Certains parcs distribuent des sacs pour ramasser les crottes de chien. Dans ceux de Squamish, en Colombie-Britannique, on en offre maintenant pour ramasser celles… des humains.

Des distributeurs de sacs d’aisance gratuits ont été installés à la fin de l’été, près des sentiers menant aux parois d’escalade de la région de Squamish, petite communauté lovée dans la chaîne Côtière, à mi-chemin entre Vancouver et Whistler. Offerts dans des zones où la construction de toilettes n’est pas possible, ces sacs n’ont pas manqué d’attirer l’attention des grimpeurs et, surtout, du grand public (allez savoir pourquoi, une histoire de c…, ça fait toujours jaser).

Le concept est assez ingénieux : l’emballage du sac WAG (pour Waste Alleviating Gel) comprend du papier hygiénique, une serviette antiseptique humide et un sac étanche dans lequel se trouve une poudre pour absorber le liquide. L’embouchure du sac se déploie comme un entonnoir, permettant de recueillir… ce qu’il y a à recueillir, puis de sceller proprement à l’intérieur tant le contenu que les odeurs. Le sac est ensuite jeté à la poubelle.

PHOTO FOURNIE PAR SQUAMISH ACCESS SOCIETY

Distributeur de sacs d’aisance près des parois d’escalade de Squamish, en Colombie-Britannique

Regardez une vidéo explicative sur l’utilisation du sac d’aisance (en anglais)

Pourquoi utiliser un tel sac jetable, non biodégradable, alors qu’on se trouve justement en communion avec la nature ? Parce que si le « besoin » est naturel, la trace qu’il laisse dans la nature ne l’est pas. Vraiment pas, insistent les pros du plein air, qui plaident pour un changement de culture sanitaire lorsqu’on a les fesses à l’air.

Mettons les choses au clair : non, les excréments ne se transforment pas en terreau dès que le pantalon est remonté. Non, le papier hygiénique ne retourne pas à sa fibre originelle à la première pluie. Non, l’urine, ce n’est pas de l’eau vitaminée pour arroser les plantes vertes.

Barre tendre, bouteille d’eau, truelle

Ce n’est pas parce que l’endroit ne comporte pas de toilettes qu’il devient correct de laisser ses traces un peu partout. Pour Danielle Landry, fondatrice de l’organisme De ville en forêt, la gestion des déchets humains en plein air doit faire l’objet d’une préparation, que ce soit pour une petite randonnée ou une expédition de canot-camping.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Danielle Landry, fondatrice de l’organisme De ville en forêt

Les guides de plein air vantent le concept des « 10 essentiels », qui vont de la gourde d’eau à la trousse de premiers soins en passant par la collation et la protection solaire. « Mais la truelle pour creuser un trou ou le contenant pour rapporter ses déchets humains, ça n’en fait pas partie », déplore-t-elle.

Les principes « Sans trace », que Mme Landry enseigne, détaillent comment s’occuper de ces besoins intimes qui peuvent devenir un problème collectif (voir encadré). Les excréments humains contiennent des pathogènes qui peuvent contaminer l’eau, rappelle-t-elle. L’urine n’est pas inoffensive non plus : elle contient des traces de médicaments.

De l’éducation à faire

Quand la nature nous appelle, peu importe le moment, il n’est pas vraiment possible d’y échapper. Mais s’il n’y a pas de toilettes et que le sol rocheux empêche l’enfouissement discret… À Squamish, avec la hausse du nombre de visiteurs ces dernières années, ces déchets humains déposés un peu partout près des parois d’escalade commençaient à être franchement dérangeants.

Ces nouveaux grimpeurs, observe Alex Ryan Tucker, secrétaire de la Squamish Access Society, ont appris les rudiments du sport au gymnase avant de se retrouver en nature. « Avant, les gens arrivaient à l’escalade après avoir pratiqué d’autres activités de plein air dans l’arrière-pays. Aujourd’hui, ils ont une expérience [du plein air] plus limitée. »

Ce n’est pas que ces personnes se soucient moins de la nature. Je pense que c’est surtout un manque de connaissances. Elles n’ont pas eu l’occasion d’apprendre l’éthique du plein air avec d’autres personnes.

Alex Ryan Tucker, secrétaire de la Squamish Access Society

De fait, le recours au sac d’aisance est assez connu chez les aventuriers expérimentés. Ce type de sac est offert depuis plusieurs années dans les boutiques de plein air (environ 5 $ le sac), et son utilisation est encouragée dans plusieurs parcs nationaux américains, notamment dans le désert. À Squamish, c’est gratuit. « Il est encore tôt pour savoir quel impact aura cette distribution », dit M. Ryan Tucker. « Pour l’instant, on a eu une bonne réponse, on a dû remplir les distributeurs, donc on sait que les gens en ont pris. »

Quatre façons de faire « ça » en plein air

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La trousse de l’organisme De ville en forêt : bouteille d’eau avec embout, pelle ultra légère, chiffons en microfibres, nettoyants à mains et contenant à olives réutilisé pour rapporter les déchets humains dans des sacs.

1. Privilégier les toilettes. Repérer sur une carte où elles se trouvent et ne jamais perdre une occasion de les utiliser.

2. Rapporter ses déchets. Un contenant fermé réutilisable avec une matière agglomérante (litière, sciure de bois), un sac de plastique pour y déposer ses besoins, de quoi se laver les mains. En Alaska, dans le parc Denali, ce type d’équipement est obligatoire.

Consultez le site du parc Denali (en anglais)

3. Creuser un trou sanitaire. Choisir un endroit éloigné de 60 m des sentiers et des plans d’eau, puis creuser à la truelle un trou d’au moins 15-20 cm de profondeur. Recouvrir ses besoins de terre et de matière végétale. Rapporter son papier hygiénique souillé dans un sac ou le mettre dans le trou. Ne pas tenter de brûler le papier. Ne jamais creuser un trou sur une plage ou dans la neige.

4. Utiliser un sac d’aisance jetable.

Sources : Sans trace Canada et Danielle Landry

Et au Québec ?

« Les déchets humains ne sont pas présents dans nos établissements au point d’avoir à instaurer une formule comme celle déployée à Squamish, qui semble associée à un grand achalandage hors sentier », observe Simon Boivin, porte-parole de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ). Des toilettes sont disponibles près des lieux les plus achalandés, dit-il. « Pour les adeptes d’expédition dans l’arrière-pays, nous demandons aux visiteurs d’adopter les principes du “ Sans trace ” », soit de creuser un trou sanitaire dans le sol organique.

Consultez les principes Sans trace