Une vingtaine de chercheurs québécois proposent de tirer des leçons de l’année 2023, pendant laquelle les incendies de forêt ont brûlé des superficies record au Québec. Une nouvelle étude qui met de l’avant six recommandations pour améliorer la gestion des risques dans la Belle Province.

Des incendies record en 2023

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Un hélicoptère bombardier d’eau s’apprêtant à s’envoler pour tenter de contenir un incendie, dans le nord du Québec

En 2023, les incendies de forêt ont finalement brûlé une superficie record de 4,5 millions d’hectares au Québec, soit près du double du record précédent établi en 1989 avec 2,3 millions d’hectares brûlés. Entre les mois de mai et d’août, la province a d’ailleurs connu sa période la plus chaude depuis 1950, jumelée à un déficit important de précipitations, particulièrement dans le nord de la province. Un rapport du réseau World Weather Attribution a d’ailleurs conclu en août dernier que les changements climatiques avaient doublé le risque que les conditions météorologiques favorisent de tels incendies. Des changements climatiques qui ont aussi rendu la sévérité de la saison des incendies 2023 50 % plus intense.

Revoir la gestion des risques

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Les flammes ont fait des ravages un peu partout au Canada, comme ici, dans la réserve crie de Sturgeon Lake.

Dans une nouvelle étude qui n’a pas encore été révisée par des pairs, une vingtaine de chercheurs appellent « à une approche globale et unifiée de la gestion des risques qui intègre les leçons tirées de la saison des incendies de 2023 et tient compte du changement climatique en cours ». « La saison des feux a été exceptionnelle, pas seulement au Québec, mais aussi ailleurs au Canada », souligne Yan Boulanger, chercheur en écologie forestière à Ressources naturelles Canada et coauteur de l’étude. « Les impacts ailleurs au Canada ne sont pas nécessairement les mêmes qu’au Québec et les solutions ne sont pas les mêmes », ajoute-t-il, tout en soulignant que ces évènements seront plus fréquents à l’avenir.

Prévoir une réserve de précaution

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Arbres calcinés dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, près de Senneterre et de Lebel-sur-Quévillon

La première recommandation risque d’être la plus compliquée à mettre en place, mais c’est aussi celle qui peut s’avérer la plus profitable à long terme, fait remarquer Yan Boulanger. Il s’agit de tenir compte des risques d’incendie au moment de calculer les possibilités forestières pour l’industrie, et non a posteriori, comme c’est le cas actuellement. Concrètement, cela signifie que le Forestier en chef doit prévoir une « réserve de précaution », ce qui se traduit par des droits de coupe moins importants chaque année. Actuellement, un tel calcul est révisé seulement a posteriori, sauf de rares exceptions.

Mettre 20 % de côté pour faire face aux imprévus

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Des travailleurs forestiers de l’Abitibi ont procédé l’été dernier à la coupe de bois brûlé par un immense incendie de forêt.

La réserve de précaution, c’est un peu l’équivalent de mettre de l’argent de côté pour faire face aux imprévus. Mais combien doit-on épargner chaque année pour faire face aux effets des changements climatiques ? L’étude suggère qu’une réserve de précaution de 20 % mise en place il y a 20 ans pour le nord-ouest du Québec aurait permis d’éviter une réduction des coupes forestières après les incendies de l’été 2023. Une telle stratégie permettrait également de récolter davantage de bois à moyen et long terme, soulignent les chercheurs. « Ça amènerait plus de prévisibilité pour l’industrie et pour les communautés à long terme », lance Yan Boulanger, qui reconnaît cependant qu’il faut aussi convaincre l’industrie et le gouvernement des avantages d’une telle approche.

Rendre la forêt plus résiliente

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Un barrage routier a été érigé près de Sept-Îles après qu’un incendie s’est approché de la ville nord-côtière, l’été dernier.

Les cinq autres recommandations visent à rendre la forêt plus résiliente face aux conséquences des changements climatiques, en plantant notamment plus de pins gris, qui se reproduisent plus rapidement et plus facilement que l’épinette noire, par exemple. Dans certaines régions, lorsque les conditions le permettent, on pourrait aussi envisager de planter davantage de feuillus, qui résistent mieux aux incendies de forêt. Mais aucune de ces mesures ne peut avoir autant d’impact que notre première recommandation, reconnaît Yan Boulanger. « On essaie depuis longtemps de partager cette information. Le bureau du Forestier en chef a lui aussi fait des études là-dessus, montrant qu’en raison de l’augmentation des feux dans certaines régions, il faudrait baisser de façon draconienne la possibilité forestière pour éviter des ruptures de stock dans un contexte de changement climatique. »

Lisez l’étude (en anglais)