Situé à 11 kilomètres du centre-ville de Montréal, le secteur est de Lachine – berceau de l’industrialisation canadienne – est en voie d’être converti. Signe des temps, sur les vestiges de cette ancienne cité de fer et d’acier, on rêve maintenant de tramway, d’écoquartier et de 7400 logements.

La proximité de pistes cyclables, du fleuve et du parc René-Lévesque a convaincu Alain Sanscartier et sa conjointe de s’installer dans l’est de Lachine. C’est même à vélo qu’il s’est souvent rendu travailler dans l’arrondissement de Saint-Laurent cet été, même s’il devait passer par des rues industrielles pas très bucoliques. « En autobus, ça me prendrait 1 h 30 min. En vélo, ça me prenait 55 minutes. »

C’est également parce que Lachine lui est apparu très « vélo » que Michel Lachance s’y est installé, lui aussi dans sa partie est, tout près du canal de Lachine. Ce jour-là, il partait d’ailleurs vers le circuit Gilles-Villeneuve, dans l’île Notre-Dame, comme il va fréquemment rouler du côté de la voie maritime et de l’écluse Côte-Sainte-Catherine.

Alain Sanscartier et Michel Lachance comptent parmi les tout premiers résidants d’un quartier qui n’existe pas encore, sur la petite portion du secteur Lachine-Est qui a déjà été décontaminée.

Le tramway, « un consensus »

L’essentiel de la décontamination reste à faire, et c’est presque une chance, lance, un brin ironique, Henri Chevalier, directeur général de la Corporation de développement économique communautaire de LaSalle-Lachine.

Cela laisse encore du temps « pour bien faire les choses », dit-il.

Car comme l’explique M. Chevalier, il y a là « un patrimoine industriel à mettre en valeur », tout près de vieilles pierres (Lachine ayant été le haut lieu du commerce de la fourrure) et d’un bord de l’eau particulièrement réussi, souligne-t-il aussi.

Il faut donc « saisir l’occasion » de créer un beau quartier, d’autant que la réfection de l’échangeur Saint-Pierre n’est pas encore commencée et qu’un espace en dessous peut encore être réservé pour un éventuel tracé de tramway.

Dont tout le monde veut.

« Il y a un consensus voulant que le tramway soit le mode de transport à favoriser. D’ailleurs, plusieurs en font une condition préalable au succès du projet d’écoquartier », est-il écrit dans le rapport de l’Office de consultation publique de Montréal rendu public en août.

Si Lachine est très bien desservi en pistes cyclables, pour les transports en commun, c’est tout le contraire. La station de métro la plus proche est deux arrondissements plus loin (Angrignon, dans le Sud-Ouest) et le REM ne passera ni à Lachine ni à LaSalle.

Maja Vodanovic, mairesse de Lachine, ne cache pas en entrevue son « parti-pris pour le tramway », et elle dit rêver déjà d’une station qui s’appellerait « Lachine-sur-le-Lac », mais elle ajoute qu’elle laisse l’Autorité régionale de transport métropolitain « faire son travail ».

Comme à Strasbourg, surtout pas comme dans Griffintown

Le modèle à suivre : la ville de Strasbourg (dotée d’un tramway et de 33 écoquartiers), avec laquelle Lachine a établi un partenariat.

L’exemple à éviter à tout prix ? Griffintown. Alors oui, une école primaire est prévue, tout comme un complexe communautaire et sportif.

Mais édifices en hauteur il y aura, jusqu’à 15 étages le long du chemin de fer, selon ce que souhaite la Ville, qui le justifie notamment par des coûts élevés de décontamination. Mais en moyenne, les édifices auront huit étages, avec une volonté d’éviter tout effet mur et de préserver les vues sur le canal de Lachine, explique Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au conseil exécutif de Montréal.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au conseil exécutif de Montréal, et la mairesse de Lachine, Maja Vodanovic

Le fait que la Ville et l’arrondissement ne soient pas propriétaires des terrains – ils appartiennent à quatre promoteurs – ne pose pas problème aux yeux des élus. « On a les outils, les règlements d’urbanisme pour planifier le développement », fait observer M. Beaudry.

Par contre, les citoyens devront baisser leurs attentes quant à la plage à venir tout près de l’écoquartier et du parc René-Lévesque. Ça ne sera pas une « plage » avec du sable comme à Verdun, précise Maja Vodanovic.

« Il y aura des quais de baignade, c’est de l’eau profonde. Il faut voir cela davantage comme de la baignade en rivière, comme on en voit dans certaines villes », illustre la mairesse.

Quand prévoit-on que tout cela se fera ? La décontamination étant importante et les égouts, le réseau de distribution d’eau et les rues devant être faits, le cap est mis sur 2026.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le parc René-Lévesque, à Lachine

À l’écoute

Toutes les personnes interviewées ont souligné jusqu’ici l’écoute des élus. « Il y a une volonté de bien faire les choses », note Henri Chevalier, de la Corporation de développement économique communautaire de LaSalle-Lachine.

Depuis 2015, les citoyens sont largement consultés et entendus, relève aussi Myriam Grondin, directrice de Concert’Action Lachine, qui regroupe une cinquantaine de membres (citoyens et organismes locaux confondus). « Ça ne s’était jamais vu, d’avoir autant la chance de donner notre opinion et qu’elle soit prise en compte. On a travaillé sur des plans, de concert avec des urbanistes. On sentait qu’on était entendus. »

Jean-François Lefebvre, qui est entre autres membre fondateur du Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (le GRAME), parle même d’« un changement de mentalité ».

Et les citoyens doivent continuer d’être entendus, insiste M. Lefebvre. « Il faut réitérer très clairement que la communauté veut un tramway, un mode de transport fiable, confortable et silencieux qui offre des passages fréquents. Partout où il y en a un, les gens sont prêts à marcher un peu plus pour y monter. »

Sans tramway, l’écoquartier n’aurait pas de sens, selon M. Lefebvre.

Il plaide aussi beaucoup pour que Lachine mise sur la géothermie. Et il n’est pas le seul.

« La commission a constaté un large refus de recourir à l’énergie provenant de sources fossiles, y compris le gaz naturel, peut-on aussi lire dans le rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) publié en août. En revanche, certaines sources d’énergies renouvelables, telles la géothermie et l’énergie solaire, ont suscité une large adhésion. »

« Dans un écoquartier, les énergies renouvelables doivent être privilégiées », insiste l’OCPM.

En savoir plus
  • 22 %
    Proportion des espaces verts et parcs prévus dans le futur écoquartier
    source : Office de consultation publique de Montréal
    1200
    Nombre de logements sociaux envisagés (en plus de 500 à 600 logements dits abordables)
    source : Office de consultation publique de Montréal
  • 35
    Nombre de mémoires déposés à l’Office de consultation publique de Montréal sur le secteur est de Lachine
    source : Office de consultation publique de Montréal