La toute première cargaison de café transportée par voilier destinée au torréfacteur sherbrookois Café William est partie de Colombie le 18 décembre, concrétisant plusieurs années d’efforts de l’entreprise pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
L’Avontuur, une goélette de 43 mètres, a quitté le port de Santa Marta avec l’équivalent de quatre conteneurs de café vert à bord, a confié à La Presse le président-directeur général de Café William, Rémi Tremblay.
« On veut participer à l’essor de la transformation de l’industrie », s’enthousiasme-t-il, reconnaissant sans détour la lourde empreinte carbone du café, lorsqu’il est consommé sous nos latitudes.
L’Avontuur ne pouvant se rendre en eaux québécoises à cette période de l’année, sa cargaison doit être débarquée dans un port du New Jersey, ces jours-ci, et faire le reste du trajet en camion.
Mais Café William a des ambitions plus grandes et planifie l’expédition d’une seconde cargaison, en juin, cette fois à bord d’un voilier beaucoup plus gros, qui transportera l’équivalent de 50 conteneurs de café et qui se rendra jusqu’au port de Québec.
Ce qu’on [a] fait en décembre, c’est très artisanal en termes de volume de cargaison et d’organisation.
Rémi Tremblay, président-directeur général de Café William
La quantité de café transportée équivaut à un peu moins d’un mois de production pour l’entreprise sherbrookoise, qui prévoit cependant que le transport de la totalité du café vendu sous la marque Café William sera carboneutre dans quelques années – l’entreprise torréfie aussi du café pour des entreprises de services alimentaires ou pour des chaînes d’épicerie qui le vendent sous leur propre marque.
« D’ici 12 à 18 mois, on va couvrir la majorité de nos cafés, à l’exception de celui de l’Indonésie », indique M. Tremblay, espérant pouvoir transporter le café venant d’Asie sans émettre de GES d’ici trois ans.
En attendant, Café William entend offrir une nouvelle gamme de café plus « durable », dont les origines seront sélectionnées en fonction du transport par voilier.
« Ensuite, pour les autres produits, ce n’est pas nous qui allons décider ; les marges sont minces, la compétition est féroce », dit M. Tremblay, qui espère néanmoins que sa clientèle emboîtera le pas.
Changement de voilier
Organiser le transport de son café par voilier n’a pas été simple pour Café William, qui caresse ce projet depuis plus de trois ans.
Le torréfacteur sherbrookois attend de prendre copossession du Ceiba, un voilier dont la construction au Costa Rica ne sera terminée qu’en 2025.
Il a donc fallu affréter un autre navire pour les premiers transports, mais celui qui avait été retenu initialement, le Vega, un voilier à coque de bois âgé de plus de 100 ans, a dû lui aussi être remplacé.
On n’a jamais été capable de l’assurer pour faire du cargo maritime !
Rémi Tremblay, au sujet du voilier centenaire Vega
Mais Rémi Tremblay ne se décourage pas de ces imprévus ; Café William se fait au contraire une fierté de contribuer au développement du transport par cargo à voile.
« Il y a vraiment une industrie maritime qui est en train de s’organiser et on soutient cette industrie-là », dit M. Tremblay.
Les voiliers étant plus petits que les cargos à moteur, leur temps de chargement est considérablement réduit, ce qui compense leur déplacement un peu plus lent, explique M. Tremblay.
« La durée de transit n’est pas très différente, finalement », dit-il.
Première mondiale
La démarche écologique de Café William ne s’arrête pas au transport : l’entreprise s’affaire depuis l’automne à roder sa nouvelle usine, dotée d’un torréfacteur fonctionnant à l’électricité, « une première mondiale à l’échelle industrielle », s’enthousiasme Rémi Tremblay.
« C’est une pas pire folie qu’on a introduite dans le projet de construction », lance-t-il, expliquant que l’appareil nécessite une entrée électrique dédiée d’un mégawatt.
L’appareil, qui est en réalité biénergie, afin de pouvoir fonctionner au gaz en cas de panne, a été conçu par l’équipementier allemand Neuhaus Neotec qui y voyait également un projet « très porteur », affirme M. Tremblay.
Les coûts de fonctionnement de ce torréfacteur devraient être semblables à ceux d’un appareil au gaz, prévoit M. Tremblay, qui précise que l’objectif n’était pas de faire des économies, mais bien de réduire les émissions de GES.
« On essaie d’influencer la transformation des choses dans l’industrie du café », dit-il.
La nouvelle usine de Café William dispose de l’espace et de la capacité électrique nécessaires pour ajouter deux autres torréfacteurs identiques, témoignant des objectifs de croissance de l’entreprise.
Et des camions
Café William est aussi en attente de deux camions électriques de marque Tesla, pour lesquels elle a fait un important dépôt en 2021. « Ce sont les seuls qui promettent une autonomie assez intéressante », dit Rémi Tremblay, qui « surveille de près aussi ce qui se passe chez Lion ». Café William envisage ainsi de se doter d’un petit parc de camions électriques pour effectuer ses livraisons au Québec, tout en faisant affaire avec des transporteurs ayant eux-mêmes un parc électrique pour le transport sur de plus grandes distances.
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- 0,10 $ US
- Prix moyen du transport d’une livre de café par cargo à moteur
Source : Café William- 0,30 $ US
- Prix moyen du transport d’une livre de café par voilier
Source : Café William