Plus d’asphalte en échange de moins de camions ? C’est l’offre qui divise des résidants de l’est de Montréal, ces jours-ci, alors que le prolongement de routes de camionnage à travers une friche industrielle est de nouveau envisagé.

La Ville de Montréal et le gouvernement du Québec veulent prolonger l’avenue Souligny et le boulevard de l’Assomption, tout près du Stade olympique, afin de dérouter les poids lourds du reste du réseau routier. Quelque 2500 camions sortent chaque jour du port de Montréal, qui exploite un terminal tout près.

Mais des citoyens craignent que le déroutement du trafic de camions, notamment pour soulager la rue Notre-Dame, ne se fasse à leurs dépens. Que le fragile équilibre entre industrie et vie de quartier, déjà en danger dans ce coin de Montréal, ne se renverse définitivement.

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Quelque 2500 camions sortent chaque jour du port de Montréal, qui exploite un terminal tout près.

Ils observent avec méfiance la multiplication des projets dans la même zone anciennement industrielle, située entre Viauville et Mercier : le site de transbordement de Ray-Mont Logistique s’y construit, Hydro-Québec voudrait y édifier un poste de transformation et le REM de l’Est y passera. En plus du prolongement de l’avenue Souligny et du boulevard de l’Assomption.

« Ça ajoute aux nuisances dans un secteur qui est bourré de nuisances », a fait valoir Cassandre Charbonneau, porte-parole du groupe Mobilisation 6600. Le groupe a été créé pour s’opposer au projet de Ray-Mont Logistique, mais s’intéresse aussi au prolongement des routes de camionnage.

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Cassandre Charbonneau, porte-parole du groupe Mobilisation 6600

C’est sûr qu’enlever des camions sur la rue Viau, c’est une bonne idée. Mais est-ce qu’il faut absolument aller dans le sens de la croissance du port, quand on pense aux 50 prochaines années avec ce qui s’en vient [avec les changements climatiques] ?

Cassandre Charbonneau, porte-parole du groupe Mobilisation 6600

Multiples projets

La militante monte sur le talus du chantier de Ray-Mont Logistique pour observer l’immense zone, déjà balafrée par une voie ferrée.

À ses pieds, la future plateforme de transbordement installée sur le terrain d’une fonderie d’acier fermée il y a 20 ans. Au nord-ouest, le bois Steinberg, lorgné par Hydro-Québec. À l’est, la bande de terre qu’utiliserait le REM de l’Est pour monter vers le nord, après avoir accompagné la rue Notre-Dame. Au sud, le terminal Viau du port de Montréal, inauguré en 2016.

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Une multiplication des projets dans la même zone anciennement industrielle, située entre Viauville et Mercier, a été observée.

C’est pour mieux canaliser le flux des camions qui se rendent à ce terminal (et aux autres) que les autorités veulent prolonger les deux artères, a indiqué la ministre responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, dans une courte entrevue.

« On veut enlever des camions sur la rue Notre-Dame. Il y a un énorme travail qui se fait entre les différentes parties pour que ce soit un projet acceptable pour tous en termes d’intégration », a-t-elle dit.

La Ville, Hydro-Québec, le ministère des Transports, le Port de Montréal, tout le monde se parle pour mettre en place ce projet.

Chantal Rouleau, ministre responsable de la Métropole

Mme Rouleau a indiqué que le tracé définitif des nouvelles routes n’était pas arrêté. On ne sait pas, notamment, si le nouveau tronçon du boulevard de l’Assomption atteindra la rue Notre-Dame. Un projet qui prévoyait la construction d’une boucle en hauteur a été officiellement abandonné en 2019.

Déjà, le Port de Montréal a lancé la construction d’un pont d’étagement de 33 millions au-dessus de la rue Notre-Dame, afin de connecter le viaduc Viau à l’éventuel prolongement routier. Le Port de Montréal a refusé la demande d’entrevue de La Presse.

« Contexte pas évident »

À la dernière séance du conseil municipal, la responsable des Transports de la Ville a été mitraillée de questions sur le projet routier. Sophie Mauzerolle s’est employée à défendre l’approche de l’administration municipale dans ce projet.

« On est tout à fait sensibles à vos préoccupations, à vos besoins. Des besoins de désenclavement, mais aussi des besoins de verdissement », a-t-elle dit en réponse à une citoyenne, parmi plusieurs autres. Mme Mauzerolle a refusé la demande d’entrevue de La Presse pour le dossier.

L’élue a précisé que c’était « un contexte pas évident, où il y a vraiment beaucoup d’acteurs et où on n’a pas la maîtrise foncière du terrain ».

Plusieurs des questions à Mme Mauzerolle avaient été soumises par des militants de Mobilisation 6600, le groupe de Mme Charbonneau.

Un tel projet, « ça change le paysage, ça change la qualité de l’air », a déploré Cassandre Charbonneau. « L’expérience démontre que quand on crée de nouvelles routes, ça soulage un certain temps et après, il y a juste plus de trafic. »

Sur le talus, la militante est abordée par un petit groupe d’élèves du collège de Maisonneuve, situé assez près. Ils venaient constater de leurs propres yeux l’état de la zone et veulent s’impliquer.

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Élèves du collège de Maisonneuve

« On a pris conscience de ce qui se passait il y a environ trois semaines. Je n’habite pas loin et on va au cégep du coin. On est vraiment concernés par le fait qu’il y a beaucoup de citoyens dont les conditions de vie vont être absolument ruinées par ces projets-là », a affirmé Anne Montplaisir, du comité environnemental du cégep.

Après quelques minutes d’observation, le petit groupe redescend le talus pentu, un jeu d’équilibriste pour ne pas tomber. À gauche, des résidences. À droite, des projets industriels.