Un village gaulois à La Ronde, un restaurant où l’on chantait l’opéra, un projet de ligne rouge pour le métro de Montréal… Nouvellement rendues publiques, les volumineuses archives de l’ancien maire Jean Drapeau recèlent des trésors qui surprennent, 50 ans plus tard.

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La question de l’avenir des terrains qui avaient servi à Expo 67 préoccupait l’administration municipale sous Jean Drapeau. Et l’idée d’y construire un « Village Gaulois Astérix » a déjà été évoquée. 

« Village Gaulois Astérix »

La question de l’avenir des terrains qui avaient servi à Expo 67 préoccupait l’administration municipale sous Jean Drapeau. Une lettre en témoigne : reçue en janvier 1968, elle est signée de la main du célèbre éditeur parisien de bandes dessinées Georges Dargaud, qui envoie au maire Drapeau des projets de maquettes « Village Gaulois Astérix », une « réalisation de très grande classe » qui pourrait « s’intégrer dans la ronde de l’ancienne Exposition de Montréal ». M. Dargaud écrit envoyer cette soumission à la demande du maire Drapeau, qui a abordé la question avec lui lors d’un récent passage à Paris. Le projet de village gaulois n’a pas été réalisé. « On n’en sait malheureusement pas plus sur ce projet, mais je peux témoigner du fait qu’Astérix était extrêmement populaire à la fin des années 60 », dit Mario Robert, chef de la section des archives au service du greffe de la Ville de Montréal.

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Le restaurant était situé dans l’hôtel Windsor, au centre-ville de Montréal.

Le Vaisseau d’Or

Autres temps, autres mœurs : alors qu’il était toujours maire de la ville, Jean Drapeau a lancé en 1969 le restaurant Le Vaisseau d’Or. Situé dans l’hôtel Windsor, au centre-ville de Montréal, le restaurant, bien sûr nommé en l’honneur du poème d’Émilie Nelligan, cherchait à « réunir la poésie, la musique et la gastronomie en une expérience simultanée », selon le prospectus publié à l’époque. Le menu comprenait entre autres une marmite à l’oignon gratinée, de la quiche lorraine ou de la cocotte de poussin à la dodinette, que les clients commandaient en remplissant un feuillet et non en parlant à leur serveur, ce qui évitait de déranger le concert qui avait lieu pendant toute la durée du repas. Des chanteurs classiques, dont Yolande Dulude, Yoland Guérard et Napoléon Bisson, s’y sont produits.

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Mario Robert, chef de la section des archives au service du greffe de la Ville de Montréal

« Il gardait tout »

Les archives de la Ville de Montréal contiennent 4,6 kilomètres de documents, note Mario Robert. « Donc, si on fait une file avec les boîtes de documents qu’on a ici le long de la rue Sainte-Catherine, ça irait de Papineau jusqu’à Atwater. On couvre la période de 1796 à nos jours. » Les archives de Jean Drapeau comptent 700 boîtes de matériel et sont de loin les plus complètes de la collection liée aux anciens maires de Montréal, dit M. Robert. « Jean Drapeau était un homme méticuleux, un homme qui gardait tout, même les coupures de presse, les brouillons de ses discours ou encore les lettres des gens qui étaient en désaccord avec lui, et il prenait le temps de répondre à tout ce monde-là. C’est fascinant. Et il était connu à l’international : il a été reçu deux fois au Ed Sullivan Show. » Les archives de Jean Drapeau sont dévoilées actuellement, car la loi exige d’attendre 20 ans après le décès d’une personne avant qu’elles soient rendues publiques. Né le 18 février 1916, Jean Drapeau est mort le 12 août 1999, à l’âge de 83 ans. Il a été maire de Montréal de 1954 à 1957, puis de 1960 à 1986.

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Il a longtemps été question d’une ligne « rouge » pouvant être ajoutée au métro de Montréal, qui serait partie du centre-ville, serait passée dans le tunnel du mont Royal et aurait rejoint le nord-est de la ville.

Métro sous le mont Royal

Il a longtemps été question d’une ligne « rouge » pouvant être ajoutée au métro de Montréal, qui serait partie du centre-ville, serait passée dans le tunnel du mont Royal et aurait rejoint le nord-est de la ville. Dans les archives de Jean Drapeau, un document marqué du sceau « Confidentiel » indique que le CN, propriétaire du tunnel, avait donné son feu vert au projet et proposait différents sites pour la construction d’éventuelles stations. La ligne partait de la rue Notre-Dame, passait par l’Université McGill et l’Université de Montréal, avant d’aller rejoindre Mont-Royal, Ahuntsic et Papineau. Un trajet qui évoque quelque peu un hybride entre le projet de ligne rose, mis de l’avant par l’administration Plante, et le Réseau express métropolitain (REM), un réseau de transport automatisé actuellement en construction.

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Carte de vœux de bonne année écrite par Jean Drapeau et remise à ses parents, datée du 31 décembre 1928, alors qu’il était âgé de 12 ans. 

Carte d’enfant

Les archives comprennent aussi de nombreux documents personnels qui remontent à l’enfance de Jean Drapeau, comme une carte de vœux de bonne année remise à ses parents, datée du 31 décembre 1928, alors qu’il était âgé de 12 ans. Cette carte surprend en raison de la qualité de sa calligraphie, ainsi que de son ton précoce : « Bien chers parents, au seuil de l’année qui commence, il est un devoir bien doux pour un enfant, c’est celui de l’amour et de la reconnaissance pour ceux qui lui ont fait du bien. Vous ne doutez nullement de mon affection pour vous, bien chers parents, mais je suis tout heureux d’avoir aujourd’hui l’occasion de vous le prouver d’une manière sensible en formant les vœux les plus ardents et les plus sincères. Votre fils affectionné, Jean. » M. Drapeau a fréquenté l’école Le Plateau, avant d’aller plus tard faire des études en droit à l’Université de Montréal.