À trois jours de la fermeture pendant trois ans de la moitié des voies dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, la nouvelle ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, se veut rassurante. Tout est en place pour assurer le scénario de congestion le moins catastrophique possible, assure-t-elle. Mais elle l’avoue : tout dépendra aussi des choix de la population à long terme.

« C’est un énorme chantier qu’on a devant nous, mais il y a beaucoup d’expertise et d’investissements autour. Il n’y a eu aucune improvisation. Si on est capables de le faire, c’est parce qu’on a autant de monde qui travaille fort. Et je ne voudrais pas que ces personnes se sentent démoralisées, en ayant l’impression qu’on n’est pas prêts. C’est tout le contraire », lance Mme Guilbault en entrevue avec La Presse.

De plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer l’insuffisance des mesures en place, le manque de coordination ou encore le peu de temps qu’a laissé Québec à la population pour s’adapter.

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Travaux préparatoires dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

Mais la ministre estime au contraire que le gouvernement a fait un « très bon travail », dans le contexte, pour minimiser les impacts. « Certes, il y a un défi de communication. Il y en a toujours un, et en particulier à quelques jours. Mais on s’est assuré que nos communications sont bien faites, qu’on offre tout ce qu’on peut offrir, que le message passe bien partout dans les municipalités », résume la ministre.

Avec tout ce qu’on a fait, ce sont des milliers de personnes de plus qu’on est capable de transporter en transport collectif.

Geneviève Guilbault, nouvelle ministre des Transports et de la Mobilité durable

Mme Guilbault trouve cependant dommage qu’une seule voie demeurera sur le pont Victoria jusqu’à la fin du mois de novembre, l’une des traverses principales entre la Rive-Sud et Montréal. « C’est sûr que c’est plate, un peu comme le REM qui a été reporté. Mais ce sont des réalités qui sont hors de notre contrôle, avec lesquelles on n’a pas le choix de composer », a-t-elle dit jeudi en mêlée de presse.

Une occasion de changer

Celle qui est aussi vice-première ministre décrit la fermeture partielle du tunnel comme une « réelle opportunité ». D’ici trois ans, elle espère que certaines mesures incitatives pour le transport collectif liées au chantier seront « conservées », afin de faire plus de place au transport collectif.

« Dans le meilleur des mondes, non seulement les gens vont adopter le transport collectif pour s’épargner les problèmes de circulation du tunnel, mais après trois ans, surtout, ils vont l’avoir adopté pour de bon. Ça serait ça, l’objectif, idéalement, pour moi », confie aussi Mme Guilbault.

Si plus de gens se convertissent au transport collectif « et que les nouvelles lignes et le surplus d’autobus qu’on met » attirent de nouvelles clientèles, « les sociétés de transport pourraient envisager de les conserver », estime Mme Guilbault. « En ce moment, nous, on a financé les mesures pour le chantier, mais on verra ensuite », insiste-t-elle.

En entrevue, Geneviève Guilbault assure toutefois qu’elle est lucide : il faudra forcément s’ajuster avec le temps, surtout « si on voit qu’il n’y a personne qui prend le transport en commun et que les bouchons refoulent jusqu’à la fin du monde ». « Ce n’est pas ce qu’on espère. La situation va être différente s’il y a de la congestion, mais qu’on voit qu’il y a plus de monde dans les autobus », dit-elle toutefois.

Mystère sur la suite

La ministre demeure toutefois floue sur ses intentions, disant ne pas vouloir « se commettre », au cas où certaines discussions n’aboutiraient pas. « J’ai toutefois énormément de discussions, notamment sur le camionnage. On sait que 11 à 13 % des véhicules qui passent dans le tunnel, ce sont des camions. Je réfléchis à ça. J’ai parlé aussi avec le Port de Montréal, où 30 % des 2500 camions par jour qui y vont passent par le tunnel. Eux sont en extrême mode solutions. On vérifie tout ça », assure-t-elle.

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Port de Montréal

Quant à l’interdiction de l’auto solo en heures de pointe, une idée avancée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), l’élue reste prudente.

Il y a un défi opérationnel, dans le sens qu’il faut poster quelqu’un qui va surveiller toutes les voitures et intercepter toutes les personnes qui vont quand même s’être essayées seules dans leur voiture. En même temps, ça se fait, parce que la voie réservée en ce moment qu’on a, implicitement, il y a une surveillance qui vient avec ça.

Geneviève Guilbault, nouvelle ministre des Transports et de la Mobilité durable

« On va voir lundi comment les gens se comportent », poursuit-elle, espérant être surprise par les choix de la population, « comme on en parle tellement depuis une semaine ». N’empêche, un comité de surveillance sera en place tous les jours, matin et soir, afin de s’ajuster rapidement au besoin, promet-elle, assurant aussi être à évaluer « d’autres liaisons possibles » de navettes fluviales, en vue du printemps.

Ultimement, quel serait le « plan B » de Geneviève Guilbault, si elle habitait sur la Rive-Sud ? « Comme j’ai deux enfants à la garderie, j’irais les porter avec ma voiture proche de chez moi, et ensuite j’irais à mon stationnement incitatif, prendre les navettes, puis le métro. Si je n’étais pas une élue, probablement que j’irais chercher mes billets gratuits au métro Radisson », glisse-t-elle, le sourire aux lèvres.

Aux municipalités, la ministre n’a qu’un message. « Envoyez-nous vos demandes précises. Avez-vous besoin d’une ligne d’autobus sur telle place, d’un nouveau stationnement ? Je ne dis pas qu’on peut tout faire, mais tout ce qu’on reçoit comme suggestions, on les évalue. Et si on ne peut pas, on explique pourquoi. »