Les constables spéciaux de la Société de transport de Montréal (STM) sont aux premières loges pour témoigner de la hausse de la criminalité dans les corridors souterrains de la métropole. Depuis deux ans, leurs effectifs ont diminué, tandis que le nombre des appels d’urgence, lui, a plus que doublé.

« Avant la pandémie, on roulait aux alentours de 20 000 appels par année », explique en entrevue Kevin Grenier, le président de la Fraternité des constables et des agents de la paix STM-CSN. Puis, l’année dernière, le nombre a bondi à 42 000. En 2023, les agents de la STM ont déjà répondu à 11 000 appels d’urgence, rapporte-t-il.

Les constables spéciaux et agents de la paix qui patrouillent dans le métro de Montréal sont formés en partie à l’École nationale de police du Québec et en partie par la STM. Ils ont un apprentissage très semblable à celui des policiers de la province. Toutefois, ils ne s’initient pas au maniement des armes à feu et font un examen moins approfondi du Code criminel, explique M. Grenier.

À l’heure actuelle, ils sont 150 constables à parcourir les 71 kilomètres et 68 stations du réseau souterrain de la STM. L’an dernier, 17 d’entre eux ont quitté les rangs, sans être remplacés. Ceux qui restent sont bien placés pour témoigner de l’évolution dans la fréquentation des lieux.

« [Les personnes] qui causent le plus de problèmes dans le métro, ce sont les criminels, les revendeurs de drogue, affirme d’emblée M. Grenier. Ce sont eux qui ont pris de la place [pendant la pandémie] et qui essaient d’en prendre de plus en plus. Ils ne montrent aucun signe de vouloir quitter les lieux. Ils se les sont appropriés et c’est difficile de les en déloger. »

« Ils nous le disent : on est chez nous ici, renchérit M. Grenier. Ils nous invitent quasiment à nous en aller ! »

Des effets sur les usagers du métro

Cette hausse de fréquentation du métro par des vendeurs de stupéfiants s’accompagne d’une augmentation des altercations et de la violence, comme le rapportait La Presse au début du mois de février1.

Ce sont essentiellement les auteurs de délits criminels et les utilisateurs de drogue fréquentant les lieux qui sont la cible de manifestations d’agressivité, assure M. Grenier.

Par ricochet, cependant, les usagers du transport en commun peuvent en faire les frais. C’est notamment le cas quand il y a une utilisation de gaz poivré ou de tout autre agent irritant, dont l’utilisation a explosé depuis 2022, rapportions-nous récemment dans ces pages. Encore lundi soir, le service sur la ligne jaune et une partie des lignes orange et verte ont été interrompus2.

L’usage de tout gaz irritant dans le métro déclenche un protocole d’évacuation d’urgence, paralysant des lignes entières et obligeant souvent à évacuer plusieurs stations.

Selon M. Grenier, le gaz poivré est souvent brandi comme arme pendant des altercations « entre les criminels, ou entre les consommateurs et leurs vendeurs ».

Quand il y a du poivre de Cayenne [gaz poivré], il n’est pas utilisé dans le but de créer un arrêt de service [du métro]. Mais comme il se retrouve dans nos installations, ça crée l’arrêt.

Kevin Grenier, président de la Fraternité des constables et des agents de la paix STM-CSN

Les pulvérisateurs de gaz poivrés sont généralement achetés en vente libre, constate M. Grenier (comme du gaz contre les chiens ou les ours). Mais ils sont utilisés comme arme, au même titre qu’un couteau, un tournevis ou un ustensile de cuisine, ce qui contrevient au Code criminel.

Miser sur la prévention 

Kevin Grenier tient à faire la distinction entre les « criminels » et les personnes vulnérables qui se tiennent dans le métro. « Ceux-là ont vraiment besoin d’aide, même si oui, ils ont des problèmes de consommation, et parfois de comportement. »

L’un des rôles des agents de la STM est d’ailleurs de faire de la prévention, notamment par l’Équipe métro d’intervention et de concertation (EMIC).

« Tous les jours, on a des équipes dédiées pour les personnes en situation d’itinérance, détaille-t-il. [Avec EMIC], on travaille en première ligne, on fournit de quoi manger, des vêtements au besoin. [L’EMIC] peut même aider les gens à trouver un appartement. »

Quand le nombre d’appels d’urgence bondit, c’est la prévention qui en prend un coup, souligne-t-il. L’une des solutions serait de miser sur le recrutement et la rétention de nouveaux constables de la STM. « Aux alentours de 200 [agents], ce serait un chiffre raisonnable », estime-t-il.

Une plus grande présence des autorités permettrait selon lui de réduire les « crimes d’opportunité », comme les vols, le harcèlement et la vente de drogue.

1. Lisez l’article « Drogues et violence à Berri-UQAM » 2. Lisez l’article « Métro de Montréal : du gaz irritant force encore l’évacuation de plusieurs stations »