois à la tête du Service de police de la Ville de Montréal, Fady Dagher a décidé de plonger lui-même dans l’expérience qu’il a proposée à ses policiers à Longueuil, et qu’il s’apprête à imposer aux recrues du SPVM : une immersion de terrain. Pendant cinq jours, nuits comprises, il s’est immergé dans les populations vulnérables et les enjeux sociaux aigus. La Presse l’a suivi pendant deux jours.

La mutation : changer le visage de la police

Roch Paradis raconte sa triste histoire de vie à l’homme qui est devant lui. Consommation, maladie mentale, première visite à la Maison du Père à 16 ans. Et, à 72 ans, il se prépare encore à passer la nuit dans le même refuge. Son interlocuteur, qui porte un pantalon cargo gris, un t-shirt kaki et des souliers de course, l’écoute attentivement.

Roch Paradis ne sait pas vraiment qui est cet homme. « Je pense qu’il est dans la police », dit-il après son départ. Lorsqu’on lui annonce qu’il vient de se confier au chef de la police de Montréal, l’incrédulité se lit sur son visage ridé. Et quand on précise que Fady Dagher va passer la nuit ici, Roch Paradis reste littéralement bouche bée.

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Roch Paradis (de dos) raconte sa triste histoire de vie au chef du SPVM, Fady Dagher, à la Maison du Père, un refuge pour itinérants de Montréal.

« Heille, ça, c’est fort. »

Quelques instants plus tard, André Leroux, coordonnateur en insertion et maintien en logement à la Maison du Père, installe le chef du Service de police de la Ville de Montréal (SVPM) dans la chambre 4-10, destinée aux hommes en processus de réhabilitation pour sortir de la rue. Il fait 27 degrés dans la chambre et les draps sentent légèrement le moisi.

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Le chef dans les vestiaires de la Maison du Père, en compagnie d’André Leroux, coordonnateur en insertion et maintien en logement

André Leroux sait très bien ce que vivent ses clients : il a lui-même passé presque six ans dans l’itinérance. Il s’en est sorti. Il œuvre à la Maison du Père depuis maintenant 18 ans. Alors, André, ça fait quoi d’accueillir le chef de police de Montréal pour une nuit ? S’ensuit un grand éclat de rire feutré.

« C’est capoté ben raide. »

Fady Dagher a dormi à la Maison du Père le lundi, à la Mission Old Brewery le mardi, à Projets autochtones du Québec le mercredi, et au Cap St-Barnabé le jeudi. Il s’est levé à l’aube, chaque matin, pour déjeuner avec la clientèle. Et puis, toute la journée, il a visité des groupes communautaires qui s’occupent des clientèles les plus vulnérables de Montréal. Jeunes au bord de la délinquance. Femmes violentées. Autochtones brisés par la drogue. Personnes âgées vulnérables. Nouveaux arrivants qui parlent à peine français.

  • Le chef Dagher se prépare à passer la nuit dans la chambre 4-10, destinée aux hommes en processus de réhabilitation pour sortir de la rue.

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    Le chef Dagher se prépare à passer la nuit dans la chambre 4-10, destinée aux hommes en processus de réhabilitation pour sortir de la rue.

  • Le chef Dagher se prépare à passer la nuit dans la chambre 4-10, destinée aux hommes en processus de réhabilitation pour sortir de la rue

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    Le chef Dagher se prépare à passer la nuit dans la chambre 4-10, destinée aux hommes en processus de réhabilitation pour sortir de la rue

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Pourquoi faire une telle immersion ? Parce que c’est ce qu’il compte imposer à ses nouvelles recrues au SPVM pendant un mois, dès l’automne. De telles expériences, croit-il, sont essentielles pour plonger les nouveaux policiers dans la réalité montréalaise.

C’est ça, Montréal. Si tu es choqué, si ça n’est pas ça que tu veux faire, ne viens pas.

