L’inaction des autorités critiquée par des citoyens.

Des citoyens qui essaient depuis des années d’obtenir des mesures d’apaisement de la circulation autour d’écoles dénoncent les innombrables obstacles auxquels ils se butent. Malgré les promesses d’être entendus, « il n’y a rien qui change », disent-ils.

« On a écrit tellement de courriels. On se fait oublier, on n’est pas une priorité. »

Avec d’autres citoyens, Magali Loiselle multiplie les démarches pour que les voitures qui circulent sur l’avenue Christophe-Colomb, à Montréal, ralentissent un tant soit peu.

Entre la rue Jarry et le boulevard Rosemont, trois écoles primaires jouxtent cette avenue sur laquelle on roule « comme sur une autoroute ».

Mardi, sa voix s’est nouée quand La Presse lui a appris qu’un enfant avait été happé près d’une école dans le quartier Ville-Marie. « Le cœur m’arrête. C’est mon cheval de bataille », dit Mme Loiselle, émue.

En une décennie, les gens qui se sont mobilisés pour faire ralentir la circulation devant l’école Saint-Arsène ont bien obtenu de faire passer la vitesse à 30 km/h devant l’école, mais l’effet est minimal.

Des données recueillies par la Fondation CAA-Québec devant cette école un matin d’octobre dernier l’ont démontré : la moyenne de vitesse était de 40 km/h, et 96 % des conducteurs roulaient trop vite.

Les gens circulent très, très vite. Ils brûlent le feu jaune. Ils tournent quand il y a une flèche qui va tout droit, que c’est au tour des piétons. J’ai vu des gens tourner et se faire un plaisir de klaxonner.

Magali Loiselle, citoyenne mobilisée

Un jour où elle a eu peur de se faire frapper avec son enfant, elle a décidé d’agir. « On se dit : il va y en avoir un autre. On va avoir une mort sur la conscience. »

Le scénario se répète dans le quartier Saint-Roch, à Québec, où des citoyens se sont mobilisés pour sécuriser les abords de l’école primaire des Berges.

PHOTO MARIE-PIERRE LAJOIE, FOURNIE PAR VICKI PLOURDE

L’an dernier, une activité de sensibilisation a été organisée par des citoyens aux abords de l’école primaire des Berges, à Québec.

« On s’est demandé : qu’est-ce qu’on va faire pour arrêter d’avoir peur de se faire frapper ? », dit Catherine Lefrançois, qui habite le quartier.

Elle souligne « l’ironie » de l’aménagement devant l’école, où les enfants « s’agglutinent » sur un bout de trottoir.

« Les autos passent directement à côté à 50 km/h. T’es pogné sur ton petit coin », illustre la mère.

« C’est enrageant et frustrant »

À Québec comme à Montréal, les citoyens qui demandent des feux de traverse protégés, davantage de brigadiers, des dos d’âne ou une diversion de la circulation se font souvent répondre d’attendre.

Attendre qu’il y ait des travaux du réseau de distribution d’eau pour qu’on réaménage une rue. Attendre la piste cyclable promise d’ici quelques années. Attendre les réaménagements qui auront lieu avec l’arrivée du tramway. Attendre le plan d’aménagement de l’an « 2000 quelque chose », ironise Catherine Lefrançois.

Elle observe que « tout le monde se renvoie la balle, on dit que c’est compliqué, que ça coûte cher », même quand il est question d’installer un simple radar de vitesse pour sensibiliser les automobilistes.

« C’est un peu David contre Goliath », abonde Magali Loiselle.

Stéphanie Bellenger-Heng habite le quartier Ville-Marie, où la jeune fille a été happée, mardi. Elle et d’autres parents se sont mobilisés dans les dernières années pour faire ajouter des brigadiers dans ce secteur.

Elle dénonce le « travail en silo » de ceux qui auraient le pouvoir de faire changer les choses, par exemple la Ville de Montréal et le service de police. Quand son groupe de citoyens a demandé des brigadiers supplémentaires, on s’est fait dire qu’il faudrait en enlever ailleurs.

C’est une façon de nous culpabiliser, de mettre en péril la sécurité d’autres enfants. On se sentait mal avec cette réponse de la Ville, et on s’est rendu compte que c’était complètement erroné.

Stéphanie Bellenger-Heng, résidante de Ville-Marie

La sécurité autour des écoles, c’est souvent l’affaire de quelques jours à la rentrée scolaire, observe celle qui était commissaire scolaire du secteur pour la Commission scolaire de Montréal.

« C’est enrageant et frustrant que les choses ne bougent pas autant qu’elles le devraient. Il y a un discours et les actions ne suivent pas les discours », dit Mme Bellenger-Heng.

À Québec, Catherine Lefrançois observe qu’après plusieurs années de demandes citoyennes, « rien ne change ».

« On fait juste espérer que rien de grave n’arrive », laisse-t-elle tomber.