Les nouveaux aménagements cyclables de l’administration Plante divisent les résidants et les commerçants de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, selon des données obtenues par La Presse. Pendant que le premier groupe appuie relativement le projet, le second émet de sérieuses réserves quant à ses répercussions sur la vitalité économique.

Dans une lettre envoyée vendredi à François William Croteau, maire de l’arrondissement, la présidente de la SDC Petite-Italie, Dorina Tucci, affirme que « 88 % des commerçants s’opposent à la perte des places de stationnement et près de 70 % [d’entre eux] appuient le statu quo » rue Saint-Zotique, où de nouvelles voies cyclables protégées ont vu le jour.

Sous les critiques, l’arrondissement a révisé une première fois le projet afin de sauvegarder les places de stationnement et les terrasses. Le hic : « seulement 19 % des commerçants appuient le projet révisé », déplore Mme Tucci. Ce sont les membres « directement touchés », soit ceux qui ont un établissement rue Saint-Zotique, qui ont été sondés.

La SDC affirme qu’elle « n’a d’autre choix que de réitérer sa demande maintes fois répétée », soit celle de décréter un moratoire d’au moins six mois. « La pandémie est un très mauvais moment pour imposer des changements aussi radicaux », martèle sa présidente.

L’enjeu majeur reste le manque de consultation auprès de toutes les parties, un comportement systémique de l’arrondissement, tout comme l’absence d’études justifiant le bien-fondé, l’utilité ou la nécessité du projet.

Dorina Tucci, présidente de la SDC Petite-Italie

Quelle acceptabilité sociale ?

Des données de l’arrondissement, rendues publiques par l’entremise d’un sondage Léger réalisé à la fin de juin auprès de 700 résidants, montrent toutefois qu’environ 65 % des citoyens sont « en accord » avec la création de nouvelles voies cyclables protégées rues Saint-Zotique et de Bellechasse. Quand on leur demande s’ils sont satisfaits du réaménagement du réseau cyclable, 52 % des résidants répondent par la positive, mais 28 % par la négative.

« L’acceptabilité sociale est claire, affirme François William Croteau. Ces aménagements, on les a annoncés en juin 2019, donc ce n’est pas un nouveau projet. Tout ça a été planifié depuis un moment déjà. »

Selon l’élu de Projet Montréal, une série de consultations ont été faites depuis 2014 sur des projets de pistes cyclables dans Rosemont, où la part modale du vélo atteint 21 %. « On a consulté les études de marché des SDC, des études sur la circulation ont été réalisées. C’est un travail de fond », avance-t-il en disant comprendre les craintes des commerçants.

Ce n’est pas une situation facile. L’achalandage de la clientèle n’est pas le même qu’avant le confinement. On entend leurs craintes […]. Je comprends que tout changement dans leur environnement peut les rendre nerveux.

François William Croteau, maire de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie

Beaucoup de nuances, dit l’opposition

Selon Francesco Miele, conseiller élu de l’opposition officielle, seul le sondage de la SDC devrait être considéré comme « crédible ». « C’est quand on parle aux personnes vraiment touchées, chaque jour, qu’on a un vrai portrait, affirme-t-il. Évidemment qu’un sondage payé par l’arrondissement ne reflète pas ces éléments-là. »

S’il reconnaît les efforts qui ont été faits pour apporter des changements avec les commerçants, M. Miele trouve « anormal » que la Ville en soit encore à faire des accommodements aussi importants que le stationnement. « On a l’impression qu’ils ne font que s’essayer et que, s’il y a de la grogne, ils mettent de l’eau dans leur vin. De toute évidence, ils ne considèrent pas la SDC », peste l’élu.

L’administration Plante gère l’opinion publique de façon idéologique pour une base militante et, surtout, elle refuse de faire face à la réalité.

Francesco Miele, conseiller de l’opposition

L’arrondissement, lui, rappelle qu’un lien cyclable existait déjà rue Saint-Zotique, mais qu’il était « très peu sécuritaire ». « C’était impératif pour nous de protéger ceux qui s’y déplaçaient déjà », conclut M. Croteau.