Alors qu’on se souviendra de 2023 comme l’année la plus chaude de l’histoire, un nouvel outil grand public vient cartographier les villes canadiennes où les citoyens souffrent le plus des changements climatiques. La plateforme web bilingue HealthyPlan.City cible des quartiers où se jouent tous les jours de grandes iniquités environnementales.

À quel endroit, à Montréal, les enfants souffrent-ils le plus de la pollution de l’air, de chaleurs excessives ? Dans quels quartiers ont-ils moins accès à des parcs, à des plans d’eau, à des aires de jeu ?

Et qu’en est-il de l’accès au transport collectif dans un rayon d’un kilomètre ? Du bruit provenant de la circulation, des avions ? Et les sans-abri, dans tout ça ?

IMAGE TIRÉE DU SITE HEALTHYPLAN.CITY

À partir de 25 indicateurs démographiques et environnementaux pour 125 municipalités canadiennes de 30 000 habitants et plus, la plateforme bilingue HealthyPlan.City identifie les iniquités environnementales.

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« Ultimement, l’outil permet d’identifier les inégalités à travailler. Les citoyens seront mieux informés pour exiger des changements », affirme Dany Doiron, spécialiste en épidémiologie environnementale. Il est l’un des chercheurs qui ont piloté le projet.

Par exemple, explique-t-il, la plateforme permet de mieux développer certains quartiers en déterminant les déserts alimentaires. « Et des programmes de plantation d’arbres ou de ruelles vertes pourront être développés en identifiant où sont les îlots de chaleur, les populations vulnérables », ajoute l’expert, qui est également codirigeant de ce qu’on appelle le Consortium canadien de recherche en santé environnementale en milieu urbain (CANUE).

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La plateforme HealthyPlan.City permet d’identifier où sont les îlots de chaleur dans la métropole.

Au total, son équipe a épluché 25 indicateurs démographiques et environnementaux pour 125 municipalités canadiennes de 30 000 habitants et plus. Afin d’y parvenir, les données du recensement canadien de 2021 ont été utilisées. Au pays, des outils semblables existent déjà, mais ils sont l’apanage des décideurs gouvernementaux et universitaires. Celui-ci a la particularité d’être accessible gratuitement à la population.

Son utilisation est simple, a constaté La Presse ; il y a trois menus déroulants. Le premier pour la ville, le deuxième pour l’environnement bâti, et le troisième pour cibler la population. Sans grande surprise, les arbres et la verdure sont légion sur le mont Royal, dans les parcs La Fontaine et Maisonneuve, de même que dans l’Ouest-de-l’Île, secteur Cap–Saint-Jacques.

Dans d’autres quartiers, cependant, c’est tristement gris et bétonné. Suffocant. C’est notamment le cas dans Parc-Extension, un quartier bordé par Saint-Michel et Villeray.

En ce qui concerne le bruit, l’outil confirme que les citoyens qui vivent autour des aéroports sont soumis à des décibels inquiétants pour la santé. Et les enfants ont moins accès à des parcs ou à des épiceries d’aliments sains, notamment dans Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.

L’expert Dany Doiron précise que HealthyPlan.City est le premier outil à rassembler à la même enseigne autant de données. La plateforme est le fruit du travail de scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), en collaboration avec l’École de santé publique de l’Université de Toronto.

Autre constat peu reluisant en naviguant sur le site, on apprend que les aînés à faibles revenus de Montréal sont moins entourés d’arbres que plusieurs autres Canadiens. Ainsi, la métropole occupe le 8e rang de 12 villes de taille similaire au pays sur le plan de la distribution équitable de couvert arborescent pour la population des aînés à faibles revenus. La ville de Québec arrive au premier rang des municipalités « les moins équitables ». La plus performante est Brampton, en banlieue de Toronto.

Déjà de l’action

Sur le terrain, de grands acteurs ont commencé à l’utiliser pour propulser des initiatives vertes. C’est le cas du Centre d’écologie urbaine, dont la mission est d’assurer un environnement sain aux citadins. Le chargé de projet du Centre, Vincent Ouellet Jobin, explique que tout un projet est en branle pour augmenter la canopée dans le quartier Parc-Extension, bordé par Saint-Michel et Villeray.

« En utilisant la plateforme, on a analysé toute l’île de Montréal, quartier par quartier. On a rapidement remarqué qu’il n’y a pas beaucoup de canopées dans Ville-Marie, au centre-ville, et plus particulièrement dans Parc-Extension, avec des gens à faibles revenus. Nous en sommes à organiser des consultations publiques pour bonifier le couvert arborescent. Il y a la plantation d’arbres, mais ça peut prendre d’autres formes, selon les besoins. On peut penser à des jardins communautaires. »

Selon M. Ouellet Jobin, la plateforme va devenir un « outil indispensable » avec l’urgence de développer les villes en tenant compte des changements climatiques. On se souviendra des rues et sous-sols inondés l’été dernier dans la métropole à cause des fortes pluies soudaines, rappelle-t-il. Et de la nécessité d’adapter nos infrastructures.

L’automne dernier, la mairesse Valérie Plante a d’ailleurs présenté un plan visant à aménager une « rue éponge » dans le quartier Sainte-Marie, où il y a eu des inondations à répétition. Le projet consiste à retirer de l’asphalte, à rendre la chaussée plus perméable en creusant des bassins de rétention.

« La Ville de Montréal a sa carte de la vulnérabilité, mais HealthyPlan.City permet d’établir des comparatifs avec les autres villes. Dans le milieu, on s’intéresse beaucoup au phénomène de ce qu’on appelle l’éco-embourgeoisement afin de veiller à l’équité environnementale », ajoute M. Ouellet Jobin.

En savoir plus
  • 59 %
    À Montréal, plus de la moitié (59 %) des adultes âgés à faibles revenus (ou 17 306 individus) vivent dans des zones où des ressources additionnelles ciblant le couvert arborescent pourraient améliorer l’équité environnementale.
    44 %
    Près de la moitié (44 %) des enfants vivant dans des foyers à faibles revenus (ou 11 564 individus) se retrouvent dans des zones où des ressources additionnelles ciblant des points de vente d’aliments sains pourraient améliorer l’équité à Montréal.
    source : HealthyPlan.City