Un groupe pharmaceutique dénonce le manque d’offre en transport collectif dans le secteur industriel de Royalmount. Dans une démarche inusitée, l’entreprise, qui s’est inscrite au Registre des lobbyistes du Québec, demande à la Société de transport de Montréal (STM) d’améliorer son service pour permettre à ses travailleurs de se rendre au travail en toute sécurité.

Pharmascience, qui est installée sur l’avenue Royalmount depuis plusieurs années déjà, a en effet entamé ces jours-ci des démarches pour « améliorer la mobilité des employés du quartier industriel de Royalmount qui rencontrent des difficultés à se rendre au travail par les transports en commun », peut-on lire sur une inscription faite en ligne au Registre des lobbyistes. Il est plutôt rare de voir une entreprise entreprendre de telles démarches.

Comptant plus de 1500 employés, le groupe dit vouloir entamer des « discussions » avec la STM, la Ville de Montréal, l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce et la Ville de Mont-Royal afin « d’améliorer » la desserte dans ce « secteur enclavé » de l’île.

Actuellement, les employés de Pharmascience ont deux options : débarquer du métro à la station De La Savane puis marcher 20 minutes dans un quartier industriel dominé par la voiture et souvent dangereux pour les piétons, ou encore débarquer à la station de métro Namur et prendre la ligne 115.

Le hic : cette ligne n’est en service que le matin et en fin d’après-midi ; il n’y a donc aucun service entre 9 h 30 et 14 h 30, alors que des employés ont des horaires de travail atypiques.

Une porte-parole de Pharmascience, Marie-Laurence Tourillon, précise que l’entreprise « prône un service d’autobus de la ligne 115 accru pour le secteur à partir de la station de métro Namur, ainsi que le raccordement du boulevard Cavendish à l’autoroute 40 ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE

« La question est urgente compte tenu du contexte difficile en matière de main-d’œuvre pour les entreprises manufacturières et de la forte concurrence internationale dans le secteur pharmaceutique. Les grands travaux de construction des projets Royalmount et Blue Bonnets ne feront qu’aggraver les problèmes de circulation du secteur », poursuit-elle, en parlant de « problèmes chroniques de congestion », tant pour les employés que pour la réception de marchandises.

Cet enjeu est crucial pour la croissance de notre entreprise et pour sa capacité d’approvisionner en médicaments le système de santé québécois.

Marie-Laurence Tourillon, porte-parole de Pharmascience

À la STM, on affirme qu’il est encore « trop tôt » pour commenter ce dossier « alors que les discussions sont en cours ». Elle n’exclut pas, cela dit, de rehausser son offre de service dans le secteur.

« Nous sommes en contact avec les différentes parties prenantes pour définir les besoins. Si le processus de consultation révèle la nécessité de mettre en place de nouvelles dessertes ou des modifications aux dessertes existantes, les changements seront communiqués à la clientèle en temps et lieu avant leur entrée en vigueur », a en effet indiqué le porte-parole Philippe Déry, en réponse à nos questions.

Le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, dit être au fait des « impacts qu’aura » le Royalmount sur la mobilité des Montréalais. « On comprend le souhait des employés qui travaillent dans le secteur d’avoir plus d’options en transports collectifs et actifs, car le besoin y est important. Ce qui est vrai pour ce secteur, mais aussi pour d’autres, notamment dans l’est de Montréal », dit l’attachée de presse Marikym Gaudreault à ce sujet.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Bureaux de Pharmascience sur le boulevard Royalmount

« Nous allons appuyer l’Autorité régionale de transport métropolitain qui est responsable de la planification des transports en commun pour ce projet. Il y a actuellement une bonne collaboration entre le promoteur, la Ville de Mont-Royal et l’arrondissement de Côte-Des-Neiges – Notre-Dame-De-Grâce. Nous travaillons notamment pour assurer un accès sécurisé à la station De La Savane par le biais d’une passerelle », rappelle-t-elle encore.

Des solutions alternatives ?

Selon l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, les quartiers industriels sont toujours « les plus difficiles à desservir » en transport collectif. « Cela dit, il y a des solutions : au minimum, il faudrait augmenter l’offre avec des services de taxibus, comme on le voit dans Lachine, et évaluer d’autres mesures transitoires », explique-t-il.

« Présentement, la STM traîne un peu la patte par rapport à d’autres sociétés de transport pour sa desserte en zone industrielle de façon générale. À Toronto, par exemple, ils ont été très novateurs en banlieue dans leur offre de transport dans les quartiers industriels. C’est possible de le faire », poursuit M. Barrieau.

Or, la situation budgétaire délicate de la STM, qui a déclaré en novembre un trou financier de 78 millions, risque de compliquer son champ d’action, croit le spécialiste. « Ça prend une meilleure planification à long terme. Dans ce cas-ci, le plus dommage, c’est qu’on pénalise des travailleurs avec souvent moins de moyens, qui ont plus de difficultés à s’acheter une voiture, par exemple », conclut-il.