Fady Dagher

But de l’opération : changer le visage de la police. « Si on fait ça pendant cinq ou six ans, c’est 1700 à 2000 recrues qui vont être formées. On va avoir réussi à contaminer, dans le bon sens du terme, toute la future génération de policiers. »

Car un changement de culture s’impose, croit Fady Dagher. Il grince des dents lorsqu’il constate que la plupart des policiers du SPVM n’habitent pas dans l’île. « Il m’est arrivé d’entendre des policiers dire : “Bon, je m’en vais travailler dans le Bronx." Je ne veux plus jamais entendre ça. » Le Bronx étant… l’île de Montréal.

Objectif numéro 1 : le recrutement

Pourquoi, alors, ne pas également proposer l’immersion aux policiers d’expérience, comme il l’a fait à Longueuil ? Impossible, répond-il. Le manque d’effectif est tel – 30 % d’absentéisme dans certains postes de quartier – que les troupes sont épuisées. « Je ne peux sortir personne des opérations. Ils sont brûlés, mes patrouilleurs. »

Le défi numéro un du nouveau chef est donc, sans conteste, le recrutement. Il cherche à trouver des policiers ailleurs que dans les milieux traditionnels. Des civils aussi, pour épauler les patrouilleurs, comme Claude-Aline Bellamy, ancienne directrice des Loisirs communautaires St-Michel. On l’a convaincue de faire le saut au SPVM comme conseillère en concertation. « La police, ce n’était pas du tout mon plan de carrière. J’ai d’abord dit non. » Et elle a fini par accepter.

Mais les techniques policières (TP) sont encore le bassin naturel de recrutement. Le temps d’une heure, lundi soir, le chef du SPVM troque donc le t-shirt kaki pour l’uniforme, pour aller au bal des finissants en TP du cégep Ahuntsic. But avoué : « vendre » le SPVM à ces futures recrues, qui s’apprêtent à entamer leurs quatre mois à l’École nationale de police.

  • Le chef a délaissé le t-shirt pour l’uniforme pour s’adresser à des finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic.

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    Le chef a délaissé le t-shirt pour l’uniforme pour s’adresser à des finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic.

  • Le chef discute avec Vincent Côté, un des huit finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic qui a une promesse d’embauche du SPVM.

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    Le chef discute avec Vincent Côté, un des huit finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic qui a une promesse d’embauche du SPVM.

  • Prise de photo avec des finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic.

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    Prise de photo avec des finissants en techniques policières du cégep Ahuntsic.

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« Combien d’entre vous vont venir au SPVM ? », leur demande-t-il d’emblée. En tout, 8 mains se lèvent – sur 80 convives, dont 2 ou 3 personnes non blanches. En ajoutant ceux qui sont dans le processus, donc qui pourraient être choisis, le nombre grimpe à une vingtaine. La plupart des finissants s’en vont à la Sûreté du Québec. « Vous n’avez rien compris, vous autres ! », dit-il à la blague.

Il leur vante la générosité de la convention collective fraîchement signée au SPVM. Et il a une surprise de taille pour les futures recrues : le SPVM est en train de finaliser des négociations pour payer leur séjour à l’École nationale de police, en échange d’un engagement de cinq ans avec le SPVM. Plus de 10 000 $ par finissant.

Après son discours, les finissants se rassemblent autour de lui comme des mouches autour d’un pot de miel. Un défilé interminable de jeunes gens en tenue de soirée commence : ils veulent tous leur photo avec le chef.

C’est toujours comme ça, partout dans les rues de Montréal, rigole Stéphane Nadeau, le garde du corps de Dagher. Le policier a parfois l’impression de veiller sur une rock star.

« C’est sans fin ! »

Le SPVM en chiffres

  • 5818 employés
  • 529 postes vacants
  • 29 postes de quartier
  • 2 Montréalais sur 5 issus de l’immigration

Source : rapport annuel du SPVM 2022

Fady Dagher en 5 dates

  • 1968 : il naît à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
  • 1985 : il immigre à Montréal.
  • 1992 : il devient policier.
  • 2017 : il est nommé chef du Service de police de Longueuil.
  • 2022 : il est nommé chef du Service de police de la Ville de Montréal.

