Malgré la hausse continue des valeurs des propriétés, de moins en moins de contribuables montréalais contestent leur évaluation foncière. Ils sont aussi de moins en moins nombreux à avoir gain de cause pour réduire leur impôt foncier.

Pour le rôle d’évaluation 2020-2022 de la Ville de Montréal, 0,6 % des contribuables, soit 3040, ont fait une demande de révision de la valeur de leur propriété, comparativement à 1,3 %, soit 5073, pour le rôle 2001-2003.

Pour le rôle 2020-2022, 41,2 % des demandes, soit 1253, se sont soldées par une diminution de valeur des propriétés, comparativement à 54 % pour le rôle 2004-2006.

Le nouveau rôle municipal pour 2023-2025, dévoilé en septembre dernier, prévoit une hausse moyenne de la valeur des propriétés de 32,4 %, ce qui a causé beaucoup de mécontentement dans la population. Lors du dépôt de son budget, le 29 novembre dernier, la Ville de Montréal a décrété une augmentation de taxes moyenne de 4,1 % pour le secteur résidentiel et de 2,9 % pour le non-résidentiel.

Pour les propriétés dont la valeur a progressé plus que la moyenne, la hausse du montant des taxes sera cependant plus salée.

Pas de vague en vue

Mais les autorités municipales ne s’attendent pas à une vague de contestations des évaluations. « On a vu précédemment des augmentations plus importantes du rôle d’évaluation foncière, par exemple de 38,6 % en 2007, et cela ne s’est pas traduit par une augmentation substantielle du nombre de contestations. Il n’y a pas de corrélation directe », explique le directeur du Service de l’évaluation foncière de la Ville de Montréal, Bernard Côté, dans une réponse écrite à nos questions.

Une demande de révision coûte 75 $ pour une propriété de 500 000 $ ou moins et 300 $ si sa valeur se situe entre 500 000 $ et 2 millions. Les contestataires ont jusqu’au 30 avril pour déposer une telle demande.

Ceux qui sont toujours insatisfaits après une révision peuvent intenter un recours contre la Ville au Tribunal administratif du Québec (TAQ), mais ils doivent payer de nouveau des frais variant entre 84 $ et 1115 $ selon la valeur de leur propriété.

« Historiquement, la perte de valeur [à la suite d’un recours au TAQ] se situe entre 10 % et 15 % des valeurs contestées », révèle M. Côté.

Les propriétaires ont donc intérêt à calculer pour voir si le jeu en vaut la chandelle, c’est-à-dire si leur impôt foncier risque de diminuer d’un montant supérieur aux frais à payer pour une révision.

Des gagnants et des perdants

Environ 500 à 600 requêtes sont déposées au TAQ pour chaque rôle, indique la Ville. Pour le rôle 2020, il y en a eu 480.

En consultant les jugements du tribunal, on constate que les points de vue sur l’évaluation sont parfois diamétralement opposés.

Ainsi, une division d’ArcelorMittal Canada, propriétaire d’un complexe industriel situé au 5900, rue Saint-Patrick, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, a échoué à faire diminuer de 77 % la valeur de sa propriété inscrite au rôle.

La Ville évaluait le complexe à 11,5 millions au rôle 2020-2022. Devant le juge, l’expert évaluateur mandaté par l’entreprise a toutefois plaidé qu’il ne valait que 2,6 millions, alors que celui de la Ville a révisé son évaluation à la hausse, à 13,8 millions.

Dans sa décision rendue en août dernier, le tribunal a tranché : la propriété vaut 11,9 millions.

Dans un autre dossier, la brasserie Labatt a contesté la valeur de sa propriété située au 50, rue Labatt, dans l’arrondissement de LaSalle, que la Ville établissait à 43,2 millions au rôle 2020-2022, tandis qu’elle n’était que de 23,7 millions selon l’entreprise, soit 45 % de moins,

Décision du juge, le mois dernier : la valeur est de 35,8 millions, soit 17 % de moins que l’évaluation de la Ville.

La Grande Roue est-elle un immeuble ?

Dans son recours devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ), la Grande Roue de Montréal ne se contente pas de contester la valeur de sa propriété : elle demande au juge de déclarer qu’elle n’est pas un immeuble, mais plutôt un équipement non permanent qui peut être démantelé au besoin.

Cette distinction influence la valeur qui doit être inscrite au rôle municipal. La Grande Roue est évaluée à 17,2 millions par la Ville.

Décision du juge : il s’agit bel et bien d’un immeuble, notamment parce que la Grande Roue, dont le démontage prendrait quatre semaines, est « fixée à une fondation de béton et à des pieux qui s’enfoncent profondément dans le sol, jusqu’au roc ».

Maintenant que cette question est tranchée, une autre décision est attendue au sujet de la valeur de la propriété.