Une proportion élevée des nanoplastiques présents dans les eaux usées n’est pas interceptée par les usines d’épuration québécoises, selon une nouvelle étude. Dans certaines usines, plus de 80 % de ces molécules toxiques survivent parfois au traitement. Bonne nouvelle, des changements peu coûteux peuvent en éliminer plus de 70 %, et il serait possible d’augmenter cette proportion avec des investissements supplémentaires.

Matières en suspension

Les nanoplastiques sont en partie éradiqués par les procédés d’élimination des matières en suspension, a constaté l’étude de Mathieu Lapointe, ingénieur civil de l’École de technologie supérieure (ETS), qui est l’un des coauteurs de l’étude publiée lundi dans la revue Nature Water. Il avait commencé l’étude durant son postdoctorat à l’Université McGill, et les analyses de laboratoire y ont été faites. « En moyenne, dans les usines québécoises de traitement des eaux usées, les technologies existantes permettent l’enlèvement de 39 % à 69 % des nanoplastiques », dit M. Lapointe.

PHOTO FOURNIE PAR MATHIEU LAPOINTE

Mathieu Lapointe, ingénieur civil de l’École de technologie supérieure

Or, dans deux usines où des mesures directes ont été prises, le taux d’enlèvement des nanoplastiques baissait parfois à moins de 20 %. M. Lapointe ne peut pas dévoiler l’emplacement de ces deux usines à cause d’ententes de confidentialité.

Il n’y a pas pour le moment de normes sur l’enlèvement des nanoplastiques.

L’a b c des nanoplastiques

Comme leur nom l’indique, les nanoplastiques sont de l’ordre du nanomètre, donc 1000 fois plus petits que les microplastiques. « Les microplastiques ne peuvent pas entrer dans les organes du corps humain, ils sont trop gros, dit M. Lapointe. Si on en mange, ils vont entrer et sortir. Mais les nanoplastiques sont assez petits. Les études tendent à démontrer qu’ils ont plus de toxicité que les microplastiques. Ce n’est pas une énorme toxicité, beaucoup moins que les perfluorés par exemple. Mais les nanoplastiques peuvent s’accumuler dans le corps. »

Corrélation

La clé pour l’amélioration rapide de l’enlèvement des nanoplastiques est la mesure de la corrélation entre l’enlèvement des matières en suspension et des nanoplastiques. « Nous avons pu voir en laboratoire que c’est assez constant pour un traitement donné, dit M. Lapointe. Donc on pourrait utiliser cette corrélation pour savoir combien de matière en suspension enlever. On pourrait aussi ajouter des coagulants. »

Il arrive parfois que les matières en suspension coagulent naturellement dans les eaux usées. « Elles décantent très facilement dans le décanteur, dit M. Lapointe. Mais les nanoplastiques ne s’agrègent pas naturellement. Si on vise seulement à respecter les normes pour les matières en suspension, parfois il va rester plus de nanoplastiques. »

En utilisant les méthodes actuelles, on peut donc éliminer facilement, en n’augmentant pas beaucoup les coûts, plus de 60 % des nanoplastiques.

Coagulants et floculants

Comment faire pour éliminer davantage de nanoplastiques ? « Pour dépasser 90 % d’enlèvement, il faudrait plusieurs conditions gagnantes, dont certaines sont coûteuses, parfois très coûteuses », dit M. Lapointe.

Il pourrait y avoir par exemple davantage de coagulants et de floculants (des molécules qui favorisent la décantation des agglomérats de particules), ou alors des versions haute performance de ces coagulants et floculants. Le pH pourrait être ajusté pour favoriser l’agglomération des nanoplastiques. Les solutions probablement trop coûteuses pour être adoptées, du moins pour les usines existantes, sont la réduction des débits ou l’augmentation de la taille des décanteurs, pour laisser plus de temps de décantation aux nanoplastiques.

L’eau potable

Les collègues de l’ETS et de McGill de M. Lapointe sont maintenant en train de faire le même exercice pour les usines de traitement de l’eau potable. Mais il pense que l’enlèvement des nanoplastiques sera supérieur à celui des usines d’épuration, parce que ces dernières n’utilisent pas de filtres granulaires ou membranaires, comme dans l’eau des conduites d’eau. « Dans une usine d’eau potable, on enlève presque tout, dit M. Lapointe. Il se pourrait par contre qu’avec les sources d’eau très propres, comme le fleuve Saint-Laurent, on utilise moins de coagulants. En l’absence de coagulants, les nanoplastiques passent un peu plus à travers les filtres granulaires. »

Les sacs de plastique

Est-ce que l’interdiction des sacs de plastique à Montréal a déjà eu un impact sur la quantité de microplastiques et de nanoplastiques dans les eaux usées ? « On ne verra pas d’impact, parce que la plupart des micro- et nanoplastiques des eaux usées proviennent du lavage des vêtements, dit M. Lapointe. Dans le passé, il y avait aussi des microplastiques dans les produits de soins personnels, mais c’est moins le cas. Il y a aussi un peu de microplastiques provenant des lave-vaisselle, quand on lave des contenants de plastique par exemple. »

N’y avait-il pas une contamination par les sacs de plastique abandonnés dans la rue ou qui se retrouvaient dans les dépotoirs ? « Il n’y en avait pas assez qui ne prenaient pas le chemin du dépotoir. Et les eaux de lixiviat des dépotoirs passent à travers les sols, qui sont d’excellents médias filtrants. Donc les microplastiques provenant des dépotoirs, ce n’est pas inquiétant pour nous. »

En savoir plus
  • 4,7 millions de tonnes
    Quantité de plastique vendu au Canada en 2016
    Source : Environnement Canada
    3 millions de tonnes
    Quantité de plastique enfoui ou brûlé dans des dépotoirs au Canada en 2016
    Source : Environnement Canada
  • 300 000 tonnes
    Quantité de plastique recyclé au Canada en 2016
    Source : Environnement Canada
    29 000 tonnes
    Quantité de plastique relâché dans l’environnement à l’extérieur des dépotoirs au Canada en 2016
    Source : Environnement Canada