Le défi : rebâtir la confiance

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Le chef rencontre les élèves d’une classe de francisation au CARI St-Laurent.

« Je suis le chef de la police de Montréal. »

Lorsqu’ils entendent ces mots, les élèves de la classe de francisation du CARI St-Laurent reculent littéralement sur leur chaise. Ces immigrants, venus d’un peu partout dans le monde, sont depuis moins d’un an au Québec. Pour eux, c’est clair, police égale menace. « Chez nous, les policiers, ce sont des monstres », résumera, plus tard en soirée, un élève angolais d’une autre classe de francisation.

Lorsqu’il s’adresse à ces clientèles, Fady Dagher a un atout imparable en main : il est lui-même immigrant. « Je suis d’origine libanaise, mais je suis né en Côte d’Ivoire. » En entendant cela, en plus de quelques mots en arabe dits à l’intention des Maghrébins dans la classe, les élèves du CARI se sont immédiatement détendus. Le soulagement était presque palpable dans la salle de classe.

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Le chef discute avec Aïcha Gwendafa, directrice de l’organisme CARI St-Laurent

Fady Dagher leur raconte son arrivée au Québec en 1985, les petits boulots, livreur de pizza, creuseur de piscine, vendeur de lunettes. Et puis, ce policier qui débarque pour acheter des lunettes, qui changera sa vie. « Ça a l’air intéressant, ton travail », lui dit le jeune Dagher. L’autre l’invite à venir patrouiller avec lui quelques heures. C’est le coup de foudre.

Et puis, les échelons gravis un à un. En 2008, l’élection de Barack Obama, et son père, qui l’appelle de Côte d’Ivoire. « Désormais, mon fils, tout est possible. »

« Mabrouk ! » Bonne chance ! dit Dagher aux élèves du CARI en sortant.

Le défi de sa vie

Les ponts sont à rebâtir entre les minorités visibles et la police. Et la tâche est titanesque, convient Fady Dagher. À 55 ans, après 30 ans de police, c’est le défi de sa vie.

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Fady Dagher en grande discussion avec des citoyens et des organisateurs communautaires de la Petite-Bourgogne.

Lundi après-midi, il débarque donc en terrain hostile. Dans la Petite-Bourgogne, la police n’a manifestement pas bonne réputation.

En décembre, le chef Dagher a participé dans le quartier à une cérémonie pour la mort de Nicous D’Andre Spring, 21 ans, mort en prison après une intervention musclée des agents du service correctionnel. La cérémonie a mal tourné pour le chef : les familles présentes avaient toutes apporté des cadres avec la photo d’un fils, d’un frère, dont la mort n’avait pas été élucidée par le SPVM.

Un après l’autre, ils se levaient et ils disaient : non résolu. J’en tremblais. C’était une soirée tough. Lien de confiance avec la police : zéro.

Fady Dagher

Il a promis aux familles de rouvrir chacun de ces dossiers.

Dans la Petite-Bourgogne, un locataire sur deux vit dans un HLM. Les immeubles de HLM, qui forment le plus grand parc de logements sociaux au Canada, ceinturent les deux parcs qui forment le cœur du quartier.

« Il y a vingt ans, il y avait deux-trois meurtres par an ici, les gens avaient peur de venir au parc, ça se battait au couteau », raconte Patrick Benjamin, organisateur communautaire pour le quartier à l’Office municipal d’habitation de Montréal. « Et la police était persona non grata », résume Mourad Meberbeche, le conseiller en concertation au PDQ 15.

