(Paris) C’est un îlot de verdure en plein quartier populaire, avec une mission sociale et surtout éducative. À Romainville, en périphérie de Paris, une nouvelle « cité maraîchère » produit fruits et légumes dans une serre verticale, en offrant la chance aux jeunes et aux résidants de s’initier à l’agriculture urbaine. D’abord redouté par les élus locaux, le modèle mis en place montre aujourd’hui des résultats inspirants.

« Ç’a toujours été clair dès le départ que ce serait un lieu avant tout éducatif, dans un quartier populaire, avec un souhait de tarification intéressante et avantageuse pour les habitants », lance la directrice générale de la Cité maraîchère de Romainville, Yuna Conan, alors que nous visitons ses locaux.

Le projet, né du souhait de l’ancienne administration municipale, est finalement sorti de terre en février 2021. Comptant six étages et un sous-sol, le bâtiment abrite une série de cultures de légumes à la verticale. Autrement dit, chaque étage communique pour laisser entrer le maximum de lumière.

Tous les jours, on y cultive des champignons, des tomates, des aubergines, des poivrons, différents types de laitues, ainsi que des épinards ou du mesclun.

  • La Cité maraîchère de Romainville, en périphérie de Paris, est portée par sa mission sociale et éducative.

    PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

    La Cité maraîchère de Romainville, en périphérie de Paris, est portée par sa mission sociale et éducative.

  • Une surface de 700 m2 est consacrée à l’exploitation agricole.

    PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

    Une surface de 700 m2 est consacrée à l’exploitation agricole.

  • La disposition de la serre permet à un maximum de lumière d’entrer.

    PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

    La disposition de la serre permet à un maximum de lumière d’entrer.

  • Au sous-sol du bâtiment, 130 m2 sont alloués aux différentes cultures de champignons et d’endives.

    PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

    Au sous-sol du bâtiment, 130 m2 sont alloués aux différentes cultures de champignons et d’endives.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Outre l’agriculture, l’entrée donne sur des espaces pédagogiques, qui reçoivent quotidiennement des classes d’élèves. Ces dernières reçoivent une formation sur la cuisine, l’alimentation et les bienfaits de l’agriculture urbaine. Tout près, on trouve un restaurant, où des chefs utilisent le fruit des récoltes.

PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

L’extérieur du bâtiment de la Cité maraîchère de Romainville

Une marche à la fois

Pour en arriver là, toutefois, le chemin a été long et parsemé d’obstacles, les discussions s’étant d’abord entamées au tournant des années 2010, dans le cadre d’un vaste chantier de renouvellement urbain.

« Au début, on était un équipement municipal pas super bien assumé. Les élus ne voyaient pas trop le potentiel », se remémore Mme Conan. « Puis, tranquillement, ça a évolué et ils se sont rendu compte des bienfaits. »

On a alors beaucoup travaillé sur le modèle économique du projet. Aujourd’hui, on est devenus une direction d’agriculture urbaine à l’échelle de la ville.

Yuna Conan, directrice générale de la Cité maraîchère de Romainville

Son groupe mène en effet plusieurs autres projets en parallèle, dont un verger jumelé à une bande potagère et un espace de transformation alimentaire à Gagarine, tout près de Romainville. Un projet de « microferme pédagogique » est aussi en développement dans le secteur de Pantin, banlieue un peu plus éloignée de Paris.

À l’échelle de la ville, la Cité maraîchère de Romainville a aussi mis en place depuis peu le Festival des transitions gourmandes, dont la première édition s’est tenue en septembre dernier, avec pour objectif de mettre en vitrine la gastronomie locale.

Un marché est aussi organisé tous les mercredis ; des dizaines de personnes peuvent alors se procurer les récoltes de la semaine. « On a énormément gagné en efficacité. Maintenant, on roule vraiment notre bosse. L’année dernière déjà, on a fait les meilleurs scores en matière de rendement », affirme le chef de culture, Étienne Sahy, en entrevue.

PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

Yuna Conan et Étienne Sahy

« C’est plus facile maintenant, on le sent. Au début, il y avait toute une mise en place à opérer, qui venait avec des ajustements, des trucs qui n’étaient pas au point. Là, on est ailleurs, on est lancés », ajoute M. Sahy.

Bon an, mal an, ses équipes servent aussi une quinzaine de clients professionnels, en grande partie des restaurants et comptoirs d’alimentation, mais aussi une cantine scolaire. Une vente de plants est aussi organisée trois fois par année. Tout cela, avec seulement 20 employés.

Vers plus d’embourgeoisement ?

En juin prochain, le secteur de Romainville risque de s’embourgeoiser à la vitesse grand V, avec le prolongement de la ligne de métro 11 qui permettra à de nouveaux résidants de s’y installer. Une perspective qui démontre encore davantage la nécessité d’entretenir des lieux comme la Cité maraîchère, affirme Yuna Conan.

PHOTO HENRI OUELLETTE-VÉZINA, LA PRESSE

« On ne veut vraiment pas être un lieu pour les bobos. N’empêche, il y aura des enjeux pour faire cohabiter les nouveaux résidants qui arriveront ici avec leurs moyens dans un quartier populaire », estime-t-elle.

À ses yeux, des projets comme celui de son équipe peuvent contribuer à unir un quartier.

C’est un lieu d’éducation populaire, de formation, où on remet en perspective ce qu’est la nature en ville, le zéro déchet, les métiers de la transition. C’est crucial pour une société.

Yuna Conan, directrice générale de la Cité maraîchère de Romainville

Comme à Montréal, les listes d’attente pour des jardins communautaires sont « très grandes » à Paris. « Développer des projets comme le nôtre à l’échelle d’un département, dans ce contexte-là, ça peut énormément aider à ce que les gens se réapproprient leur espace », conclut la gestionnaire.

Dès l’an prochain, elle embauchera d’ailleurs un employé qui sera entre autres chargé de travailler davantage sur le système de gouvernance, afin de trouver de nouvelles occasions de développement. Et qui sait, peut-être qu’un jour, les cités maraîchères pousseront un peu partout en région parisienne.