Des agriculteurs lavallois cultivent sans autorisation leurs cultures sur des terres appartenant à la Ville, relève la vérificatrice générale de Laval dans son plus récent rapport annuel.

L’équipe d’analystes s’est penchée sur l’état et l’utilisation de neuf terrains municipaux en zone agricole et conclut qu’il n’y a aucune surveillance quant à qui fait quoi sur les terres publiques. « Des activités agricoles étaient réalisées sur cinq des neuf sites sans qu’aucun bail de location n’ait été conclu entre la Ville et l’exploitant », peut-on lire dans le rapport qui consacre un chapitre entier à la gestion du territoire agricole.

Le constat n’a pas surpris le commissaire agroalimentaire à la Ville de Laval, Stéphane Lalande, qui soutient que ce n’est pas une mince tâche que de suivre à la trace l’utilisation des terres. Il affirme qu’il s’agit de « rangs de culture », sans pouvoir préciser si ce sont des poivrons, des concombres ou des laitues qui y poussent.

« Souvent, il n’y a pas d’accès à ces sites. […] Il est difficile pour les professionnels de la Ville de vérifier à l’intérieur des terres, à 2 km du chemin, s’il y a de l’exploitation ou non. Mais en effet, on peut se doter d’outils géomatiques pour voir ça. » — Stéphane Lalande, commissaire agroalimentaire à la Ville de Laval

Du côté du Bureau des transactions immobilières de Laval, on se borne à dire qu’un inventaire des terres occupées sans droit sera fait « au cours des prochaines années pour identifier ces situations et définir un plan d’action ».

Reconstruire le casse-tête

Laval détient 1071 terrains en zone agricole. Les deux tiers de ces terrains ont une superficie inférieure à 1000 mètres carrés (un peu plus de 10 000 pieds carrés). Il s’agit principalement de terrains issus d’un lotissement de terres cultivables effectué avant l’adoption de la Loi de protection du territoire agricole en 1978 ; ils étaient destinés à des projets résidentiels ou à la spéculation, affirme M. Lalande.

Ils font maintenant partie de ce que l’on classe comme des sites de remembrement, c’est-à-dire des lots que la Ville veut assembler afin de reconstituer de grands champs à cultiver. Ces terrains sont majoritairement concentrés dans l’est de l’île, dans le secteur Saint-François.

« On veut refaire le casse-tête pour le vendre ou le louer à un exploitant agricole », explique M. Lalande. Une stratégie de remembrement sera présentée au cours des prochains mois, prévoit-il.

Dans l’immédiat, il y a au moins 300 des 782 hectares en sites de remembrement qui sont cultivés avec ou sans autorisation, estime Stéphane Lalande. Le véritable défi concerne davantage les terres laissées en friche qui pourraient même redevenir des forêts. « Ce sont des terres appartenant à des propriétaires non exploitants qui laissent aller leurs terres pour lesquelles ils ne signent pas de bail et qui ne les exploitent pas. Notre objectif est là », indique M. Lalande.

En 2016, l’administration du maire Marc Demers a adopté un plan quinquennal de développement de la zone agricole, qui représente 29 % de l’île Jésus. L’un des objectifs de l’administration était d’augmenter de 10 % les superficies de terres cultivées. Or, il n’y a toujours pas de cadre réglementaire, Laval accuse un retard sur d’autres régions pour soutenir la relève, les travaux d’infrastructures se font attendre et la mobilisation des différents services municipaux est ardue, constate la vérificatrice générale Véronique Boily. « Il y a peu d’avancement », précise-t-elle à La Presse.

Des lacunes dans la gestion des grands projets

Par ailleurs, le rapport signé par Mme Boily s’intéresse à d’autres secteurs d’activités municipales, notamment la gestion des grands projets d’infrastructures. Des lacunes ont été détectées.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Boily, vérificatrice générale de Laval

Ainsi, la gestion des grands projets ne respecte pas totalement les exigences d’efficacité et de bonne gouvernance, souligne-t-on. L’ensemble des coûts des projets n’est pas toujours connu (déconstruction, achat de terrains et frais d’exploitation, par exemple), et les analyses qui devraient être réalisées en amont des projets afin de bien cibler les besoins de la municipalité sont incomplètes.

En outre, les analyses de risques ne sont pas « standard », il y a peu de suivi et peu de mesures de mitigation, peut-on lire dans le rapport. « Quatre des cinq projets analysés ne présentaient pas d’analyse d’options (statu quo, nouvelle construction, amélioration ou location d’un site) », souligne-t-on.

La vérificatrice générale recommande que le cadre mis en place en 2015 pour gérer les projets d’envergure comme le Complexe aquatique ou le Centre d’interprétation des biosciences Armand-Frappier soit revu. Il « n’est pas totalement respecté » et des documents requis « ne sont pas produits et ne sont pas approuvés par les instances concernées », écrit Mme Boily.

Pour le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Michel Trottier, la situation décrite par la vérificatrice générale est « inacceptable ». Selon lui, il s’agit de « l’héritage de l’ancien directeur général Serge Lamontagne ». Ce dernier est maintenant directeur général à la Ville de Montréal.

« Ce qui est analysé explique les dérapages du Complexe aquatique et du Centre animalier, deux projets qui sont suspendus. Si ça se produisait dans le secteur privé, il y aurait des congédiements », souligne M. Trottier, qui rappelle que le Bureau des grands projets compte une équipe de 15 personnes et coûte annuellement 2,5 millions.

Du côté de l’administration Demers, ce rapport confirme la nécessité d’apporter des changements qui s’inscriront dans la restructuration des services municipaux entamée l’automne dernier. « On ne le prend pas comme un blâme, mais plutôt comme l’occasion d’apporter des améliorations », indique le vice-président du comité exécutif, Stéphane Boyer.

Ce dernier précise également que des lacunes avaient déjà été relevées. Le Bureau des grands projets sera appelé à se concentrer seulement sur les plus gros projets. « On va faire en sorte de suivre moins de projets, mais les suivre mieux », précise M. Boyer. La liste des projets retenus n’est pas encore dressée.