Grâce au travail acharné des groupes communautaires, comme le projet BUMP, dirigé par le groupe Prévention Sud-Ouest, la vie ici s’est transformée. Des équipes de médiateurs urbains, sous l’égide du doyen Michael Farkas et épaulés par les agents du SPVM, ont littéralement « occupé le parc ». Ils ont enrôlé des jeunes, ils ont monté des projets sportifs et culturels. Ils étaient présents en tout temps. Les jeunes mal intentionnés ont reculé.

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Le chef discute avec Michael Farkas, du projet BUMP, dirigé par le groupe Prévention Sud-Ouest.

C’est cette collaboration étroite entre policiers et intervenants, qui s’appuient sur une connaissance intime du terrain, que le chef Dagher veut reproduire à grande échelle. Mais il marche sur une fine ligne, car il n’est pas question pour lui d’interdire les interpellations aléatoires, tel que l’a recommandé le juge Michel Yergeau, de la Cour supérieure.

Ces interpellations sont cruciales pour les policiers, car elles mènent à des saisies d’armes et de drogue. « Si on perd ce pouvoir, ça me fait extrêmement peur. » La cause est présentement devant la Cour d’appel.

En plus, les chiffres les plus récents – pas bons du tout – exercent une pression importante sur le nouveau chef. Hausse de 14 % des crimes sur le territoire du SPVM en 2022, et de 21 % pour les crimes contre la personne par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

« Ce que vous faites aujourd’hui, de venir ici sans votre uniforme, c’est un excellent premier pas », note Alexandra Gabay, intervenante auprès des clientèles criminalisées ou en voie de l’être. L’uniforme est une barrière importante, convient le chef.

Je n’arrête pas de dire aux policiers : baisse ta vitre. Parle avec les gens.

Fady Dagher

Sean Corbin a lui-même autrefois fait partie de ces jeunes criminalisés. Aujourd’hui, il gère un salon de barbier communautaire, où les adolescents peuvent venir apprendre les rudiments du métier. Il a aussi mis en place des équipes sportives pour les jeunes. « Quand tu as joué au basket pendant trois heures, tu es crevé. Tu ne retournes pas ensuite traîner dans les rues. »

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Le chef Dagher se fait coiffer par le barbier communautaire Sean Corbin

Au parc, Fady Dagher tombe sur une bande de gamins rassemblés dans les gradins du parc. Ils ont 8, 10, 12 ans, ils sont dans l’équipe de soccer. Eux aussi, ils se raidissent instinctivement quand Dagher se présente comme chef de police.

Et puis, l’homme en t-shirt kaki leur dit qu’il est d’origine libanaise, qu’il est né à Abidjan. Ils le regardent avec de grands yeux. Cerise sur le gâteau, Dagher leur raconte qu’il a déjà joué une partie de soccer contre Zinédine Zidane, alors qu’il faisait partie de l’équipe des policiers du SPVM.

« Et savez-vous quoi ? On a perdu 10 à 0. »

Le laboratoire : retourner aux sources

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Roodsy Vincent a retrouvé Fady Dagher avec plaisir lors de son passage dans Saint-Michel.

Roodsy Vincent, 32 ans, symbolise à lui seul la méthode Dagher. Quand Fady Dagher était commandant du PDQ 30, dans Saint-Michel, le jeune avait 15 ans, et il était fragile. Le médiateur urbain Harry Delva et deux policiers du 30, Evens Guercy et Charles Dubois, lui ont permis de s’enrôler gratuitement dans un club de boxe.

Roodsy est devenu un excellent boxeur. Le sport l’a éloigné de la délinquance. Dix-sept ans plus tard, il travaille comme médiateur urbain pour la Ville de Montréal… avec Harry Delva.

Roodsy a retrouvé Fady Dagher mardi dernier, jour où le chef a poursuivi son entreprise d’immersion dans Saint-Michel. En retournant là où tout a commencé : ce quartier a été son laboratoire, le lieu où s’est construite sa vision de la police.

