Alors qu’il est possible de remplir ses contenants de savon à lessive et ses pots d’épices dans de nombreux commerces offrant l’achat en vrac, une majorité de pharmacies refusent à leurs clients la réutilisation de leurs fioles de médicaments.

Pourquoi ? C’est la question que se pose Louise Lavallée, lectrice de La Presse. « J’ai déjà demandé à ma pharmacie [de réutiliser mes flacons de pilules], mais on m’a dit que ce ne serait pas possible. Que de plastique gaspillé ! »

La pharmacie de Mme Lavallée n’est pas un cas d’exception. Selon un coup de sonde non scientifique réalisé par La Presse et dont les résultats sont confirmés par plusieurs intervenants du milieu, une grande majorité de pharmacies n’acceptent pas de réutiliser les fioles de médicaments. La pratique, qui avait gagné de nombreux adeptes avant la pandémie, a été freinée par les règles d’hygiène strictes qui ont dû être mises en place pour freiner la propagation de la COVID-19. Depuis, beaucoup de pharmacies qui acceptaient de reprendre les fioles de manière informelle ont abandonné l’idée.

Mais les enjeux vont bien au-delà de simples questions d’hygiène. Des raisons de sécurité – les fioles, à l’épreuve des enfants, sont homologuées pour un certain nombre d’ouvertures et de fermetures –, et de logistique – plusieurs pharmacies demandent à leurs clients de les contacter à l’avance pour faire préparer leurs médicaments – sont notamment évoquées, de même que la présence de robots dans les laboratoires !

Logistique complexe

Dans ses standards de pratique, l’Ordre des pharmaciens du Québec indique qu’un pharmacien doit s’assurer de la qualité et de la sécurité des soins prodigués à ses patients. Il recommande également que l’étiquette soit posée sur le flacon plutôt qu’à l’intérieur afin d’assurer une identification permanente de son contenu, tout en étant plus hygiénique. Or, cela peut compliquer la logistique lors de la réutilisation des fioles.

« Selon ce standard de pratique, il se peut que certaines pharmacies soient incapables de garantir la propreté des flacons et ne puissent pas offrir ce service », explique Marilie Beaulieu-Gravel, porte-parole de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

Si certaines sont en mesure de le faire, c’est qu’elles se sont dotées de politiques et de procédures leur permettant de garantir la sécurité du service. C’est notamment le cas des deux pharmacies de Jean-Maurice Weibel, situées à Montréal et affiliées à Familiprix. Après avoir suivi le programme d’accompagnement élaboré par Maillon vert pour aider les pharmacies à réduire leur empreinte carbone, Jean-Maurice Weibel a introduit plusieurs pratiques écoresponsables dans ses deux succursales montréalaises, notamment la réduction de la consommation énergétique, l’introduction du vrac pour les produits ménagers et la réutilisation de fioles. Pour respecter les critères de sécurité, le décompte du nombre de remplissages était indiqué sous le pot par un technicien jusqu’à ce que l’établissement choisisse des flacons étant homologués pour un nombre grandement supérieur d’utilisations.

Lors de la mise en place de cette mesure en 2018, Jean-Maurice Weibel estimait à 55 000 le nombre de flacons écoulés annuellement dans ses pharmacies.

On avait mis beaucoup d’accent là-dessus et nos clients ont participé en grand nombre. Chaque jour, des gens nous apportaient leurs fioles vides, puis pendant la pandémie, on a dû arrêter de les reprendre. C’est dommage.

