Une entreprise intente une poursuite de 6,3 millions contre la Société de transport de Montréal (STM), blâmant le transporteur et ses professionnels pour le retard de près de deux ans dans les travaux du nouveau centre de transport Crémazie, achevés en 2022.

« Les intervenants de la STM et ses professionnels n’avaient pas mesuré l’ampleur des travaux préparatoires à exécuter pendant que les activités de la STM demeuraient en fonction. […] Les nombreux retards dans le cadre de l’exécution des travaux préparatoires ont eu pour effet de retarder la démolition de la structure du bâtiment », écrit l’avocat MKeven Laverdière, qui représente Lambert Somec inc., dans une poursuite déposée la semaine dernière au palais de justice.

Entrepris à l’été 2017, le chantier du nouveau complexe Crémazie remplace l’ancienne usine du même nom construite en 1948 à l’angle des boulevards Crémazie et Saint-Laurent. Il a été aménagé pour tenir compte des « besoins futurs liés aux nouvelles technologies des bus hybrides et électriques », dans l’optique d’avoir « la flexibilité nécessaire pour adapter les modes de production aux meilleures pratiques de l’industrie ».

Or, ce chantier a ultimement « subi des retards à toutes les phases » en raison d’une mauvaise planification, selon le sous-traitant l’ayant construit.

Au total, le nouveau complexe Crémazie « a subi de très nombreuses perturbations qui ont fait en sorte que le chantier a eu une durée de 2163 jours plutôt que 1400, soit 763 jours de retard ».

Dès le départ, Somec inc., le sous-traitant de Magil Construction, qui avait obtenu le contrat initial avec la STM, dit avoir été « dans l’obligation de travailler dans des espaces très restreints, de morceler ses travaux et d’effectuer de très nombreuses mobilisations et démobilisations ».

Résultat : les premiers travaux préliminaires avaient déjà plus de 100 jours de retard. Puis, d’autres retards ont été pris dans la construction d’un mur temporaire, qui devait être bâti afin d’isoler les zones occupées par la STM. C’est que la « dalle sous le mur à construire s’effritait et qu’elle ne pouvait donc supporter ledit mur », affirme MLaverdière dans la poursuite.

Un projet « complètement dénaturé »

Globalement, Somec inc. affirme avoir « dû composer avec un projet complètement dénaturé, ce qui a eu d’importantes conséquences » tout au long du processus. Au moment de soumissionner, le groupe affirme qu’il avait estimé le nombre d’heures de main-d’œuvre à 35 920. Or, dans les faits, « les heures réellement travaillées se sont plutôt élevées à 97 851 ».

En calculant un taux horaire moyen d’environ 74,60 $, Somec inc. réclame la somme de 4,1 millions de dollars pour les heures supplémentaires effectuées pendant la phase 1 des travaux.

L’entreprise réclame aussi 683 000 $ pour des frais de chantier additionnels entre janvier et juillet 2019, en plus de plusieurs frais afférents comme l’indexation du prix des matériaux qu’elle a supportée en raison de la prolongation du chantier.

Au total, la somme réclamée par Somec inc. est de 6,3 millions. Elle vise la STM, mais aussi son assureur Intact Assurance et Magil Construction.

D’ici au versement de cette somme, les avocats de la société spécialisée en mécanique affirment que le complexe Crémazie sera visé par « une hypothèque légale de la construction », un outil légal permettant grosso modo de garantir le paiement d’une des parties prenantes ayant contribué à la construction ou à la rénovation d’un immeuble.

La STM estime avoir fait au mieux

Appelée à réagir, la STM a d’abord reconnu par courriel que son chantier a « connu certains retards par rapport à l’échéancier initial ».

Sa porte-parole Justine Lord-Dufour rappelle toutefois qu’une « stratégie de déménagement progressif démarré tôt dans le projet a permis le rapatriement des activités et de ses utilisateurs, limitant ainsi les impacts des retards ».

« Au terme de 2022, le bâtiment était pleinement opérationnel. Quelques travaux résiduels et la correction de déficiences demeurent à [conclure] et le seront en 2023. Ces ajustements n’affectent en rien les activités de la STM », assure en ce sens Mme Lord-Dufour.

Pour le reste, la société de transport affirme qu’elle ne commentera pas davantage le dossier, comme celui-ci est « judiciarisé ». « Comme pour tous différends ou litiges, la STM traitera de façon diligente et de bonne foi avec les parties concernées, le tout dans une optique de saine gestion des fonds publics qui lui sont confiés », conclut néanmoins la porte-parole.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse