L’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) sur la Rive-Sud de Montréal marque un « grand changement » pour son réseau de bus, lesquels ne pourront plus emprunter le pont Samuel-De Champlain pour se rendre au centre-ville. Exo, le réseau qui les exploite, compte profiter de l’occasion pour redévelopper son offre entre les banlieues.

« On ne pourra plus directement aller au centre-ville. C’est le REM qui va faire le lien maintenant. Notre quinzaine de lignes concernées vont s’arrêter à la station Brossard principalement, qui va devenir un pôle pour nous, et certains services iront jusqu’à la station Panama. Ça implique toute une réorganisation », explique à La Presse la directrice au développement des réseaux chez exo, Catherine Beaulieu.

Elle affirme que le changement se fera « du jour au lendemain », dès l’implantation du REM sur la Rive-Sud – qui est pour l’instant prévu à l’automne –, d’où « l’urgence d’agir » pour son organisation.

Jusqu’ici, les réseaux d’exo étaient surtout faits de lignes locales qui se rabattent sur des stationnements incitatifs. De là, partent ensuite des circuits express vers le centre-ville. C’est maintenant en bonne partie de la station Brossard que les bus partiront, à la différence que les tracés desserviront surtout les banlieues entre elles. Le REM se chargera d’amener les gens qui le souhaitent vers le centre-ville.

« Tout ça fera en sorte de simplifier les déplacements sur la couronne. Je vous donne un exemple : actuellement, quelqu’un qui part de Chambly vers La Prairie doit aller au centre-ville et ensuite revenir sur la Rive-Sud. Ça prend une heure vingt, c’est très long, et ce n’est pas très intuitif. Maintenant, avec ce pôle à Brossard, on aura une ligne Chambly-Brossard et une autre vers La Prairie. Ça ne prendra maintenant que 35 minutes », confie Mme Beaulieu.

Les banlieues changent aussi

Exo dit avoir pris la décision de « refonder son réseau » – un exercice qui se fait à coûts fixes puisque les kilomètres perdus vers le centre-ville sont « réinvestis » et non pas « ajoutés » – pour offrir le plus d’options aux usagers. Mais aussi parce que la vie en banlieue se transforme, elle aussi.

« On voyait déjà des choses changer avant la pandémie, mais la COVID-19 a accéléré certains phénomènes. Les banlieues deviennent de plus en plus autonomes, avec des pôles d’emploi, d’éducation, de loisirs. On y retrouve de plus en plus de campus. Bref, ce ne sont plus seulement des lieux de résidence. Et c’est une évolution à laquelle on veut répondre », poursuit la directrice des réseaux.

Son groupe vise aussi à faciliter les déplacements locaux « à l’extérieur des heures de pointe », notamment en milieu de journée. Avec la présence maintenant bien installée du télétravail, le réseau « doit offrir une solution de rechange tout au long de la journée », affirme Catherine Beaulieu à ce sujet.

« Il y a aussi beaucoup de quartiers industriels qui méritent d’être mieux desservis, notamment celui de Chambly, qui est très peu accessible. On aura des lignes qui y iront directement dorénavant. Ça va créer une masse d’employés beaucoup plus vaste venant de Montréal ou de Longueuil », précise-t-elle aussi.

Défis de taille

Dans les prochains mois, voire les prochaines années, l’arrivée des futures antennes du REM risque de créer ce même rapprochement local des différents réseaux d’autobus d’exo autour de l’île de Montréal. Une « refonte » similaire est notamment prévue à l’ouest puis à l’est de la couronne nord, puis à l’extrême ouest et est de la couronne sud. « On veut être prêts en 2024 pour revoir ces réseaux-là, quand le REM va débarquer. On poursuit nos efforts en ce sens », conclut la cadre.

Pour la professeure au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM Florence Junca-Adenot, cette « remodélisation » du réseau implique des défis majeurs. « C’est un peu comme ce que fait le Réseau de transport de Longueuil (RTL) actuellement : ils n’ont pas le choix de se réorganiser. Le REM leur impose en quelque sorte de revenir vers une desserte plus locale », observe-t-elle.

« Cela dit, il ne faut pas sous-estimer les difficultés que ça peut engendrer, enchaîne l’experte. Qu’on le veuille ou non, un bus, ça a besoin de densité. Et avec la COVID, qui amène des changements dans l’organisation du travail, les horaires modifiés vont agir sur nos déplacements. »

Mieux desservir localement « devient donc beaucoup plus complexe », poursuit encore Mme Junca-Adenot, qui réitère toutefois que tout demeure « possible et réalisable ». « Je pense qu’on va dans le bon sens avec cette démarche. Ils auront l’occasion de faire toute une batterie de tests », conclut-elle.

En savoir plus
  • 242
    À ce jour, le réseau d’exo compte 242 lignes d’autobus et 61 de taxibus, 66 stationnements incitatifs offrant 28 160 places d’automobile et 3585 places de vélo. L’organisme chapeaute aussi 5 lignes de train de banlieue et 52 gares.