Les émissions de gaz à effet de serre de l’île de Montréal sont demeurées sous le niveau prépandémique, en 2022, montre le plus récent inventaire de la métropole, mais la tendance actuelle ne permettra pas d’atteindre la cible de carboneutralité d’ici 2050, reconnaît l’administration Plante, qui prépare une mise à jour de son Plan climat.

Ce qu’il faut savoir

Les émissions de gaz à effet de serre de l’île de Montréal ont rebondi en 2022, mais demeurent inférieures au niveau d’avant la pandémie de COVID-19.

Les bâtiments et le transport routier sont les principales sources d’émissions.

La métropole n’est pas encore sur une trajectoire de carboneutralité pour 2050.

La « collectivité montréalaise » a généré 11,2 millions de tonnes (Mt) de gaz à effet de serre (GES) en 2022, une hausse par rapport aux années pandémiques de 2020 et 2021, mais une baisse de 9 % par rapport à 2019.

Les émissions de Montréal retrouvent ainsi leur niveau de 2015, alors qu’elles avaient été de 11,3 Mt, et sont inférieures de 26 % à celui de 1990, année de référence pour sa cible de réduction de 55 % d’ici 2030.

« On voit que ce n’est pas gagné d’avance », a déclaré à La Presse la responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal, Marie-Andrée Mauger, voyant dans ces résultats la nécessité d’« intensifier les actions ».

Les émissions de GES de l’île de Montréal suivent une tendance semblable à celles du Canada, dont l’inventaire de 2022 a été publié jeudi1.

Bâtiments et transport

Deux secteurs sont responsables à eux seuls de la quasi-totalité des émissions montréalaises : les « sources fixes », que sont essentiellement les bâtiments, à 47 % du total, ainsi que le transport, à 42,7 %.

La reprise des déplacements routiers après la pandémie de COVID-19 pèse d’ailleurs lourd dans le bilan montréalais, les émissions de ce sous-secteur ayant augmenté de 15 % (438 000 tonnes) de 2021 à 2022, tandis que celles du sous-secteur du transport aérien ont augmenté de 35 % (204 000 tonnes) pour la même période.

Les résultats laissent néanmoins voir « une stabilisation des émissions [du transport routier], ce qui est beaucoup mieux que ce qui se passe ailleurs », observe le directeur du Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal, Sidney Ribaux.

« On voudrait arriver à une pente qui descend », ajoute-t-il toutefois, estimant qu’il est encore trop tôt pour dire si cela s’observera dans l’inventaire des émissions 2023.

Ce bilan « montre que la décarbonation des transports est difficile », juge Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques d’Équiterre, estimant que la Ville de Montréal ne peut agir seule et que les autres ordres de gouvernement doivent en faire plus en la matière.

« Le transport collectif, ce n’est pas une dépense. C’est un service essentiel, a ajouté Mme Brazeau. Ce n’est pas normal que les projets structurants de transport en commun mettent des décennies à se développer. »

Plan insuffisant

Les mesures prévues dans le Plan climat 2020-2030 de Montréal sont insuffisantes pour atteindre la carboneutralité en 2050, montre une modélisation effectuée par la Ville, que La Presse a obtenue.

Elles permettraient de réduire les émissions à 4,1 Mt au milieu du siècle, alors que l’objectif net est de zéro ; la cible intermédiaire de 2030, qui est de 55 % sous le niveau de 1990, s’annonce aussi hors de portée.

« C’est clair qu’on va manquer la cible et cette cible n’est même pas assez ambitieuse, elle n’a rien à voir avec ce que la science dit », déplore le responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, rappelant que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prône pour 2030 une réduction des émissions mondiales de 50 % par rapport à leur niveau actuel2.

La mise en place d’un système de « bonus-malus » pour décourager l’utilisation de véhicules énergivores et le renforcement des mesures de décarbonation des bâtiments et des industries lourdes est à privilégier, affirme M. Bonin, qui souligne au passage que la modélisation des mesures montre « une volonté de rigueur et de transparence » de l’administration Plante.

Mise à jour

La mise à jour prévue en 2025 du Plan climat 2020-2030 de Montréal doit justement servir à « fermer cet écart-là », affirme Sidney Ribaux, en déterminant quelles mesures peuvent être devancées ou bonifiées.

Mais la tâche s’annonce ardue, prévient-il, ajoutant que la Ville n’a un pouvoir d’influence que sur environ la moitié des émissions.

À Montréal, ce qu’il nous reste à réduire, c’est ce qui est difficile. À l’échelle canadienne, il y a le secteur pétrolier qui a un énorme potentiel de réduction, et qui représente 30 % du bilan, mais on n’a pas ça.

Sidney Ribaux, directeur du Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal

Même si elles ne suffiront pas à elles seules, les 46 actions du Plan climat sont toutes en cours de réalisation et portent déjà leurs fruits, souligne Marie-Andrée Mauger. « Il y a quand même de bonnes nouvelles. »

Plus de 180 000 des 500 000 arbres à planter d’ici 2030 ont déjà été plantés et la superficie des aires protégées atteint 7,6 %, s’approchant de la cible de 10 %, illustre-t-elle.

Mais la part de l’auto solo dans les transports n’a diminué que de 0,6 %, alors que la cible pour 2030 est de 25 %, et la proportion de véhicules électriques immatriculés n’est que de 4,2 %, loin de l’objectif est de 47 %.

1. Lisez « Gaz à effet de serre : baisse des émissions du Canada en 2022 » 2. Lisez « Nouveau rapport du GIEC : trois ans pour agir »
En savoir plus
  • 4 387 000 tonnes
    Baisse des émissions nécessaire d’ici 2030 à Montréal pour atteindre la cible de réduction de 55 % sous le niveau de 1990, soit 39,2 % des émissions de 2022
    Source : Ville de Montréal
    15 094 000 tonnes
    Émissions de gaz à effet de serre de l’île de Montréal en 1990
    Source : Ville de Montréal