La journée du 1er juillet a été synonyme de détresse pour plus d’une centaine de ménages montréalais, cette année encore. Incapables de se trouver un logement abordable sur le marché privé, beaucoup ont dû se tourner vers les services d’accompagnement ou l’hébergement d’urgence afin d’éviter de se retrouver à la rue.

À Montréal, 107 des 162 ménages accompagnés par la Ville se trouvaient toujours sans logement, selon des données obtenues par La Presse jeudi soir. Au Québec, au moins 450 ménages seraient dans la même situation. Et pour plusieurs comités logement, ces données ne sont que la pointe de l’iceberg.

La Ville de Montréal indique que 18 ménages ont été hébergés d’urgence, dans des ressources communautaires ou des services municipaux, parce qu’ils n’avaient aucun endroit où dormir. Neuf autres ménages auraient toutefois déjà été relogés.

Jusqu’ici, pas moins de 526 demandes d’aide de locataires ont été formulées à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM). L’an dernier, à pareille date, ce chiffre était de 502.

« Là où je suis, dans Ville-Marie, un trois et demie commence à 1200, 1300 $, selon mon expérience. Je ne peux tout simplement pas me permettre ça avec mon revenu », lance Asma Ali, jeune mère de famille qui cherche un logement depuis deux ans. Elle vit actuellement chez ses parents pour éviter d’être à la rue.

En 2019, Mme Ali s’était inscrite sur la liste d’attente de l’OMHM pour obtenir un appartement en HLM. « J’étais 343e à l’époque, et aujourd’hui, je ne suis que 187e. Il manque vraiment de logements sociaux pour accueillir des familles dans ma situation. Ça nous prendrait au minimum des subventions gouvernementales pour nous en sortir. Ça ferait une grosse différence », raconte-t-elle.

Psychologiquement, c’est très dur. Ça me stresse beaucoup depuis deux ans. Je n’ai pas le choix d’attendre avec mes deux enfants dans une chambre, avec un seul lit. Pour leur développement, ce n’est vraiment pas facile.

Asma Ali

Les deux garçons de la Montréalaise, âgés de 9 et de 3 ans, composent au quotidien avec le manque d’espace, dit Mme Ali. « Quand il y en a un qui est réveillé, l’autre ne peut pas dormir. Mon plus vieux a des difficultés à l’école parce qu’il manque de sommeil. Moi aussi, avec tout ça, je suis beaucoup plus anxieuse depuis un moment », soupire-t-elle.

Au nord de l’île de Montréal, à Saint-Jérôme, Jonathan Boutin venait d’obtenir un logement abordable, quand La Presse l’a contacté jeudi. Il avait passé près de deux mois dans la rue après avoir été expulsé du logement qu’il occupait. « Honnêtement, je n’avais jamais vraiment vécu ça, c’était tout nouveau pour moi. J’ai visité beaucoup d’amis, j’avais une tente et j’ai pu me débrouiller. Sinon, j’ai été capable de dormir dans mon véhicule dans certains parcs », se souvient-il non sans émotion.

« Le problème est vraiment présent, on ne parle pas juste de trois ou quatre personnes. À Saint-Jérôme, la Ville a même décidé de vider une église pour loger des gens dans le besoin, parce qu’il n’y a plus de logements. Quand j’ai su qu’on m’en avait trouvé un, j’étais vraiment ému, j’avais les yeux pleins d’eau. J’y suis depuis [mercredi] seulement », poursuit le père de famille, qui est aujourd’hui séparé de la mère de son enfant.

Les demandes d’aide s’accumulent

Tout au long de l’année, les employés du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) ont été « beaucoup plus sollicités » pour des cas d’éviction ou encore des hausses de loyer importantes, confirme son porte-parole Maxime Roy-Allard.

« C’est vraiment plus étalé dans le temps que sur une seule journée, comme c’était peut-être davantage le cas auparavant. Plus les loyers vont exploser, plus la liste des gens qui veulent du logement social va s’allonger. Il en faut plus que jamais », dit-il.

Le RCLALQ réclame un contrôle obligatoire des loyers pour « renverser le fardeau qui est sur le dos des locataires », ainsi qu’un registre public des prix de ces loyers à travers le temps, afin de prévenir les hausses abusives.

« La pénurie de logements, elle, s’étend, et bien au-delà de Montréal, confirme l’organisatrice communautaire du FRAPRU, Véronique Laflamme. Un peu partout au Québec, on voit clairement qu’il y a plus de ménages locataires qui se sont retrouvés sans bail, au 1er juillet, que l’an passé à pareille date. »

Même si le taux d’inoccupation a augmenté, il n’y a pas moins de problèmes. On ne peut pas refuser de parler d’une crise du logement en se basant strictement sur ce taux d’inoccupation. C’est beaucoup plus complexe.

Véronique Laflamme, organisatrice communautaire du FRAPRU

À Québec, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, dit suivre la situation « d’heure en heure ». « Si une personne a demandé de l’aide à son office, à sa municipalité ou à la Société d’habitation du Québec, c’est certain que ce soir, elle ne dormira pas à la rue. […] Notre gouvernement s’est vraiment assuré de rendre disponibles des fonds pour l’hébergement temporaire, l’entreposage et le transport des biens de celles et ceux dans le besoin », indique-t-elle.

« Nous travaillons à augmenter l’offre de logements dans toutes les régions du Québec, car il y a un resserrement du marché locatif abordable. Nous présenterons prochainement une formule 2.0 du programme AccèsLogis Québec pour le rendre plus efficace », assure aussi l’élue.

En chiffres

162

Nombre de ménages accompagnés par les services d’aide au logement de la Ville de Montréal en date du 1er juillet 2021. De ce nombre, 107 se trouveraient toujours sans logement.

18

Nombre de ménages hébergés d’urgence à Montréal, en date du 1er juillet 2021, dans des ressources communautaires ou des services municipaux.

526

Nombre de demandes d’aide de locataires formulées à l’Office municipal d’habitation de Montréal. L’an dernier, à pareille date, ce chiffre était de 502.

50 000

Tonnes de déchets et autres matières qui sont laissées en bordure de la rue, le jour du 1er juillet, en moyenne.

2,7 %

Taux d’inoccupation des logements locatifs à Montréal, selon les dernières données disponibles. Il était de 1,5 % l’an dernier, avant la pandémie.

100 000

Estimation sommaire de la Ville de Montréal du nombre de déménagements qui se seront produits dans la métropole, entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet.