Montréal étudie la possibilité d’acheter le Manoir Lafontaine, cet immeuble d’environ 90 logements mis en vente dans les derniers jours pour la somme de 28 millions de dollars. Dans la dernière année, l’endroit est devenu un symbole de la crise du logement pour plusieurs élus et groupes communautaires.

« On est en lien avec les gens, on a aidé à monter le dossier avec le TAL [Tribunal administratif du logement], on continue, et en ce moment on regarde comment ça va être possible de l’acheter. Moi, je trouve que c’est pas mal du concret », a révélé le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, en marge du conseil municipal lundi, en précisant avoir rencontré les locataires au cours des derniers jours.

Il répondait ainsi à une question de la conseillère de l’opposition, Alba Stella Zúñiga Ramos, qui lui demandait si la Ville songeait à acquérir les lieux « afin de protéger le parc de logements abordables du Plateau-Mont-Royal ». « Quelle est la garantie que la Ville va donner ? », s’est aussi interrogée l’élue.

C’est la firme immobilière Colliers qui a mis l’immeuble en vente au cours des derniers jours, tel que l’avait d’abord révélé Le Devoir. Dans un avis de vente, l’agence indique d’ailleurs que « l’emplacement imbattable » et la possibilité « d’effectuer une vaste rénovation » devrait permettre au prochain acheteur de « maximiser la valeur locative ».

Au printemps 2021, le propriétaire actuel de l’endroit, l’entreprise 3485 Papineau Investments, qui appartient à Brandon Shiller et Jeremy Kornbluth, avait remis des avis d’éviction aux locataires de l’immeuble, les informant qu’ils devaient partir le 30 juin pour une période d’au moins sept mois.

Ces avis ont été largement dénoncés comme une tentative de rénoviction de grande envergure. Les locataires ont d’ailleurs fait front commun, et sont devenus le symbole de la résilience contre la hausse du coût du loyer à Montréal. Les propriétaires, de leur côté, prétendent que le bâtiment est en piètre état et doit faire l’objet de rénovations majeures et significatives.

« Juste pour spéculer »

En mai dernier, le Tribunal administratif du logement (TAL) avait donné raison aux locataires, en rejetant la demande des propriétaires du Manoir Lafontaine de faire évacuer les locataires. « Le droit de propriété du locateur ne lui permet pas de faire ce qu’il veut avec son immeuble », avait alors souligné le juge administratif Philippe Morisset dans sa décision.

L’immeuble est donc maintenant en vente. Mais pour Benoit Dorais, le prix de vente est inacceptable, en sachant que les propriétaires ont d’abord acheté l’immeuble pour 15 millions. « Là, ils revendent ça, sans aucune rénovation, juste pour spéculer, à 28 millions. C’est tu-pas scandaleux ça ? », s’est-il exclamé.

« Dans chacun de nos arrondissements, on devrait faire ce que nous avons fait dans notre administration localement, c’est-à-dire de modifier la réglementation pour s’assurer que les rénovictions soient chose du passé, ou extrêmement compliquées », a rajouté M. Dorais, en réponse aux questions de l’opposition.