La Ville de Montréal changera de nouveau de système informatique de base, en 2023, quatre ans seulement après avoir fait migrer ses milliers d’employés vers sa plateforme actuelle. Un revirement qui coûtera des millions de dollars.

Le comité exécutif de la Ville a choisi Microsoft pour fournir la solution bureautique de base (courriel, vidéoconférences, traitement de texte, tabulateur, etc.) aux fonctionnaires municipaux. C’est Google qui la fournissait depuis 2019.

Le nouveau contrat, d’une valeur de 27 millions sur trois ans, est significativement plus dispendieux que le précédent, mais inclut le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), contrairement au précédent. Un autre contrat devra être attribué à une firme informatique afin de gérer cette nouvelle migration.

« La transition se fera graduellement au courant de l’année 2023 », indique le service informatique de la Ville dans un courriel aux employés obtenu par La Presse. « Comme lors de la migration vers la suite Google, nous vous informerons et vous accompagnerons à chacune des étapes. »

En janvier dernier, le Bureau de l’inspecteur général (BIG) de Montréal avait déterminé que l’analyse de la soumission de la firme informatique Onix (qui fournit la suite Google à Montréal) violait les règles contractuelles. L’entreprise aurait omis de garantir une stabilité de son prix sur plusieurs années, contrairement à ce que prévoyait l’appel d’offres.

En juin dernier, le conseil municipal a approuvé un renouvellement du contrat d’Onix/Google pour deux ans.

Trois mois plus tard, mercredi dernier, le comité exécutif de Valérie Plante a choisi d’adopter Microsoft comme fournisseur. Comme Montréal passe par une entente-cadre déjà négociée par le gouvernement du Québec, elle n’a pas à lancer un nouvel appel d’offres.

Selon un document municipal que La Presse a obtenu, la solution de Microsoft coûtera 121 millions à la Ville de Montréal sur les 10 prochaines années. Garder la suite d’outils Google aurait coûté entre 73 et 105 millions pour la même période, selon l’ampleur des rabais accordés.

« Un fiasco », dit l’opposition

En entrevue téléphonique, le patron d’Onix pour le Canada s’est dit « extrêmement déçu » de la tournure des évènements. Il dénonce l’attribution du contrat en gré à gré.

« La chose correcte à faire aurait été de refaire un appel d’offres afin que tous les fournisseurs puissent participer. La Ville aurait eu le meilleur produit au plus bas coût », a affirmé Jeff Telford. « Nous n’avons pas l’intention d’emprunter la voie judiciaire. »

Le cabinet de la mairesse s’est félicité de la décision d’adopter un nouveau fournisseur informatique.

« Depuis la pandémie, notre monde a changé, tout comme nos besoins numériques à l’heure du mode hybride », a fait valoir l’attachée de presse Marikym Gaudreault. « Le renouvellement de notre solution bureautique arrivait à échéance et la Ville a procédé à une analyse exhaustive de ses besoins et des solutions sur le marché. C’est pourquoi nous allons migrer vers Microsoft Office 365 dans deux ans. »

Nos systèmes doivent être compatibles avec ceux des autres institutions et paliers de gouvernement, ce n’était pas un incontournable à l’époque, maintenant la réalité est tout autre.

Marikym Gaudreault, attachée de presse au cabinet de la mairesse Valérie Plante

Le système informatique de Microsoft est utilisé par la grande majorité des organisations publiques et parapubliques au Québec, ce qui pouvait amener des problèmes de comptabilité : des documents Word ou Excel envoyés par un ministère, par exemple, ne pouvaient pas être facilement modifiés. Onix affirme que les deux environnements sont compatibles et qu’il aurait simplement fallu mieux former les fonctionnaires.

Par ailleurs, comme ses serveurs se trouvent hors du Canada, Google ne remplissait pas les critères de sécurité pour fournir ses services au SPVM.

Mme Gaudreault a précisé que les deux contrats (Onix/Google ou Microsoft) se chevaucheraient pendant les deux prochaines années afin d’assurer une transition adéquate.

Du côté de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, on dénonce un « fiasco ». À son avis, l’attribution du contrat à Onix/Google a été mal gérée, ce qui a mené à son annulation.

« C’est d’une incompétence totale. On avait averti l’administration », a asséné l’élu Abdelhaq Sari. « Je suis très inquiet de la gestion de l’argent des contribuables par cette administration municipale. Je suis très inquiet. »