Dans une rare sortie du genre, mais surtout à quelques semaines du dévoilement du prochain budget du gouvernement Legault, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) durcit le ton contre les sociétés de transport, exhortant celles-ci à cesser leurs « menaces » de réduction de service.

« C’est trop facile de prendre l’usager en otage », affirme le directeur général de l’ARTM, Benoit Gendron, en entrevue avec La Presse.

Il réagissait ainsi aux propos de plusieurs opérateurs qui s’inquiètent de devoir réduire le service si de nouveaux fonds ne sont pas débloqués par Québec. Mardi, dans Le Devoir, le directeur général d’exo, Sylvain Yelle, a dit craindre de tomber dans une « spirale de décroissance » sans le soutien requis de Québec, qu’il chiffre à tout près de 30 millions.

La semaine dernière, la Société de transport de Montréal (STM) avait quant à elle annoncé des coupes de 18 millions, en garantissant toutefois qu’elles ne toucheront « absolument pas » à la qualité du service. Des experts consultés par La Presse se sont néanmoins montrés « sceptiques » face à cette promesse. L’idée « d’optimiser » le service dans le métro et les autobus avait été évoquée en novembre par la STM, ce qui pourrait se traduire par des baisses de service à certains moments si la situation financière ne change pas.

Ailleurs dans le Grand Montréal, la Société de transport de Laval (STL) et le Réseau de transport de Longueuil (RTL) envisagent aussi des réductions de service si les investissements ne sont pas au rendez-vous.

« Une condition catégorique »

N’empêche, Benoit Gendron déplore que les discussions sur le financement se fassent dorénavant « sur la place publique ». « On veut dire aujourd’hui que non, on n’acceptera pas que les usagers écopent de la situation. C’est une condition catégorique pour nous. Les sociétés ont négocié des ententes pour l’année 2023 et elles prévoient le maintien des niveaux de service de 2022. Tout ça a été adopté à notre dernier C. A. la semaine dernière, le 23 février », ajoute le gestionnaire.

Il révèle au passage que l’ARTM a déjà convenu, la semaine dernière, d’augmenter de 4,4 % la rémunération des sociétés de transport, et ce, « pour le même niveau de service ».

Quand j’intègre les demandes au-delà du cadre financier autorisé, les demandes des opérateurs sont entre 8 et 12 %, donc on verra à la lumière des sommes de Québec les choix qu’on aura à faire. Mais il ne faut en aucun cas réduire le service.

Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM

« On est toujours en discussion avec le gouvernement du Québec. La ministre [Geneviève Guilbault] va aussi lancer une série de rencontres qui vont débuter tout de suite après le budget, pour justement voir comment on peut arrêter de prendre les usagers en otage », souligne encore M. Gendron.

En annonçant ces consultations au début de février, la ministre des Transports et de la Mobilité durable avait toutefois prévenu d’emblée que l’idée d’une nouvelle taxation pour financer le transport collectif semblait peu probable. Or, une taxe kilométrique est l’une des solutions favorisées par la Communauté métropolitaine de Montréal, qui mène actuellement une vaste étude sur le sujet.

Mme Guilbault, elle, dit plutôt vouloir « rationaliser » les dépenses en transport collectif et mettre sur pied un plan de financement sur cinq ans d’ici la fin de 2023.

Pendant ce temps, l’ARTM est toujours devant un manque à gagner considérable de 500 millions de dollars, un trou justement devenu béant en raison des investissements pour soutenir les activités des opérateurs, selon son directeur général. « Les choses vont débouler d’ici les prochaines semaines », promet toutefois M. Gendron.

Solutions à trouver

Depuis plusieurs mois, c’est toute l’industrie du transport collectif qui est dans une impasse. Au Québec, le manque à gagner risque d’atteindre les 900 millions d’ici cinq ans, les revenus provenant des usagers ayant fortement diminué durant la pandémie. Dans les sociétés de transport, un consensus se dégage clairement : il faut diversifier les sources de revenus.

Le gouvernement Legault doit déposer son prochain budget le 21 mars. Le ministre des Finances, Eric Girard, a soutenu que ce budget allait « donner le ton » aux engagements pris par la Coalition avenir Québec en campagne électorale, qui a promis de baisser les impôts « dès la première année » de ce deuxième mandat.

« En transport, il faut qu’il y ait une solution à court terme concernant le déficit de la STM qui est lié directement à la baisse de fréquentation à cause de la pandémie. Ce n’est pas en lien avec des raisons de mauvaise gestion ou de choix », avait indiqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante, dans la foulée.