CDPQ Infra maintient le cap. Le REM de l’Est sera érigé en majeure partie sur des structures de béton ornées de caténaires, avec des « murs antibruit » pouvant atteindre 4 m de hauteur, un choix qui inquiète le comité d’experts mandaté pour assurer l’intégration architecturale du projet.

Dans un rapport déposé ces derniers jours au gouvernement du Québec, et obtenu par La Presse, les membres de ce groupe émettent plusieurs réserves quant à la deuxième phase du Réseau express métropolitain (REM).

Ils estiment que le train léger proposé par la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec a « le potentiel de créer un effet de fracture entre les secteurs situés de part et d’autre du tracé si un traitement urbain et architectural de qualité n’est pas assuré tout au long du tracé ».

IMAGE FOURNIE PAR CDPQ INFRA

Le projet du REM de l'Est

Ce réseau de 10 milliards de dollars doit relier le centre-ville à la pointe est et au nord-est de l’île. La majorité du tracé de 32 kilomètres est prévue sur des structures surélevées.

Le boulevard René-Lévesque à réaménager

Le groupe de 15 experts mandaté par CDPQ Infra et Québec pour étudier le projet aurait jugé « préférable » le creusage d’un tunnel long au centre-ville. Devant le refus du promoteur, le comité a édicté une série de « conditions essentielles » en vue de permettre une intégration réussie de la structure aérienne.

Parmi celles-ci : « la révision fondamentale de la vocation et de la géométrie du boulevard René-Lévesque ».

Le comité propose ainsi un « retrait significatif de l’espace dédié au transport automobile » sur cette importante artère, afin de créer une large promenade piétonne et une piste cyclable. Cette promenade pourrait même devenir « l’élément phare du projet au centre-ville » et se prolonger sur toute la distance du REM de l’Est.

Un vaste exercice « d’affinement » de la structure devra toutefois être réalisé par les concepteurs, avertit-on. Car malgré les progrès réalisés ces derniers mois, « il reste encore beaucoup de travail à faire pour arriver à un résultat satisfaisant, notamment en matière de finesse de la conception, de largeur du tablier, de hauteur générale, d’intégration du voile, des caténaires et des murs antibruit ».

Tout en béton

Selon nos informations, CDPQ Infra penche encore à ce stade-ci pour une structure entièrement bétonnée, qui pourrait être de couleur blanche plutôt que grise. L’option de l’acier, qui permet une structure plus légère et un espacement plus important entre les piliers, aurait été écartée.

Le comité se dit « très inquiet » de la qualité des futurs aménagements si CDPQ Infra opte pour des éléments en béton « coulé sur place ». Le groupe milite encore pour l’usage d’acier, ou à tout le moins de piliers en béton préfabriqué.

Le comité attend aussi des précisions par rapport aux murs antibruit qui pourraient être érigés entre les rues Saint-Urbain et Beaudry et grimper jusqu’à 4 m au-dessus du tablier du REM.

Une partie de ce voile serait « opaque », indique-t-on, mais aucune présentation n’a encore été faite aux membres du comité à cet égard.

Un soin particulier devra être apporté au secteur où le REM sortira de terre, entre la station terminale du centre-ville et le début du tracé aérien, souligne par ailleurs le comité. Cette « trémie », qui sera située aux abords de la rue Saint-Urbain et du boulevard René-Lévesque, soulève une « forte inquiétude » en raison des risques de « fracture urbaine » qu’elle présente. Sa conception reste « à raffiner ».

Caténaires et ligne verte

Des citoyens ont été surpris par l’apparence massive de la première phase du REM, en construction dans plusieurs secteurs de la métropole. Les membres du comité souhaitent éviter à tout prix ce type d’architecture avec le REM de l’Est, et leur rapport fait état de nombreuses craintes quant à l’aspect des caténaires – le réseau d’alimentation électrique des trains.

Le groupe demande à CDPQ Infra d’installer des poteaux plus discrets « et de facture soignée plutôt que les modèles plus génériques comme ce fut le cas pour le REM de l’Ouest ». Le comité souhaite aussi que des mesures soient prises dès maintenant pour permettre le possible retrait des caténaires « dans l’éventualité où des avancées technologiques futures le permettraient ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Caténaires du REM sur la Rive-Sud

CDPQ Infra a annoncé récemment le déplacement d’une partie du REM de l’Est de la rue Sherbrooke vers la rue Dubuisson, plus au sud, en réponse aux nombreuses critiques de résidants du secteur. S’il « salue » cette modification au tracé, le comité d’experts dirigé par l’ingénieure Maud Cohen déplore la perte de connexion avec la ligne verte du métro qui en découlera.

Le groupe demande en conséquence à CDPQ Infra de « trouver une solution » pour rétablir une connexion avec la ligne verte.

Le comité se dit par ailleurs « très préoccupé » par la façon dont le REM de l’Est s’insérera dans plusieurs lieux patrimoniaux situés le long du tracé, comme le Quartier chinois, le parc Morgan et les environs de la brasserie Molson. Il demande aux concepteurs d’y apporter une « attention particulière ».

15 réunions

Le comité s’est réuni à une quinzaine de reprises depuis mai 2021, souvent en présence des équipes de CDPQ Infra et de la firme d’architectes Lemay. Le document remis à Québec la semaine dernière est un rapport « d’étape », puisque plusieurs éléments du projet restent à peaufiner, indique-t-on.

Les membres insistent sur le fait que CDPQ Infra devra développer son projet « conjointement » avec l’ensemble des acteurs impliqués, incluant la Ville de Montréal et l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). Une « condition essentielle » à la réussite du REM de l’Est, souligne-t-on.

Le comité déposera un rapport complet avant l’étude du projet par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans les prochains mois.