Pourrait-on éventuellement envisager des « quartiers sans voitures » à Laval ? C’est le postulat « audacieux » que fait le maire Stéphane Boyer, dans un nouveau livre qui paraîtra au cours des prochains jours. L’idée n’est pas de faire la « guerre à la voiture », mais surtout de laisser plus de place aux transports actifs, y affirme l’élu.

« En repensant la façon de développer nos quartiers, nous pourrions récupérer l’espace occupé par les routes et les infrastructures vouées à la voiture à l’échelle locale. […] Tous nos déplacements à l’intérieur d’un même quartier pourraient ainsi être faits à pied en seulement quelques minutes », écrit M. Boyer dans son essai, que La Presse a obtenu, et qui sera publié aux Éditions Somme Toute le 13 septembre prochain.

Au bout du fil, le maire de 34 ans précise avoir entamé la rédaction de son bouquin il y a déjà plusieurs années. « Ce n’est pas lié au contexte électoral, mais mon objectif reste de générer des idées, et de débattre. Plus il y a de gens qui en parleront, mieux ça sera », évoque-t-il. Selon lui, la présence même de la voiture en ville « vient avec plusieurs problématiques économiques, sociales et environnementales », d’autant plus que les infrastructures « coûtent de plus en plus cher à construire et entretenir ».

Il s’inquiète de ce qu’il appelle « un sentiment de communauté de moins en moins présent en ville ». « Il faut y remédier », raisonne-t-il.

L’idée n’est pas de défaire les quartiers existants pour enlever toutes les rues. Par contre, dans les grands espaces qu’il reste à développer à Laval, on peut très bien imaginer une approche renouvelée, avec des quartiers sans voitures.

Stéphane Boyer, maire de Laval

« On doit se poser la question : est-ce qu’on a besoin de voitures pour passer d’un quartier à l’autre, ou d’un bâtiment à l’autre ? En ce moment, on essaie de connecter tous les bâtiments par une rue, mais ça ne serait pas plus logique que les quartiers soient connectés par des rues, mais qu’à l’intérieur de ceux-ci, on se déplace à pied ou à vélo ? Ça serait un changement de paradigme important, qu’on voit déjà en Europe, par exemple », poursuit M. Boyer.

Mais le défi est grand, avoue-t-il. L’an dernier, on comptait environ 250 000 automobiles et camions légers à Laval. Dans son Plan de mobilité durable 2021, la Ville notait toutefois que « le nombre de kilomètres en auto solo effectués par un résidant de la partie centrale de Laval est environ 30 % inférieur à celui d’une personne qui habite les quartiers traditionnels composés de résidences unifamiliales ».

Le piège du discours « unique »

C’est le maire de Québec, Bruno Marchand, qui signe la préface du nouveau livre du maire de Laval. Il y affirme notamment que « les villes qui accepteront avec courage de chercher des idées novatrices, qui se donneront les espaces pour en discuter avec leurs citoyens […] et qui accepteront de remettre en question leurs certitudes auront définitivement une longueur d’avance importante » sur les autres municipalités.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS SOMME TOUTE

« Dans les raisons qui édulcorent le débat [de l’aménagement du territoire], il y a aussi la peur du modèle unique. Comme si se questionner sur la ville du futur impliquait comme seule et unique solution de vivre dans une tour à condos de 60 étages dans un lieu hyperdensifié. Je suis d’avis que la solution unique ne permettra pas de résoudre tous nos problèmes. Les milieux de vie devront offrir différentes propositions afin de répondre à des besoins variés », insiste aussi M. Marchand.

Stéphane Boyer va dans le même sens. « Il ne faut pas que les gens voient mon livre ou mes idées comme un affront au mode de vie actuel. Ce n’est pas ça du tout. C’est une autre façon de penser la ville », explique-t-il. Du même coup, il ajoute que l’aménagement de quartiers sans voitures « vient avec plusieurs considérations ». « Dans les faits, c’est presque impossible d’éliminer tout déplacement véhiculaire dans un quartier, ne serait-ce que pour les véhicules d’urgence. Un quartier sans voitures permettra l’accès aux automobiles dans certaines circonstances », assure-t-il.

« Ultimement, les gens qui choisiront de vivre dans ces nouveaux quartiers seront les gens qui seront d’accord avec l’idée. Ça n’empêchera donc pas monsieur et madame Tout-le-Monde de continuer de vivre selon leur quotidien. Ce qui est important, c’est d’avoir un débat sain, sans confrontation », insiste M. Boyer.

« Je nous souhaite d’éviter le piège d’une vision unique. Une solution unique ne répondra jamais à l’ensemble des besoins. Une ville devrait offrir des alternatives, des modèles différents afin de répondre à des réalités diverses », persiste quant à lui Bruno Marchand.

En savoir plus
  • 60 000
    Nombre approximatif de cases de stationnement au centre-ville de Laval. En juillet, l’administration Boyer a annoncé l’adoption d’un nouveau règlement d’urbanisme faisant place à plus de verdissement, et à moins de stationnements. Aucune nouvelle station-service ne sera désormais autorisée en vertu de ce règlement.
    source : ville de Laval