Certains quartiers de Montréal présentent des taux de vulnérabilité importants dans les classes de maternelle. Près de quatre enfants sur dix dans les quartiers du sud-ouest de la métropole présentent au moins un facteur de vulnérabilité lorsqu’ils arrivent à l’école, montre l’analyse régionale de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM), réalisée en 2022.

D’un point de vue global, la situation des enfants montréalais est stable, démontre l’analyse des résultats de l’EQDEM par la Direction régionale de santé publique de Montréal, que La Presse a obtenue. Près de trois enfants montréalais sur dix (28,1 %) présentent au moins un facteur de vulnérabilité lorsqu’ils arrivent à l’école, un chiffre qui est à peu près stable depuis 2012.

À l’inverse, dans l’ensemble du Québec, la situation s’est dégradée, révélaient en octobre les chiffres provinciaux de l’EQDEM. Sur le territoire québécois, le nombre d’enfants vulnérables est passé de 25,6 % en 2012 à 28,7 % dix ans plus tard.

« C’est une relative bonne nouvelle que la situation de Montréal ne se soit pas dégradée, note la docteure Catherine Dea, médecin spécialiste en santé publique et cheffe médicale, secteur jeunesse, à la Direction de santé publique de Montréal. Mais cela reste une donnée préoccupante. On aurait aimé que ça s’améliore, et ce n’est pas le cas. Les inégalités ont augmenté, notamment entre les enfants nés au Canada et ceux qui ne sont pas nés au Canada. »

Des écarts majeurs entre les quartiers

Cette apparente stabilité montréalaise masque en effet des écarts d’importance dans les différents quartiers de la métropole. Lorsqu’on divise les résultats par territoires de CLSC, les quartiers de Pointe-Saint-Charles (36,9 %), LaSalle (36,1 %) et Saint-Henri (34,9 %), tous situés dans le sud-ouest de la métropole, se démarquent par des taux beaucoup plus élevés de vulnérabilité.

IMAGE TIRÉE DE L’ENQUÊTE QUÉBÉCOISE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ENFANTS À LA MATERNELLE 2022

Proportion et nombre d’enfants de maternelle 5 ans vulnérables par CLSC à Montréal

Les secteurs de Montréal-Nord, Saint-Michel et Parc-Extension ressortent également du lot avec des taux qui frisent ou dépassent légèrement les 33 %. De plus, dans Saint-Michel et Parc-Extension, près d’un enfant sur cinq affiche plus de deux facteurs de vulnérabilité. Comparons avec d’autres secteurs plus favorisés de Montréal : le nombre d’enfants comptant un seul facteur de vulnérabilité se situe à 17,3 % dans Villeray et à 20 % dans Anjou et Rosemont, par exemple.

Qu’est-ce que cela veut dire, être vulnérable ? Ces enfants qui arrivent à la maternelle n’ont pas atteint le niveau de développement jugé normal dans l’un des cinq domaines étudiés : la santé physique, les compétences sociales, la maturité affective, le développement cognitif et langagier, ainsi que les habiletés de communication et les connaissances générales.

Ce sont les professeurs de maternelle eux-mêmes qui remplissent les questionnaires sur leurs élèves ; 353 écoles montréalaises ont participé à l’étude, et plus de 17 000 enfants ont été évalués. Note importante : les élèves qui sont classés comme handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) sont exclus de l’étude. Concrètement, dans les classes de maternelle, le nombre d’enfants dont le développement n’est pas optimal est donc encore plus élevé que ne le montre l’étude.

Ces enfants vulnérables ne sont pas nécessairement destinés à vivre une scolarité difficile. « Être vulnérable ne signifie donc pas être voué à l’échec scolaire, mais plutôt d’être moins bien outillé que les autres pour profiter pleinement de ce que l’école peut offrir », précise l’étude. Pour leurs enseignants, « ces enfants présentent des défis, qui peuvent être importants », souligne toutefois Catherine Dea.

Des régions en difficulté

Et pourquoi Montréal s’en sort-il mieux que l’ensemble du Québec, où la situation se dégrade depuis dix ans ? Plusieurs régions, comme Laval (33,9 %), la Côte-Nord (32,8 %), l’Outaouais (32,2 %) ou l’Estrie (30,2 %) affichent maintenant des taux d’enfants vulnérables supérieurs à ceux qu’on retrouve dans la métropole (28,1 %).

Plusieurs hypothèses sont sur la table, répond la Dre Dea. D’abord, le taux de pauvreté des familles avec de jeunes enfants a fortement diminué à Montréal. Il est passé de 17 % à 8 %. « C’est peut-être dû à la Prestation canadienne d’urgence, donnée pendant la pandémie, ou à la hausse des allocations familiales fédérales. Mais c’est peut-être aussi dû à un exode des familles défavorisées vers l’extérieur de l’île. »

Les familles défavorisées déménagent, à cause de la gentrification dans certains quartiers.

La Dre Catherine Dea, médecin spécialiste en santé publique et cheffe médicale, secteur jeunesse, à la Direction de santé publique de Montréal

Les enfants montréalais bénéficient également de plus de services de proximité, de groupes d’aide, et fréquentent davantage les CPE, « un grand facteur protecteur », dit Catherine Dea.

Que faire pour améliorer la situation dans les quartiers montréalais, mais aussi partout au Québec ? Il faut renforcer les programmes d’intervention en périnatalité et en petite enfance, ainsi que le maillage entre les CPE et les écoles, répond la médecin.

Le programme Agir tôt est un excellent exemple de mesure préventive, souligne Catherine Dea. Il prévoit une consultation universelle, pour tous les enfants de 18 mois, avec un professionnel de la santé, une mesure qu’on est en train de concrétiser à l’échelle du Québec. « Cela va permettre de repérer précocement certaines problématiques. »