Le ministre québécois de l’Environnement appelle à mettre la « partisanerie » de côté pour combattre efficacement la crise climatique, a-t-il confié à La Presse au terme de sa participation à la COP28, fier du rôle « unique » pour un État infranational que le Québec y a joué

(Dubaï, Émirats arabes unis) Le Québec est « certainement l’un des États fédérés les plus actifs » sur la question des changements climatiques, ce qui explique sa présence importante dans des conférences internationales comme la COP28, se félicite Benoit Charette.

« Ça s’explique très simplement par nos actions et nos bilans », a-t-il affirmé dans un entretien avec La Presse, samedi, à son dernier jour à la conférence, sur une terrasse ombragée adjacente aux locaux occupés par la délégation du gouvernement québécois.

Le ministre Charette venait de participer à un panel de discussion portant sur la façon dont la protection de la biodiversité peut contribuer à la lutte contre les changements climatiques, dans l’une des plus grandes salles du centre de conférences, une séance dite de haut niveau parce qu’elle réunissait des ministres représentant les États parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, y participait d’ailleurs aussi.

PHOTO CHRISTOPHER PIKE, COP28/CHRISTOPHER PIKE

Le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault

« On est souvent les seuls sur des panels [comme celui-là], avec des ministres des pays », s’enorgueillit Benoit Charette.

Au-delà de ces panels publics, le Québec est aussi très impliqué dans les discussions latérales, et même dans les négociations, puisqu’un représentant du gouvernement québécois fait partie de l’équipe de négociateurs du Canada, explique l’élu au titre de « ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs ».

Le ministre se dit particulièrement fier du protocole québécois de crédits carbone compensatoires pour la foresterie, que son négociateur est « en train de vendre à l’international ».

Ce protocole a la particularité d’être « payant » seulement après plusieurs années, quand les arbres plantés auront réellement séquestré du carbone, contrairement à d’autres protocoles dans le cadre desquels les crédits sont accordés dès la plantation, explique le ministre.

Ultimement, c’est peut-être le modèle québécois qui va faire office de référence à la grandeur de la planète. C’est le genre de leadership qu’on exerce.

Benoit Charette, ministre québécois de l’Environnement

Plaidoyer pour moins de « partisanerie »

Le ministre Charette est un peu agacé quand on lui souligne les critiques concernant l’action climatique de son gouvernement, au Québec.

« Quand on est dans l’opposition, on est obligé de dire que le gouvernement est mauvais », dit-il, appelant à mettre la partisanerie de côté pour rendre la lutte contre les changements climatiques plus efficace.

Benoit Charette veut prêcher par l’exemple, soulignant être en contact constant avec sa « collègue libérale » Désirée McGraw, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement et de lutte contre les changements climatiques, qui participait elle aussi à la COP28.

« On parle même d’un projet commun, qui reste à définir, pour mieux travailler ensemble [en général, au Québec] », évoque-t-il, lançant même des fleurs à ses adversaires.

« Le bilan québécois, le gouvernement actuel lui a donné beaucoup de crédibilité, mais il y a de belles choses qui ont été faites avant aussi », dit-il, citant notamment le marché du carbone, auquel trois gouvernements différents ont contribué depuis 10 ans.

Jamais je n’ai dit et jamais je ne dirai que tout a commencé quand je suis devenu ministre de l’Environnement.

Benoit Charette

Le rayonnement « vient avec une responsabilité »

Il est « vrai que le Québec rayonne beaucoup à la COP, particulièrement cette année », constate l’analyste des politiques climatiques de l’organisation Équiterre, Andréanne Brazeau, qui participe aussi à la COP28.

Le fait que le Québec copréside l’alliance Au-delà du pétrole et du gaz (Beyond Oil and Gas Alliance, BOGA), qui travaille à l’abandon progressif de la production de pétrole et de gaz, « montre la place [qu’il] cherche à occuper [sur] la scène internationale », illustre-t-elle.

« Par contre, ça vient avec une responsabilité à l’international, au Canada et au Québec », ajoute-t-elle dans la foulée, suggérant que le ministre Charette devrait en profiter pour faire pression sur Ottawa pour qu’il soit plus ambitieux dans les négociations à la COP28 sur la sortie des énergies fossiles.

Et pour que l’action du Québec soit « vraiment complète et cohérente », il devrait redoubler d’efforts pour réduire sa consommation d’énergies fossiles, affirme Mme Brazeau.

« C’est bien beau de ne pas en produire, mais environ 50 % de l’énergie qu’on consomme [tous domaines confondus] est encore de l’énergie fossile », souligne-t-elle, pointant des gains « assez faciles » à faire en interdisant les nouveaux raccordements au gaz, en améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments, en freinant l’étalement urbain et en cessant de construire de nouvelles infrastructures routières.

Benoit Charette est d’accord : « Notre rôle, maintenant, est de diminuer graduellement notre dépendance aux énergies fossiles », dit-il, plaidant toutefois que cela prend du temps.

« Le défi qu’on a, sur le plan structurel, c’est que ça prend beaucoup trop de temps », déplore le ministre, qui juge anormal qu’un projet comme le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal ait pris 40 ans.

Même chose pour le transport de marchandises, trop dépendant du camionnage depuis le déclin des réseaux ferroviaires et maritimes.

« On est en train de remettre ça, dit-il, citant les stratégies maritimes et ferroviaires de son gouvernement. Le train va retourner dans l’est du Québec. »

D’autres mesures de lutte contre les changements climatiques s’ajoutent chaque année, rappelle le ministre Charette, qui précise que son gouvernement s’est donné l’obligation de se doter d’une nouvelle cible de réduction des émissions québécoises au cours de son présent mandat.

« On ne peut pas réparer toutes les erreurs ou le manque de vision du passé, mais on peut certainement assumer un plus grand leadership, dit-il. Être bons, ça ne veut pas dire s’arrêter là. »