La congestion entraînée par la fermeture partielle du tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine risque de se faire sentir jusque dans vos poubelles. Des acteurs de l’industrie de la gestion des matières résiduelles invitent les municipalités à l’indulgence, alors que les retards s’accumulent dans la collecte des déchets.

« On a de gros ralentissements un peu partout dans la région. La collecte est beaucoup plus lente. Les retards sont de l’ordre de 25 % en moyenne », confie le directeur général du Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ), Kevin Morin, en entrevue avec La Presse.

Deux chantiers aggravent, selon lui, la situation : les fermetures dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine – où trois voies sur six seront fermées dès le 31 octobre – mais aussi l’interdiction de circulation des camions sur le pont Papineau-Leblanc, sur l’autoroute 19, qui a été annoncée par le gouvernement « pour une durée indéterminée ». Des milliers de camions de collecte des déchets empruntent en effet normalement ces deux axes névralgiques dans leur trajet quotidien.

« Une entreprise qui a un contrat dans un arrondissement ou une ville, elle n’est pas capable de finir sa route de la journée avec 25 % de retard », insiste M. Morin.

Le mardi matin, [l’entreprise] doit donc finir sa route de la veille. Et la deuxième ville qu’elle devait commencer le matin, elle ne débute que le mardi après-midi. Et le retard s’accumule ainsi.

Kevin Morin, directeur général du Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec

Les retards surpassent les frontières de Montréal et de ses couronnes, selon le directeur général. « Si un camion devait être dans les Basses-Laurentides, mais qu’il a eu du retard à Longueuil, ça va se faire sentir même là-bas », évoque M. Morin.

« Un cas de force majeure »

Au groupe Matrec, une division de GFL Environnemental, le directeur régional au développement durable, Richard Mimeau, est catégorique. « On est vraiment devant un cas de force majeure. Les retards ont des répercussions sur toute la chaîne. Ça passe d’une heure d’attente à quatre ou cinq dans les centres de tri. Et ça fait boule de neige sur tout le reste », illustre-t-il.

« On fait notre possible pour rendre le service, en faisant affaire avec des firmes pour recruter des travailleurs en Afrique francophone, en Amérique latine. On amène même des gens d’autres régions, qu’on loge à l’hôtel. Mais ça va prendre de l’aide. Est-ce qu’on peut allonger les heures ? Dire qu’on a deux jours pour ramasser au lieu d’une journée ? On n’aura pas le choix d’arriver à ça », poursuit M. Mimeau.

Le directeur des affaires publiques du recycleur EBI, Nicolas Perrino, envisage aussi de « sérieux problèmes ».

Tous les acteurs qui font de la collecte sur l’île de façon journalière vont avoir beaucoup de misère à arriver. Et surtout, ils vont se faire imposer des pénalités régulièrement.

Nicolas Perrino, directeur des affaires publiques du recycleur EBI

« Il faut qu’on change nos lignes, nos voies et nos heures de collecte. Ça va devenir beaucoup plus avantageux de le faire le soir. Oui, ça va demander beaucoup de gymnastique, puisque c’est un problème majeur, mais il faut le faire », insiste encore M. Perrino, réclamant aussi « plus d’écoute » des municipalités.

Effet domino

Le porte-parole de Waste Management, Martin Dussault, confirme que ses équipes sont également « fortement affectées » par la congestion. « Même en dehors du Grand Montréal, ça a un effet domino. On a des dizaines de camions qui n’ont pas d’autre choix que de circuler dans le tunnel, et qui y sont pris environ deux heures de plus qu’à la normale. Ça réduit leur productivité d’environ 33 % », estime-t-il.

« Punir les entreprises, en ce moment, ce n’est pas la chose à faire. Au contraire, ça contribue à faire augmenter encore davantage les coûts d’opération. Ce que ça nous prend dans l’immédiat, c’est de la souplesse, de la collaboration des municipalités », ajoute M. Dussault.

D’ailleurs, le CETEQ demande aussi aux villes, même celles qui sont moins touchées par la congestion dans le Grand Montréal, de faire preuve d’écoute. « On voit souvent dans des villes moins sensibles à la réalité de la congestion, que c’est plus facile pour elles de donner une pénalité à une entreprise, par exemple. Sauf que ce n’est pas justifié. Ce n’est pas de leur fait », insiste M. Morin.

« On invite les villes à être indulgentes, à éviter les pénalités quand ce n’est pas justifié et que ça découle de la congestion. Et on souhaiterait aussi une planification plus cohérente du gouvernement pour nos membres. Avoir deux axes routiers lourdement congestionnés, à un moment donné, ça a des répercussions sur nos opérations. Il faut aussi prendre ça en compte », conclut le DG.

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  • Plus de 200
    Nombre approximatif d’associations ou d’entreprises membres qui sont représentées par le CETEQ. Ensemble, ces entreprises représentent 15 000 travailleurs, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 2,1 milliards de dollars.
    source : CETEQ