Les matières recyclables s’amoncellent à nouveau autour du centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel, à Montréal.

« La matière est à l’extérieur, à la merci des intempéries », a constaté Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), vendredi.

Des camions déchargeaient le contenu des bacs de récupération des ménages montréalais directement à l’extérieur du bâtiment, a-t-il observé. « Ce n’est pas normal. »

« C’est excessivement sale », lance Mario Laquerre, chargé de cours en gestion des matières résiduelles à l’Université de Sherbrooke, qui s’est aussi rendu sur place, vendredi. « Je n’ai jamais vu le site comme ça. »

PHOTO FOURNIE PAR LE FRONT COMMUN QUÉBÉCOIS POUR UNE GESTION ÉCOLOGIQUE DES DÉCHETS

Le centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel, à Montréal, le 22 avril

Celui qui est un habitué des lieux depuis près de 20 ans dit n’avoir observé que quatre employés affectés au prétri des matières, et aucun ailleurs.

Des ballots de matières triées sont aussi entreposés à l’extérieur, a constaté La Presse, lundi.

« Ils font de la basse catégorie de matières », déplore M. Laquerre, ajoutant avoir vu « plein de monde piquer des ballots, enlever les morceaux de plastique qui dépassent pour que ça passe à l’inspection. »

Par conséquent, la qualité des matières à recycler sortant du centre de tri sera moindre, affirme Karel Ménard.

Ce sont encore des ballots qui vont être exportés, vendus très peu cher ou à perte. On est loin d’une sortie de crise des centres de tri à Montréal.

Karel Ménard, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

Il y a « un peu plus de matières que d’habitude » aux abords du centre de tri, mais « absolument aucun manque de trieurs », a déclaré à La Presse Stéphanie Dunglas, porte-parole de Ricova, qui n’a pas indiqué si ces matières étaient destinées au marché canadien ou à l’exportation.

L’entreprise a repris la gestion du centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel et de celui de Lachine après que l’entreprise Rebuts solides canadiens (RSC) s’est placée à l’abri de ses créanciers, en 2020.

Bris et manque de personnel

Cette « situation particulière » est attribuable à « des bris mécaniques et un manque de personnel pendant la longue fin de semaine du congé de Pâques », ainsi qu’au manque de disponibilité d’une entreprise de transport, a indiqué un porte-parole de la Ville de Montréal, Guillaume Rivest.

Le problème est chronique, estime Karel Ménard, y voyant le signe qu’« on n’est pas capables de trier les matières qu’on reçoit, point final ».

Une situation similaire était notamment survenue en janvier 2020.

Les gens se donnent quand même la peine de récupérer leurs matières recyclables toutes les semaines, mais si, en fin de compte, on n’est pas capables de répondre à leurs attentes, il va y en avoir qui vont décrocher.

Karel Ménard, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

Ballots à l’extérieur à Lachine

Ricova et la Ville de Montréal affirment que la situation au centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel n’a pas de répercussions sur celui de Lachine, mais des matières recyclables en ballots et en vrac s’y accumulent aussi à l’extérieur, a constaté La Presse, mardi.

Des camions bloquent la vue à partir de la rue, mais les images prises du haut des airs montrent d’importants amoncellements près du bâtiment inauguré en novembre 2019.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le centre de tri des matières recyclables de Lachine, mardi

« C’est un vieux truc de recycleur, dit Mario Laquerre. En mettant les ballots dehors, la pluie va les rendre plus pesants et ils vaudront plus, car ils sont vendus au poids. »

De grandes quantités de matières recyclables dispersées par le vent jonchent par ailleurs le terrain du centre de tri de Lachine et les terrains voisins.

Montréal s’impatiente

L’accumulation de matières recyclables à l’extérieur des centres de tri de Saint-Michel et Lachine survient au moment où les relations sont très tendues entre la Ville de Montréal et Ricova.

Se disant limité dans ses commentaires en raison de la judiciarisation du dossier, le cabinet de la mairesse Valérie Plante a toutefois indiqué à La Presse « étudier sérieusement différents scénarios avec le gouvernement du Québec et Recyc-Québec pour venir à bout de cette affaire ».

« Une solution efficace sera mise en place afin de corriger la situation tout en s’assurant que les services de collecte, de tri et de traitement soient maintenus dans les meilleurs délais », a déclaré l’attachée de presse de la mairesse, Marikym Gaudreault.

Ricova a menacé lundi de poursuivre la Ville si cette dernière tente de mettre fin aux contrats qui les lient, comme le recommande le Bureau de l’inspecteur général (BIG) dans un rapport dévoilé le mois dernier.

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  • 42 %
    Proportion des matières recyclables de l’agglomération de Montréal traitées au centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel
    source : Ville de Montréal