Jean-Maurice Weibel, pharmacien

Il y a environ un an, à la demande de patients, il a réintroduit la mesure. Mais de nouveaux venus avaient changé la donne. Comme plusieurs pharmaciens, M. Weibel s’est doté de robots pour accélérer la préparation des médicaments. « Dans une des succursales, c’est pas mal plus ardu maintenant de pouvoir récupérer les fioles, à cause du robot qui les étiquette », expose-t-il. Il demande donc aux clients qui souhaitent que leurs flacons soient réutilisés de repasser les chercher le lendemain.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Bras robotisé qui remplit les fioles, dans la pharmacie de M. Weibel

Précisons que les pharmacies ne peuvent reprendre les fioles que pour un même client et seulement pour les médicaments qui ne sont pas considérés comme étant cytotoxiques (médicaments souvent utilisés pour détruire les cellules cancéreuses), ce qui représenterait un risque pour le personnel.

Bref, pour mettre en place un tel protocole, « il y a réellement des efforts supplémentaires à intégrer », observe le pharmacien Marc-André Mailhot, fondateur de Maillon vert, qui a accompagné plus de 120 pharmacies dans l’adoption de pratiques écoresponsables. « Ce n’est pas aussi simple que de réutiliser un sac à l’épicerie. »

Notre message aux patients, c’est : faites-en la demande, dit-il. Sensibilisez les pharmaciens.

Marc-André Mailhot, pharmacien et fondateur de Maillon vert

Bien que plusieurs millions de fioles de médicaments, pour la plupart recyclables, soient utilisées chaque année au Québec, Marc-André Mailhot relativise la quantité de plastique qu’elles représentent par rapport à d’autres produits. En réduire l’utilisation fait néanmoins partie de la vingtaine d’actions proposées par Maillon vert aux pharmacies qui souhaitent prendre le chemin de l’écoresponsabilité.

Les fioles vertes

Après avoir été lui aussi freiné par la pandémie, le mouvement Fiole verte lancé en 2019 par la pharmacienne Sarah Fizazi poursuit son déploiement. À ce jour, une trentaine de pharmacies au Québec proposent à leur clientèle de se procurer des fioles en verre qui peuvent être réutilisées après avoir été rigoureusement nettoyées.

Pistes de solution

Le chiffre de la semaine

23 000 kg

PHOTO GETTY IMAGES

Les piles ne peuvent être mises à la poubelle ou au recyclage. Elles doivent être déposées dans un point de collecte.

C’est le poids des piles et batteries récupérées dans 195 écoles québécoises du 16 août 2023 au 12 avril 2024, soit l’équivalent de deux autobus scolaires. Cette collecte a eu lieu dans le cadre d’un concours organisé par ENvironnement JEUnesse et Appel à Recycler. Rappelons que les piles ne peuvent être mises à la poubelle ou au recyclage. Elles doivent être déposées dans un point de collecte.

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Feu vert

La Palme d’or du tournage écolo

PHOTO LOÏC VENANCE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les réalisateurs français Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu, au Festival de Cannes

Lors du Festival de Cannes, l’organisme Ecoprod a récompensé les films produits de la manière la plus écoresponsable possible. Le prix Ecoprod a été remis ex æquo au Roman de Jim, réalisé par Arnaud et Jean-Marie Larrieu, et à Maria de Jessica Palud. Niki de Céline Sallette a reçu le Prix spécial du jury. Selon Ecoprod, l’empreinte carbone moyenne d’un long métrage est de 188,7 tonnes éq. CO2, soit l’équivalent d’une centaine d’allers-retours en avion entre Paris et New York.

Consultez la page des lauréats Ecoprod

Matière à réflexion

PHOTO RYAN LASH, FOURNIE PAR TED

Ayana Elizabeth Johnson en 2019

« Je vois ce qui se prépare. Mais je vois aussi tout l’éventail des futurs possibles. J’ai l’impression qu’il y a tellement de choses que nous pourrions créer, et la question qui me motive actuellement est : et si nous réussissions ? » Dans une entrevue accordée au New York Times, la biologiste marine Ayana Elizabeth Johnson se range du côté de l’espoir et de l’optimisme prudent. À lire ou écouter (en anglais), sur le site du NYT.

Lisez ou écoutez l’entrevue avec la biologiste marine Ayana Elizabeth Johnson (en anglais ; abonnement requis)