Aux États-Unis, les populations habitant l’est du pays bénéficient d’un service de climatisation gratuit, qui permet de réduire les températures de 2 à 5 degrés Celsius pendant l’été. Une technologie révolutionnaire ? Plutôt des arbres, répondent des chercheurs dans une étude publiée dans la revue Earth’s Future1.

Si l’est des États-Unis ressent un peu moins les effets de la chaleur durant les canicules, c’est grâce aux arbres plantés en grand nombre au cours du siècle dernier, concluent des scientifiques américains et chinois dans une nouvelle étude confirmant l’importance de la canopée pour capter du carbone, mais aussi pour atténuer les effets du réchauffement planétaire.

« Un siècle de reboisement dans l’est des États-Unis a eu un effet refroidissant qui contribue à expliquer l’absence de réchauffement régional au cours du XXe siècle, ce qui contraste avec les tendances au réchauffement dans le reste de l’Amérique du Nord au cours de la même période », écrivent les chercheurs dirigés par Mallory Barnes, professeure à l’Université de l’Indiana et spécialiste en analyse des données écologiques.

IMAGE TIRÉE DE L’ÉTUDE A CENTURY OF REFORESTATION REDUCED ANTHROPOGENIC WARMING IN THE EASTERN UNITED STATES

Tendance dans les changements de température de surface aux États-Unis entre 1900 et 2010

Grâce à des données météorologiques et à des relevés satellites pris entre 1900 et 2000, les chercheurs ont pu démontrer que les forêts de l’est des États-Unis permettent de refroidir la température au sol de 1 à 2 °C par an par rapport aux prairies et aux terres cultivées avoisinantes. En été, en milieu d’après-midi, l’effet refroidissant est même de l’ordre de 2 à 5 °C.

Impacts sur la température de surface

Rappelons que le paysage des États-Unis s’est lentement transformé dès le XVIIe siècle : la déforestation du territoire s’est accélérée à partir de 1850, au gré de la révolution industrielle et du développement de l’agriculture. Une tendance qui a cependant été renversée dans l’est des États-Unis, à partir des années 1920, grâce à un programme de reboisement intensif, notent les chercheurs.

Ces efforts ont notamment permis de regagner 15 millions d’hectares de couvert forestier dans l’Est américain, soit une superficie équivalente à près de 17 000 fois celle du parc du Mont-Saint-Bruno.

IMAGE TIRÉE DE L’ÉTUDE FOUR-CENTURY HISTORY OF LAND TRANSFORMATION BY HUMANS IN THE UNITED STATES (1630–2020)

Cette image tirée d’une étude publiée en 2023 dans la revue Earth System Science Data montre l’impact de la déforestation et du reboisement dans l’est des États-Unis entre 1630 et 2020.

Fait à noter, l’étude montre que les forêts plus jeunes ont généralement un effet plus significatif sur les températures au sol.

Nos résultats soulignent le rôle important des arbres dans l’adaptation au climat, en particulier leur capacité à modérer les températures et à renforcer la résilience face aux chaleurs extrêmes.

Mallory Barnes, professeure à l’Université de l’Indiana, dans un échange de courriels avec La Presse

Selon Évelyne Thiffault, professeure au département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval, cette étude montre l’importance de ne pas considérer les arbres seulement comme des puits de carbone, mais aussi pour « leurs impacts biophysiques sur la température de surface ».

« L’effet des arbres sur les îlots de chaleur urbaine, c’est bien documenté. Il y a beaucoup d’études, précise-t-elle. Mais une démonstration à l’échelle régionale comme celle-là, je n’avais pas vu ça encore. Ça va peut-être venir influencer le discours ou les politiques publiques pour ne pas tenir seulement compte de l’effet carbone, mais aussi des autres services écologiques que les forêts peuvent apporter. »

Meilleur potentiel en zones urbaines

Un espoir partagé par Mallory Barnes, qui ne croit pas cependant qu’une telle solution soit applicable partout sans distinction.

Les résultats climatiques de la reforestation dépendent fortement de la situation géographique.

Mallory Barnes, professeure à l’Université de l’Indiana

Selon Mme Barnes, la plantation et l’entretien des arbres dans les zones urbaines et périurbaines offrent le meilleur potentiel pour atténuer les chaleurs extrêmes. « Je pense que nous avons besoin d’une vision plus holistique dans la prise de décisions et l’élaboration des politiques, où les avantages combinés des arbres en matière d’atténuation et d’adaptation sont pleinement reconnus et exploités », affirme la chercheuse américaine.

Un rapport du World Resources Institute (WRI) publié en 2022 plaidait d’ailleurs pour une nouvelle approche des décideurs quant au potentiel des forêts pour stabiliser le climat2. « Lorsque les responsables des politiques climatiques pensent aux forêts, ils envisagent généralement les puits ou les sources de carbone. Les forêts libèrent du carbone lorsqu’elles sont défrichées, brûlées ou dégradées, et en absorbent au fur et à mesure de leur croissance. Mais un nouveau rapport du WMI montre que les décideurs politiques doivent tenir compte des preuves évidentes que les forêts sont encore plus importantes pour le climat qu’on ne le pensait auparavant », écrivaient Frances Seymour, Michael Wolosin et Erin Gray, auteurs du rapport.

Concrètement, il faut d’abord préserver les forêts existantes, croit Mallory Barnes. « Il faut également s’assurer que les nouvelles plantations soient écologiquement et d’un point de vue climatique appropriées, précise-t-elle. Une approche stratégique de la plantation d’arbres devrait consister à déterminer les zones où le reboisement peut apporter un maximum d’avantages en termes de refroidissement, en tenant compte des conditions écologiques locales et des effets nets sur le climat, afin de garantir que les efforts contribuent positivement aux objectifs d’adaptation au climat. »

1. Consultez l’étude publiée dans Earth’s Future (en anglais) 2. Consultez le rapport du World Resources Institute (en anglais)