Le conseiller Craig Sauvé s’est retiré jeudi soir du caucus de Projet Montréal, après que des allégations d’agression sexuelle contre lui eurent refait surface jeudi, à trois jours des élections. Il nie en bloc les faits qui lui sont reprochés. Plus tôt dans la journée, Denis Coderre avait tiré à boulets rouges sur Valérie Plante, l’accusant de « défendre un présumé agresseur ».

« Pour éviter de devenir une distraction dans cette campagne électorale qui doit d’abord porter sur les enjeux cruciaux de l’environnement, du logement et de la justice sociale, j’annonce mon intention de me retirer de mon propre gré du caucus de Projet Montréal et de siéger comme indépendant dès aujourd’hui », a écrit M. Sauvé sur sa page Facebook, en soirée jeudi.

Il y affirme que « cette élection est trop importante pour l’avenir de Montréal » et qu’il souhaite « plus que toute autre chose que Valérie Plante » exerce un deuxième mandat. « Malgré le fait que je réfute complètement cette allégation, j’ai toujours tenu à traiter celle-ci de manière collaborative et respectueuse. Cela s’est fait à travers de la médiation en 2018 et en offrant ma collaboration dans une enquête approfondie de la police, qui a fermé le dossier », assure aussi le conseiller du Sud-Ouest.

C’est un article de CBC, paru plus tôt jeudi, qui a révélé ces allégations, en titrant que la mairesse Plante « a faussement affirmé n’avoir aucune connaissance d’allégations d’agression sexuelle contre un élu ».

Les faits remonteraient à 2012, selon deux mises en demeure envoyées au parti en 2018, que La Presse a obtenues, dans lesquelles la victime alléguait qu’un élu l’avait agressée sexuellement. Un « processus de médiation » indépendant a eu lieu entre la victime et l’élu en question. Une enquête policière a aussi été ouverte, mais fermée en février dernier.

Dans une lettre de la directrice générale par intérim de Projet Montréal, Marie-Dominique Giguère, on apprend aussi que la victime avait « demandé de l’aide à une élue du parti pour éviter d’être en contact » avec Craig Sauvé. « Cette élue a par la suite transmis votre demande à la direction du parti. Après vérifications par un tiers indépendant, il a été déterminé que cette affaire était d’ordre privé et n’impliquait en rien notre organisation », y soutient Mme Giguère.

Coderre attaque Plante

La plaignante, qui préfère garder l’anonymat, a confirmé jeudi au quotidien Le Devoir qu’elle n’écartait pas des procédures judiciaires. Elle affirme que les gestes de l’élu ont « détruit une grande partie de sa vie », ayant eu de la difficulté à être en public durant plusieurs années, après les faits.

Craig Sauvé, lui, dit rester « ouvert à toutes démarches qui pourraient s’en suivre, si souhaitées ». « Il n’en reste pas moins que je suis également prêt, au besoin, à poursuivre les démarches légales nécessaires pour défendre mon honneur et ma réputation, lesquels ont été gravement attaqués », martèle-t-il toutefois.

Plus tôt jeudi, Denis Coderre avait reproché à la mairesse Plante son inaction, celle-ci n’ayant pas immédiatement exclu M. Sauvé. « Au lieu d’écouter la victime, Projet Montréal a choisi de défendre un présumé agresseur. Valérie Plante a nié qu’elle était au courant de l’affaire, alors que des preuves existent qu’elle savait. Elle a menti. Elle était au courant », a-t-il dit, en réclamant que Craig Sauvé retire sa candidature de conseiller municipal. Sa campagne a d’ailleurs estimé jeudi soir que le retrait du conseiller « n’est qu’un écran de fumée ». « Il reste candidat pour Projet Montréal et, s’il est élu, siégera assurément dans leur caucus », a-t-on déploré.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Denis Coderre

En juin 2020, lors d’une conférence de presse, Valérie Plante avait été interrogée pour savoir si des élus faisaient l’objet d’allégations sexuelles. « Honnêtement, comme cheffe de parti, rien n’est venu vers moi », avait alors assuré Mme Plante, en précisant qu’une vérification serait aussi faite pour tous les futurs candidats. « Je m’attends à des réponses. Les gens ont le droit de savoir », avait rétorqué Denis Coderre jeudi. Celle qui serait sa numéro deux s’il est porté au pouvoir, Nadine Gelly, a aussi déploré « en tant que femme » que Valérie Plante « manque d’empathie et de transparence ».

« J’ai agi correctement », rétorque la mairesse sortante

Appelée à réagir jeudi, la mairesse Plante a nié avoir tenté de dissimuler quoi que ce soit au sein de son parti. « Quand on m’a posé la question, le dossier était clos. Les forces policières avaient décidé que les allégations étaient non fondées, alors quand on m’a posé la question, j’ai répondu avec ouverture et transparence sur un dossier qui était clos », a-t-elle plaidé.

J’ai agi correctement. Le service de police a décidé que la plainte n’était pas recevable. Nous avons rencontré les deux parties, et après, il n’y a plus eu de nouvelles [de la personne ayant formulé la plainte].

Valérie Plante, mairesse sortante de Montréal

Mme Plante a expliqué qu’à un certain moment, « les deux avocats se parlaient, mais qu’un des avocats n’a plus répondu ». « Nous avons été proactifs en mettant en place un processus de médiation, pour lequel les deux parties étaient d’accord », a-t-elle encore dit.

Elle assure avoir été « transparente ». « Quand on a reçu un message au sujet d’allégations de harcèlement, nous avons agi rapidement. Et après, nous n’avons plus entendu parler du plaignant pendant deux ans. Je crois avoir fait la bonne chose. Mais la présomption d’innocence est aussi importante dans notre société. Quand on m’a demandé s’il y avait des dossiers en cours, j’ai répondu non, parce qu’il n’y en avait pas. »