« C’était son projet, ce qu’on a bâti. Aller au-delà des façons de faire habituelles dans la police », résume Marlène Dessources, qui a travaillé avec lui à l’époque.

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Le chef Dagher converse avec Roodsy Vincent et Harry Delva, médiateur urbain dans le quartier depuis près de 30 ans.

Les enfants. Aussi jeunes que le primaire. C’est l’obsession de Fady Dagher. « C’est à cet âge qu’il faut les prendre. » Ils sont là, ils se poussaillent en jouant au soccer du parc François-Perrault. Toutes les teintes de peau sont représentées sur le gazon artificiel. Harry Delva et Claude-Aline Bellamy les connaissent tous. « Celui-là, on le tient proche », dit Mme Bellamy, frottant la tête d’un jeune qui fait partie d’un programme de prévention de la délinquance.

Mais Saint-Michel a bien changé depuis l’époque où Dagher était commandant. La présence d’armes s’est généralisée. Les groupes criminels se sont déstructurés. De nouvelles communautés ont investi le quartier. « Des gens qui ont une mentalité venue de France, beaucoup plus agressive avec la police », dit Claude-Aline Bellamy.

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Le chef prend un penalty sur le terrain de soccer du parc François-Perrault.

« Et il y a ce nouveau district virtuel : les médias sociaux », ajoute Fady Dagher. Un univers où la prévention policière est totalement absente. Dagher rêve de recruter des jeunes qui seraient capables d’engager le dialogue sur TikTok ou Instagram avec des jeunes à risque. « Il faut qu’on rentre là. »

Attraper les jeunes avant qu’ils dérapent, donc. Comme en 2021, après un évènement de décharge d’arme à feu près du centre communautaire. Des bandes de jeunes, qui traînaient et semaient le trouble. Claude-Aline Bellamy est allée les voir. Elle leur a offert d’embarquer dans un projet.

Les jeunes ont proposé un studio d’enregistrement. « Parce que c’est pas tout le monde qui aime le sport, madame. » Dans les salles autrefois louées par des citoyens d’autres quartiers, les jeunes de Saint-Michel enregistrent désormais des balados, de la musique. « Et ce sont les jeunes qui ont monté le projet de A à Z, fait le budget, acheté le matériel… », dit Mme Bellamy.

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Le chef discute avec Claude-Aline Bellamy, ancienne directrice des Loisirs St-Michel, qui a fait le saut au SPVM. En fond de scène, des instruments du nouveau studio d’enregistrement.

Le midi, à La Perle retrouvée, le centre communautaire haïtien, c’est une pluie d’éloges qui s’abat sur le nouveau chef de police pendant qu’il mange son griot, plat traditionnel d’Haïti. On fait des discours, on lui entonne des refrains. « Vous êtes chez vous ici », lui dit Lesly Tilus, directeur du centre. « Ce n’est pas un policier qui est avec nous, c’est un homme de la communauté », renchérit Nicolas Saintano.

  • Le chef Dagher en plein dîner à La Perle retrouvée, le centre communautaire haïtien

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    Le chef Dagher en plein dîner à La Perle retrouvée, le centre communautaire haïtien

  • Fady Dagher et plusieurs policiers du PDQ 30 dégustent un griot haïtien au centre communautaire La Perle retrouvée.

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    Fady Dagher et plusieurs policiers du PDQ 30 dégustent un griot haïtien au centre communautaire La Perle retrouvée.

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Il y a quelque chose de profondément montréalais dans cette scène : une foule d’origine haïtienne qui acclame un immigrant libano-ivoirien devenu chef de police, avec ses agents – Québécois blancs pure laine ou d’origine haïtienne –, qui mangent tous ensemble du riz collé.

« Mes troupes à Longueuil m’ont averti : tu t’en vas dans le cimetière des chefs de police », se rappelle Fady Dagher. Les attentes envers le nouveau chef sont très, très élevées. Démesurées. Le risque de les décevoir est immense.

« Je sais. C’est un peu épeurant. »